Depuis l’immolation de M. Bouazizi le 17/12/2010, les mouvements de contestation du pouvoir en place au Maghreb et au proche Orient n’arrêtent pas de s’étendre.
Des manifestations massives ont lieu en Libye, en Algérie, au Maroc, mais aussi en Iran, au Soudan, au Yemen, au Bahreïn, à Djibouti. Les dictateurs Ben Ali et Moubarak ont fui devant la pression du peuple, les libyens tentent de faire tomber le colonel Kadhafi. Des luttes sociales ont existé dans plusieurs de ces pays sans parvenir à l’ampleur de celles qui sont en cours aujourd’hui.
Les dynamiques développées surprennent et font peur aux dominant-e-s car cette fois, l’hostilité contre les régimes est globale et ne concerne pas seulement le départ des dictateurs mais aussi des revendications sociales liées à la répartition des richesses. Une grande partie de la population se bat pour réclamer plus de liberté et de justice sociale.
Ces dynamiques ne rentrent pas dans le cadre d’une idéologie/politique nationale, religieuse ou démocratique. Les manifestant-e-s attaquent des symboles du régime (édifices ou multinationales), se mettent en grève mais surtout dans la plupart des cas, les révoltes n’ont pas de chefs. Des nouveaux réseaux d’entraide et d’auto-organisation collective se développent.
Des États complices pour maintenir une exploitation identique
Pendant ce temps, les États-Unis et l’Union Européenne tentent de camoufler leur politique de soutien aux dictateurs. La plupart des armes antiémeute et des munitions employées par les forces des régimes pour tuer et réprimer proviennent des entreprises européennes ou américaines. L’Égypte est le pays du Maghreb le plus aidé militairement par les USA.
Depuis 20 ans, les grandes puissances jouent les marchands d’armes avec les dictateurs. La complicité des États, leur responsabilité et leur cynisme est montrés au grand jour. Ils sont eux aussi responsables des massacres des populations civiles effectués avec le matériel militaire qu’ils ont fourni.
Alors que les politicien-ne-s de l’Europe se déclarent solidaires des insurgé-e-s, ils n’arrêtent pas de faire des calculs « humanitaires » pour les immigré-e-s provenant des pays en révolution. Les frontières européennes restent fermées et militarisées. Les migrant-e-s sont enfermés dans des camps. La droite s’est lancée dans une pré-campagne électorale aux relents d’extrême-droite en criant à l’invasion de vagues d’immigrés.
Tout est fait pour faire en sorte que les révoltes ne « tournent » pas mal pour les intérêts des États et des entreprises multinationales. La colère de la rue et la lutte pour de meilleures conditions de vie sont vite transformées par les médias en revendications pour des élections libres dans le cadre du modèle social-démocrate et la démocratie, (avec des leaders, des réformes constitutionnelles) mais pas de changement de gestion du pouvoir politique et économique.
C’est aussi dans ce sens que l’armée se présente comme porteuse de reformes et garante de la transition démocratique. Sans nier les mouvements de fraternisation qui ont émergé, nous ne pouvons nous fier à l’armée parce qu’elle tue, torture et sert les intérêts nationalistes des puissants au détriment des civils.
La théorie du choc des civilisations tant vantée par les États occidentaux est mise à mal. Sans nier les risques fondamentalistes religieux, les tunisiens et les égyptiens ont montré clairement leur refus d’un système dictatorial, qu’il soit laïc ou islamiste. La nation arabe apparaît comme une fiction entretenue par l’Occident pour faire croire à l’axe du mal.
Des tentatives de changement par des actions d’auto-organisation et des grèves
Dans les médias, le discours affirment que c’est une transition démocratique qui est avant tout demandée, pas une révolution sociale même si le système d’exploitation économique est contesté par une partie des manifestants. Tout reste à faire pour que de véritables changements sociaux émergent. L’exemple de la Tunisie illustre cette difficulté. Le premier ministre sous la pression du peuple a quitté le gouvernement pour être remplacé par un homme de 80 ans ministre sous Bourguiba.
Les impasses sont communes ici et là-bas car les démocraties parlementaires ne changeront pas le fond du problème. Elles représentent une façade juridique qui produit un écran de fumée.
On ne peut que constater une similitude dans l’exercice ordinaire du pouvoir entre nos fausses démocraties et les systèmes autocratiques :
- une classe privilégiée défend ses propres intérêts
- des réseaux clientélistes existent
- la classe politique œuvre en toute impunité face à une justice mise au pas
- le personnel politique reste au pouvoir tant qu’il le peut
Nous ne devons pas baisser les bras devant le désespoir politique, le capitalisme et les dernières défaites lors du mouvement des retraites car les peuples en lutte nous donnent à voir des formes d’auto-organisation sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. En Égypte, les 24 000 salarié-e-s de la principale usine du pays ont obtenu par la grève une hausse de salaire de 25%, des comités populaires de quartier ont été montés pour se défendre contre les milices armées du pouvoir en Tunisie et en Egypte, des réquisitions de logements ont eu lieu. Sous la pression, l’État Algérien a annoncé des mesures sociales, le roi du Maroc aussi. Au Barhein des prisonniers politiques ont été libérés.
Les chefs ont peur. Le poids du nombre des manifestants pour faire pression et faire basculer les choses nous rappelle que lutter et se révolter constitue l’arme principale des peuples partout dans le monde et réhabilite l’idée mise à mal en Occident que descendre dans la rue peut représenter une force unique.
Contre le pouvoir ici et là-bas, Solidarité internationale / la soif commune de justice et de liberté
Malgré les morts, malgré la répression et quelle que soit la suite à venir, ce qui se passe dans ces pays est réjouissant. Les révolté-e-s nous montrent que leur lutte renverse l’ordre établi, blesse la machine étatique et inquiète la finance mondiale.
Face à la féroce répression et aux projets des grandes puissances, la solidarité des exploité-e-s et la lutte commune au-delà des frontières est de plus en plus nécessaire. Ces révoltes feront partie de l’histoire de peuples, de ceux et celles qui sont en bas ; ces révoltes sont aussi les nôtres.
En Tunisie, en Égypte, en Europe et partout dans le monde, les exploité-e-s n’ont pas d’autre alternative que de lutter pour s’émanciper des oppressions étatiques, économiques et religieuses.
Groupe Un Autre Futur
de la Coordination des Groupes Anarchistes
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