En septembre, l’association Framasoft a annoncé la fermeture prochaine de plusieurs services faisant partie de son projet « Dégooglisons Internet ». Retour sur une aventure que l’UCL a soutenu et approuve.
En 2014, suite aux révélations d’Edward Snowden [1], Framasoft s’attaque à un chantier titanesque : rendre Internet utilisable sans Google ! Framasoft s’inscrit ainsi dans une pensée militante pragmatique : que peut-on faire pour contrer la surveillance tous azimuts de nos vies sur internet ? Quelles pratiques et outils mettre en œuvre pour faire d’« Internet [un lieu] de partage et d’indépendance » ?
Le mot « dégoogliser » est cependant réducteur : la démarche de Framasoft ne se limite pas à proposer des imitations libristes des outils Google. « À travers les services que nous déployons, nous promouvons un modèle économique fondé sur la mutualisation des coûts, le partage des ressources, et l’accessibilité au plus grand nombre. Ce modèle possède aussi un caractère éducatif car nous pensons qu’en documentant le déploiement des services, un grand nombre d’utilisateurs seront en mesure de partager à leur tour ces ressources. »
Plus de quatre ans plus tard, le projet a suscité l’adhésion, le soutien et l’engouement des internautes. Il a aussi servi de tremplin pour un projet encore plus militant, Mobillizon [2]. Ce constat enthousiasmant peut nous réconforter sur la capacité des militantes et militants à initier des actions « utopistes » qui peuvent paraître irréalisables de prime abord et qui finissent pourtant par se faire et même par convaincre largement.
Déframasoftisons Internet
Mais cela ne doit pas faire oublier un des enjeux cruciaux : comment « dégoogliser » Internet sans tomber soi-même dans une forme de centralisation ? Force est de constater que pour beaucoup d’entre nous, la démarche est devenue facile : tu cherches un outil Gafam à remplacer ? Va voir framatruc !
Mais c’est un combat perdu d’avance : Framadavid n’est pas du même poids que le GoliAth inFAMe. « [Framasoft] est, et souhaite rester, une association à taille humaine, un groupe de passionné·es qui expérimentent pour tenter de changer le monde (un octet à la fois). […] Nous tenons à notre modèle associatif, nous ne voulons pas croitre en mode “la start up qui veut se faire plus grosse que Google”. Si nous voulons garder notre identité sans nous épuiser à la tâche […], et si nous voulons continuer d’expérimenter de nouvelles choses, il faut que nous réduisions la charge qui pèse sur nos épaules. » D’où le souhait de l’association de restreindre ou d’arrêter plusieurs services [3] proposés actuellement.
L’arrêt sera graduel (2021 au plus tard) et le souhait de Framasoft est que d’autres prennent le relais, afin d’héberger, maintenir, et améliorer ces outils, tout en respectant l’éthique libriste : décentralisation, mutualisation et partage. Nous constatons régulièrement l’entrave, inconsciente et collective, à l’autogestion qu’est la spécialisation, dont une des facettes est la centralisation. L’efficacité, arborée comme prétexte au renforcement de cette spécialisation des mandats, ne peut être tenue pour seule cause. S’il n’existe pas de remède miracle pour élargir et faire durer les pratiques autogestionnaires, Framasoft nous donne un élément de réponse.
Vive l’autogestion !
En tant que communistes libertaires, nous saluons cette initiative humble et qui doit faire des émules… même si elle nous mettra un peu dans le framapétrin ! Nous ferons de notre mieux pour aider à cette décentralisation.
Marouane Taharouri (UCL Naoned)
[1] « Surveillance : Coupons les grandes oreilles », Alternative libertaire d’octobre 2013.
[2] https://joinmobilizon.org/fr/
[3] Liste complète dans l’article « Deframasoftisons internet » du 24 septembre 2019 sur le le site Framablog.org.