Économie

  • Des solutions radicales pour le monde agricole

    Des solutions radicales pour le monde agricole

    27 Jan 2024

    Depuis janvier, le monde agricole est en ébullition. La faute au productivisme, qui a créé un modèle terriblement fragile : solitude, endettement, surconsommation de carburants, d’engrais et de pesticides toujours plus chers… Comme l’épuisement des ressources et le dérèglement climatique font grimper les tarifs, le système craque. Il est temps d’en imaginer un autre.

    La suite ici

  • LA SOLIDARITÉ EST NOTRE ARME … EN EFFET, MAIS POURQUOI FAIRE ?

    LA SOLIDARITÉ EST NOTRE ARME … EN EFFET, MAIS POURQUOI FAIRE ?

    08 Déc 2020

    A la suite du 1er confinement cette année, les camarades de l’UCL Bruxelles ont produit un texte dont nous reprenons à notre compte ici1. Nous en avons modifié certains passages, nous en avons ajouter d’autres plus en phase avec notre réalité locale. A Montpellier, nous n’avons par exemple pas participé aux Brigades de Solidarité Populaire2.

    Construire la Solidarité Populaire

    La crise sanitaire a été l’occasion de prendre la mesure de la faillite de l’état, incapable, après des décennies de destruction des services publics et de la sécurité sociale, de venir en aide aux franges les plus précarisées du prolétariat. Cette incapacité a été doublée d’un dessin politique qui visait à maintenir la logique du profit alors même que la population n’avait pas accès au matériel de protection le plus élémentaire tel que des masques.

    Lors du dernier confinement et face aux manquements de l’État, des initiatives de Brigades de Solidarité Populaire ont vu le jour en Italie, puis en France, et enfin en Belgique. Des militant-e-s communistes libertaires se sont impliqué-e-s dans l’initiative en défendant les principes de la lutte des classes, de l’autonomie (vis à vis de l’État et de la bourgeoisie), de l’action directe, de la démocratie directe, de la convergence des luttes, dans une perspective révolutionnaire. D’une certaine manière, et à certains endroits, les Brigades de Solidarité Populaire se sont rapprochées d’une forme de municipalisme libertaire. Pour certain-e-s militant-e-s, il s’agissait, à travers elles, d’ériger un contre-pouvoir à l’État-nation, de construire dans nos quartiers et nos lieux de vie une initiative qui mette en avant l’autogestion, la coopération et la lutte des classes. Les Brigades se sont ainsi construites autour de la collecte et la distribution de biens de première nécessité.

    Au-delà du fait que cette pratique garde tout son sens lors de ce deuxième confinement, elle en aura encore une fois la crise sanitaire passée. La crise économique annoncée, nouvelle faillite du capitalisme et de l’état, laissera malheureusement beaucoup d’entre nous bien démuni-e-s.

    Il faut donc d’ores et déjà pouvoir développer d’autres initiatives, tout en accroissant la force sociale que représentent aujourd’hui tous ceux et toutes celles qui veulent lutter contre le capitalisme, là où nous vivons via la lutte contre la gentrification, l’expulsion de logement, les violences policières, mais aussi via un soutien légal, la collectivisation du travail domestique, etc.

    Pandémie et pratique sociale

    Malgré ces initiatives, il apparaît clairement que la faiblesse de notre capacité à agir durant le premier confinement de cette crise sanitaire est symptomatique . Si nous étions plus nombreuses et nombreux encore à être inséré-e-s dans des organisations populaires (qu’elles soient syndicales, territoriales, féministes) notre capacité d’action aurait été décuplée et plus à même de construire la solidarité et un rapport de force contre le capital et l’État.

    A l’heure actuelle, il faut admettre que nous ne sommes pas capables d’agir de manière révolutionnaire à l’échelle d’un quartier, d’une commune, d’une branche sectorielle ou plus largement encore, car nous ne disposons pas d’une force sociale suffisante. Ainsi, si nous nous étions retrouvé-e-s à Barcelone en 1936, nous aurions été incapables de faire face au coup d’état fasciste, car nous n’aurions eu ni CNT, ni Comités de défense…

    Ce sont des organisations de ce type que nous devons donc nous évertuer à construire. Des organisations « pour et par » les classes populaires, non idéologiques, qui agissent en lien avec les conditions matérielles et le niveau de conscience, tout en ayant un fonctionnement autogestionnaire, une autonomie par rapport à l’état et une perspective révolutionnaire.

    Ces organisations doivent constituer la colonne vertébrale du pouvoir populaire dont le but est de contester, puis de renverser, le capitalisme et l’ensemble des systèmes de domination. De telles organisations populaires ne peuvent être construites qu’en investissant le plan social et en rompant avec les formules incantatoires, les pratiques hors-sols ou la marginalité militante.

    Notre investissement dans de nombreux collectifs et inter-organisations locales, notre capacité à y tenir des engagements, à les animer, les structurer, à y insuffler des pratiques constitue aussi un ancrage militant et social. Cet ancrage nous permet aujourd’hui d’insuffler des dynamiques sur le volet de la solidarité et de la démocratie directe, de l’éducation populaire et de l’autogestion.

    Pour conclure

    S’il faut, à notre sens, tirer une leçon de cette crise aussi inattendue que soudaine, c’est bien celle-ci : en tant qu’exploité-e-s et en tant que révolutionnaires, nous devons réinvestir le plan social afin d’animer les mouvements sociaux en proposant des pratiques et des réflexions autogestionnaires et libertaires qui nous semblent les plus à mêmes de conduire à un changement radical de société.

    Plus que jamais, alors que le capital et l’état se font de plus en plus autoritaires, que l’extrême droite et les franges conservatrices de la bourgeoisie gagnent du terrain, que la crise écologique s’intensifie, nous avons besoin de construire de tels contre-pouvoirs populaires pour résister, mais aussi et surtout, pour construire un autre monde.

    Cela ne signifie pas pour autant qu’il nous faille déserter le plan idéologique, au contraire. Construire des organisations spécifiquement anarchistes est indispensable pour renforcer notre coordination, développer nos pratiques et inventer des stratégies communes.

    Une des vertus de la situation actuelle qu’il est possible de trouver serait d’avoir dépouillé l’action révolutionnaire de ses gesticulations activistes et du spectacle militant qui ne sert que l’autosatisfaction « d’avoir été présent » ou « de s’être montré ».

    En période de crise, n’est véritablement utile que ce qui contribue à l’accroissement du mieux-être des exploité-e-s et des dominé-e-s, tout en en préparant l’émancipation intégrale qui ne peut se faire in fine qu’en renversant les rapports de domination et d’exploitation. La crise sanitaire aura donc servi d’électrochoc tant elle a démontré nos carences.

    Il nous a fallu relever le défi de maintenir la continuité de nos organisations, et ce fut une tâche primordiale pour ne pas donner la possibilité aux classes dominantes de profiter encore davantage de notre désorganisation. Mais elle a surtout bousculé nos pratiques et nos stratégies militantes qui doivent dès lors se montrer à la hauteur de l’offensive austéritaire que nous préparent déjà les classes dominantes et des prochaines crises qui caractérisent le capitalisme contemporain. 

    1https://bxl.communisteslibertaires.org/2020/06/18/revolution-pouvoir-populaire-en-periode-de-coronavirus/

    2https://www.brigades.info/fr/. Voir aussi https://rapportsdeforce.fr/pouvoir-et-contre-pouvoir/le-boom-des-brigades-de-solidarite-populaire-pour-rendre-politique-laide-aux-plus-precaires-04296977.

  • Le faux dilemme du protectionnisme et du libre-échange

    23 Mai 2020

    Le faux dilemme du « libre-échange » et du « protectionnisme ». L’absurdité de la mesure internationale du chômage illustrée par les derniers chiffres français. Le soutien de l’Etat au secteur touristique. Voilà le programme de cette nouvelle note du Groupe de Travail Economie de l’UCL!

    Contre le faux dilemme «libre-échange / protectionnisme» : l’autonomie productive

    La crise économique qui frappe le monde entier a ravivé les débats interminables entre partisans du protectionnisme (qu’il soit «intelligent», «solidaire», ou «européen») et défenseurs du libre-échange. Que penser de ces débats? La gauche «radicale», communiste ou social-démocrate se prononce volontiers en faveur d’une forme ou une autre de protectionnisme contre le mondialisme libéral. On serait donc tentés de penser que le protectionnisme est la solution favorable aux intérêts populaires quand le libre-échange sert les intérêts bourgeois. Mais est-ce si simple?

    En réalité, ces deux types de politiques commerciales sont alternées fréquemment par les États bourgeois depuis les débuts du capitalisme, et même auparavant. Le «mercantilisme», grosso modo l’ancienne forme du protectionnisme, est mis en place dès le règne de Louis XIV par Colbert afin de soutenir les exportations et d’accroître la richesse nationale. On ne peut pourtant pas dire que Colbert fut un socialiste… Mais il est aussi vrai que le XIXe siècle a été marqué par une ouverture généralisée des frontières commerciales, de même que la fin du XXe siècle, après des décennies de protectionnisme. Ce protectionnisme est d’ailleurs appliqué de manière hétérogène selon les secteurs : la Politique Agricole Commune (PAC) applique un fort protectionnisme européen pour le domaine agricole, contrairement à la plupart des autres secteurs soumis aux fluctuations du commerce international.

    Quels intérêts ces politiques servent-elles? A y regarder près, elles défendent essentiellement une fraction à chaque fois différente des intérêts bourgeois : le libre-échange soutient le grand capital industrialo-financier, largement déraciné. Mais le protectionnisme porte les intérêts de la bourgeoisie industrielle nationale la moins intégrée à la mondialisation. Quand il s’applique à la production agricole, il défend aussi les intérêts des grands propriétaires terriens.

    On pourrait penser que se rallier à la bourgeoisie la moins dominante, celle qui n’est peu ou pas intégrée au grand commerce mondial, est plus conforme aux intérêts du peuple. Après tout, ne sommes-nous pas dans le même bateau? Mais le recentrage sur une bourgeoisie nationale plus liée aux intérêts étatiques ne nous fera passer que d’un bout à l’autre du même bourbier. Nous, travailleurs et travailleuses, serions exposé.es à la guerre économique permanente que se livrent les États capitalistes. Le protectionnisme pourrait certes permettre quelques relocalisations et réduire légèrement la pression de la concurrence internationale à court-terme, mais il est aussi l’instrument de politiques exportatrices agressives menées contre les autres pays et de probables surenchères impérialistes comme celle qui se déroule en ce moment entre les États-Unis et la Chine. De sorte qu’un protectionnisme mené en France pourrait très rapidement se retourner contre nous. Enfin, les multinationales n’exploitent pas nécessairement davantage leurs salariés, à échelle d’un pays, que les entreprises locales…

    Il nous faut lutter contre la totalité des politiques qui mettent en concurrence chaque peuple travailleur avec les autres. Protectionnistes ou libre-échangistes, elles ne sont jamais que deux faces de la médaille en toc de la classe dominante. Toutes ces politiques nourrissent les rivalités impériales et le nationalisme, faisant planer au-dessus de nous la menace permanente de la guerre. Nous n’avons pas à prendre parti pour une fraction ou une autre de nos exploiteurs. Le bien de notre peuple ne peut pas et ne doit pas se réaliser au détriment de celui des autres. Si nous voulons réellement le défendre, alors il nous faut organiser la solidarité. Il faut produire à échelle locale tout ce qui peut l’être raisonnablement, dans une perspective socio-économique et écologique. Mais en parallèle, il faut coopérer systématiquement avec les autres peuples pour produire à grande échelle les biens qui ne peuvent l’être localement, et organiser des échanges utiles et apaisés. Ce projet porte un nom : l’autonomie productive. Défendons là pour défendre notre classe et refusons les faux dilemmes des parasites qui nous gouvernent.

    Pour aller plus loin : https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Contre-le-libre-echange-l-autonomie-productive-5148

    Les chiffres troublants du chômage

    La publication des chiffres du chômage pour le premier trimestre en France, qui montre une baisse du nombre des demandeur.se.s d’emplois de catégorie A, a beaucoup fait réagir tant elle ne semble pas représentative de la période actuelle. Nous savons en effet que le mois de mars a été marqué par une augmentation historique du chômage. La crise sanitaire et économique a mis fin aux missions d’intérim et vu la conjoncture, les CDD n’ont clairement pas été renouvelés. Au niveau des embauches, il y a un ralentissement de 29% des personnes quittant les fichiers de demandeurs d’empois de pôle emploi. Les déclarations d’embauche ont quant à elles diminué de 22.6%. [1]

    D’ici fin juin, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) s’attend à ce que la France comptabilise 600.000 chômeur.se.s en plus. Ces chiffres sont fondés sur la définition internationale qui qualifie de chômeur.se.s toute personne qui n’a pas travaillé au cours des semaines précédentes, qui est en recherche active d’emploi et qui est disponible pour prendre un nouveau travail dans les deux semaines à venir. La définition la plus répandue du chômage est donc réductrice. Dans la période actuelle, de nombreuses personnes ne sont tout simplement par en mesure de chercher activement du travail et ne sont donc pas considérées comme étant au chômage. [2] L’indicateur international du chômage est déjà hautement problématique en temps normal, parce qu’il conduit à sous-estimer la part du travail à temps partiel contraint et de la précarité en général. Mais il devient, dans la présente crise, purement et simplement absurde.

    Ces chiffres impressionnants sont néanmoins faibles au regard de ce que l’on peut voir aux États-Unis, où on dénombre 3 millions de privé.e.s d’emplois en plus chaque semaine. En France, le dispositif de chômage partiel agit comme tampon. Mais depuis quelques semaines, le gouvernement pousse pour faire baisser le nombre de personnes en chômage partiel. Le nombre de salarié.es au chômage partiel est passé de 12,4 millions la semaine dernière à 11 millions de salariés aujourd’hui. [3] La crise est pourtant loin d’être derrière nous. On ne sait quand et sous quelles conditions les secteurs les plus touchés comme l’hôtellerie ou encore la restauration vont pouvoir se relancer. La décision gouvernementale d’autoriser les français.ses à partir en vacances cet été est bien une décision visant à limiter la crise économique et non une décision logique d’un point de vue sanitaire. Selon Eric Heyer, économiste à l’OFCE : «On sera à un taux de chômage de l’ordre de 10% en juin et peut-être au-delà de 12% à la fin de l’année». Rien de très rassurant…

    Contre la crise économique, quelles politiques se profilent?

    Partout, les contours de la crise économique se précisent. Tous les pays, à mesure de leurs capacités, adoptent des régimes de soutien à leurs économies nationales. Souvent, ces plans s’accompagnent d’une volonté affichée du retour à une forme de «relocalisation», qui pourrait déboucher à terme sur des politiques protectionnistes en chaîne. Les États s’endettent, et à plus ou moins court terme, tout laisse présager que de nouvelles mesures d’austérité vont s’abattre sur les populations. L’Union Européenne serait en passe de trouver un accord commun sur un plan de relance. Cette tentative est appuyée par le duo gouvernemental franco-allemand, qui propose de le faire monter à 500 milliards d’euros. [4] Une somme pour le moins élevée au regard du budget de l’union (1% du PIB européen) mais aussi très faible du point de vue de la richesse totale de l’UE et des plans de relance annoncés séparément par chaque État. [5] Ce plan serait financé par un emprunt effectué directement par l’UE sur les marchés financiers, et le remboursement serait assurée par l’UE elle-même et non par les États membres. Le renversement de la position allemande, jusque là hostile à toute mutualisation des dettes au niveau européen, est emblématique du risque d’implosion de l’UE si elle est incapable de trouver un terrain d’entente entre ses différentes composantes. Elle constitue une réaction au jugement anti-Banque Centrale Européenne émis récemment par la cour de Karlsruhe. [6] Plusieurs pays d’Europe du Nord se sont déjà explicitement opposés à cette proposition, dont il est difficile de croire qu’elle aboutira en l’état. [7]

    En France, c’est autour du tourisme que les annonces se sont densifiées cette semaine. Ce secteur, qui représente 7% du PIB et 2 millions d’emplois est en effet à l’arrêt quasi-complet depuis deux mois. L’inquiétude grandit chez les professionnels quant à la crainte d’une prolongation du confinement cet été, ce qui signerait tout simplement l’écroulement de milliers d’entreprises parmi les 62000 que compte le secteur, et dont bon nombre sont déjà condamnées. Le gouvernement a déclaré ce secteur «priorité nationale» et lui consacre un plan de 18 milliards d’Euros… sans contrepartie sociale pour le patronat, alors que le tourisme, dont les effets environnement néfastes sont avérés, repose en grande partie sur une main d’œuvre saisonnière souvent sur-exploitée et sous-payée. La question de l’emploi est d’ailleurs dans les préoccupations principales en cas de réouverture, le patronat s’inquiétant de la possibilité de mouvements sociaux. L’idée d’une plate-forme gouvernementale de volontaires fait son chemin… en dépit de l’échec flagrant de celle mise en place pour l’agriculture! Après son opération ratée, l’État français tend à s’aligner sur ses voisins européens, en facilitant l’arrivée d’une main d’œuvre immigrée à bas coût venant d’Europe de l’Est. [8] En parallèle, Le recours abusif aux CDD et Intérims va être facilité par la signature de conventions dérogatoires au niveau des entreprises. Quant aux CSE, ils pourront puiser jusqu’à 50% de leur budget de fonctionnement pour financer des activités sociales : autant de moyen retirés pour leur action de défense des salariés.

    Cette note a été réalisée par le Groupe de Travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle a évolué sous une forme de bulletin, structuré en plusieurs articles de tailles diverses. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. N’hésitez pas à faire tout retour constructif.

    [1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/28/hausse-historique-du-chomage-au-mois-de-mars_6037997_823448.html

    [2] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/baisse-en-trompe-l-oeil-du-taux-de-chomage-au-premier-trimestre-20200514

    [3] https://www.liberation.fr/france/2020/05/15/avec-11-millions-de-salaries-concernes-le-recours-au-chomage-partiel-amorce-sa-decrue_1788442

    [4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/18/la-france-et-l-allemagne-proposent-un-plan-de-relance-europeen-de-500-milliards-d-euros_6040040_3234.html

    [5] https://www.lefigaro.fr/vox/politique/accord-franco-allemand-500-milliards-ne-suffiront-pas-a-reequilibrer-le-budget-de-l-union-europeenne-20200521

    [6] https://www.franceculture.fr/economie/cour-de-karlsruhe-contre-bce-un-combat-politique-plus-que-monetaire

    [7] https://www.ouest-france.fr/europe/ue/europe-pourquoi-le-plan-macron-merkel-de-500-milliards-d-euros-n-est-pas-encore-arrive-bon-port-6839983

    [8] http://cqfd-journal.org/CQFD-no167-juillet-aout-2018


  • Industrie pharmaceutique : comment on peut la socialiser

    15 Mai 2020

    C’est une filière indispensable pour produire, en grande quantité, des tests de dépistage et une molécule qui donnerait des résultats contre le virus. Elle l’est également, hors contexte d’épidémie, pour produire des vaccins et des médicaments contre les maladies chroniques par exemple. La laisser entre les mains d’intérêts privés, c’est aller vers de nouvelles catastrophes.

    C’est parce que l’industrie pharmaceutique est soumise à la loi du profit que sa production a été délocalisée, notamment en Chine et Inde, afin de baisser les salaires et les conditions de contrôle sur les médicaments [1].

    L’Inde fournit 20 % de la demande mondiale. Or l’État indien a décidé, après avoir décelé six cas de coronavirus, de restreindre l’exportation de 26 médicaments (antibios, paracétamol, un antiviral…) pour sécuriser son approvisionnement [2]. Les chaînes d’approvisionnement en médicaments ont ainsi été considérablement complexifiées, la doctrine libérale de gestion des stocks à flux tendu n’arrangeant rien.

    Mais cela ne date pas de la pandémie. En une décennie, les ruptures de stock de médicaments en France ont été multipliées par 12 [3] : anti- infectieux, vaccins, traitements contre l’épilepsie ou Parkinson, anticancéreux, aujourd’hui craintes des malades chroniques dont les associations ont signé une tribune avec des scientifiques et des responsables CGT et Solidaires [4]. La relocalisation de la production de médicaments en France ou en Europe est aujourd’hui en débat. Mais tant que cette production restera soumise à la loi du profit, ça ne sera pas suffisant.

    Les entreprises françaises chercheront à maximiser leurs profits par d’autres biais que les délocalisations : en se concentrant sur les médicaments qui rapportent, en gérant les stocks en flux tendu, en changeant les formules pour déposer de nouveaux brevets [5], ou en faisant du lobbying pour que ce soient les traitements les plus onéreux qui soient remboursés et donc prescrits [6]. D’ores et déjà, Sanofi tire parti de la crise en annonçant l’externalisation de 6 de ses 11 sites européens (soit plus de 1.000 salarié·es en France et 3.000 en Europe), soit-disant pour mieux lutter contre les pénuries, en réalité pour se débarrasser des sites produisant les médicaments les moins lucratifs [7].

    Assoiffé de profit, le géant Sanofi enchaîne les plans de restructurations, notamment dans la recherche, où 2 500 postes ont été supprimés en dix ans. © Peter Sondermann

    Ce que signifie contrôle populaire

    Sortir cette industrie de la loi du marché en la socialisant est donc une question de santé publique. Socialiser, ça ne veut pas simplement dire la réquisitionner le temps de la crise : en effet, réorganiser une production largement délocalisée, ça ne va pas se faire du jour au lendemain.

    Socialiser, ça ne veut pas dire nationaliser, au sens où l’État deviendrait actionnaire majoritaire voire unique, mais où l’on resterait dans le cadre de la concurrence capitaliste, en s’imaginant que l’État aux commandes, « ça sera moins pire ». On voit bien où peut nous conduire le cas d’Air France que le gouvernement envisage de renationaliser parce que la compagnie est en difficulté… en annonçant qu’il la revendra une fois la crise passée – et sans doute après y avoir injecté moult argent public, ce qui veut dire socialiser les pertes et privatiser les profits !

    Socialiser, pour commencer ça veut dire exproprier les capitalistes qui possèdent les entreprises de la filière. Sans indemnités il va de soi. Ils ont suffisamment profité des bras et des cerveaux de leurs salarié·es, et vécu sur le dos de la Sécurité sociale. Mais socialiser, ça ne veut pas non plus dire une concurrence entre des entreprises autogérées, ce qui conduirait à coup sûr à des dérives similaires.

    L’organisation du travail serait de la responsabilité des travailleurs, mais la finalité de la recherche et de la production serait sous contrôle populaire, par le biais d’une planification démocratique. La population, à travers ses représentant·es (mandaté·es révocables et/ou tirées au sort, représentant·es d’associations de malades) déciderait, en concertation avec la filière socialisée, des priorités de la recherche et de la production. Une caisse d’investissement financée par la cotisation sociale, sur le modèle de la Sécu, dégagerait cette filière de la loi du profit [8]. L’utilité de chaque métier [9], de chaque site et de son éventuelle reconversion écologique pourrait ainsi être questionnée.

    Malgré le fait que Sanofi saborde son secteur recherche et a réalisé un bénéfice net de 2,8 milliards d’euros en 2019, le groupe touche 150 millions de Crédit impôt recherche par an. © Randy Monceaux

    Ne pas s’en tenir à cette filière

    Mais finalement, ce raisonnement, on peut l’appliquer à toutes les entreprises. Qu’on le veuille ou non, c’est indispensable. Toute l’économie est imbriquée : la pharmaceutique dépend de l’approvisionnement en matières premières [10], en machines, de la logistique, etc. Or la socialisation d’une partie de l’économie se solderait nécessairement par des mesures de rétorsion de la part des capitalistes : pénalités de l’Union Européenne ou barrières douanières, jusqu’à l’exemple d’un coup d’État comme au Chili en 1973. On pourrait imaginer le patronat des transports refusant de livrer les entreprises socialisées, ou bien celui la chimie refusant de livrer des consommables, en prétextant du désordre causé par la socialisation.

    Mais cette imbrication est également internationale. Certains médicaments nécessitent une collaborations entre pays, notamment quand un petit nombre de malades est concerné. Il faudra donc pousser à la socialisation au-delà les frontières, et briser la dépendance commune aux intérêts privés.

    Ne socialiser qu’une partie de l’économie n’est pas suffisamment cohérent. Mais dans le contexte d’une pandémie qui a ouvert les yeux à beaucoup de monde, on peut gagner une majorité d’idées sur la nécessité de socialiser le secteur de la santé et de l’industrie pharmaceutique. Un objectif intermédiaire avant d’aller vers la socialisation générale des moyens de production.

    Grégoire (UCL Orléans)

    © François Terrier

    [1] Un tiers des médicaments produits en Inde sont non conformes (Le Monde, 11 janvier 2018).

    [2] « Covid-19 : l’Inde restreint l’exportation de 26 médicaments et API », Industriepharma.fr, 3 mars 2020.

    [3] « Coronavirus : la chaîne d’approvisionnement des médicaments remise en cause », RFI, 6 mars 2020.

    [4] « Pénurie de médicaments vitaux, tests et équipements : l’appel des personnalités ! », à retrouver sur le blog Mediapart de Pauline Ondeix, 7 avril 2020.

    [5] Comme cela s’est fait avec le Levothyrox en 2017, ce qui a conduit à une vague d’effets secondaires indésirables chez les malades.

    [6] Simon Gouin, « Lobbying : comment l’industrie pharmaceutique prend d’assaut les institutions européennes », Bastamag.net, 24 mai 2019.

    [7] « Le grand coup de bluff du groupe Sanofi », L’Humanité, 16 avril 2020.

    [8] Sur ce point, et dans ce cadre – socialisation d’un secteur industriel particulier en dehors de la révolution globale de l’économie et de la société que prône l’UCL – nos idées peuvent rejoindre celles de Bernard Friot, « La cotisation, levier d’émancipation », Le Monde diplomatique, février 2012.

    [9] On pense ici aux métiers parasites comme celui de représentant médical.

    [10] C’est par exemple l’approvisionnement insuffisant en réactifs qui limite aujourd’hui la production de tests de dépistage. « Les “réactifs” au cœur du manque de tests », Libération, 29 mars 2020.

  • Vers une crise majeure dans l’agriculture ?

    10 Mai 2020

    Au programme de ce bulletin économique au temps du coronavirus : un focus sur la crise de la production agricole, un regard sur l’épargne à travers le cas du livret A, et une analyse sur le « patriotisme économique ».

    Lors de la dernière note de conjoncture, nous évoquions la baisse de l’activité économique secteur par secteur. Nous avions communiqué une baisse d’activité de l’ordre de 13% pour l’agriculture. Mais pour quelles raisons ?

    Des chaînes de production mondiales et locales perturbées

    Avec la limitation des échanges internationaux et les décisions de confinement massif dans de nombreux pays, les chaînes de production mondialisées ont été affectées : les retards de livraison, l’absence de marchandises importées comme les emballages, voire même l’absence de demande internationale, comme pour les matières premières agricoles (MPA) destinées à l’alimentation animale (orge fourragère, maïs) [1] ont grandement fragilisé le secteur agricole. On constate la même chose dans la filière du lin français, où les industries de transformation en textile (teillage) ont été voire sont à l’arrêt pour raisons sanitaires et où les exportations sont fortement ralenties. De la même manière, la filière lait, qui dépend à 37 % de l’export, la viticulture ou encore la production de viande sont concernées. Ainsi, pendant le premier mois du confinement, les exportations de jeunes bovins vivants et français vers l’Espagne se sont réduites d’un tiers.

    Conséquences de ce manque de débouchés : les stocks s’accumulent sur les produits où c’est envisageable, causant occasionnellement des problèmes d’infrastructure. Mais surtout cela fait fortement baisser les prix : le prix du lait et de ses dérivés par exemple (poudre maigre -28 %, beurre -26%) ou encore le kilo de viande bovine qui se négocie aujourd’hui 1 euro de moins que son coût de production. [2]

    Dans le secteur horticole, la fermeture des fleuristes impactent grandement les producteurs de plantes et de fleurs. Une illustration parlante : pour le muguet, dont c’est la saison actuellement, on estime que 70% de la récolte pourraient être perdus, [3] ce qui aura bien évidemment un impact direct sur les producteurs et probablement pour les mois/années à venir, sur les emplois saisonniers dans l’horticulture.

    Des modifications imprévues de la consommation alimentaire

    La crise a aussi changé brutalement les habitudes alimentaires en France. [4] Pour les produits de première nécessité, durant les quatre premières semaines du confinement, la vente de farine a augmenté de 168%, celle du sucre de 50% et celle des œufs de 40 %, selon l’institut Nielsen.

    Concernant la filière lait, les préemballés se vendent bien mais les produits d’appellation d’origine protégée sont en chute libre, avec 25 à 60% de demande en moins. La viande bovine connaît aussi des évolutions contrastées : la consommation de veau chute de 30 à 35% alors que celle des steaks hachés augmente de 33% pour le frais et de 75% pour le surgelé. Globalement, on peut constater que les morceaux les plus nobles, vendus d’ordinaire aux restaurants, sont délaissés.

    La fermetures des lieux de restauration a des conséquences sur la consommation de pommes de terre, qui servaient pour l’essentiel à la transformation en frites. Les stocks atteignent aujourd’hui 600 000 tonnes. Le marché de la brasserie également souffre des fortes limitations de la vie sociale et de la fermeture des cafés et des restaurants. Kronenbourg a notamment alerté sur des pertes historiques (-30 à 40 %) sur son exercice 2020 [5] ce qui met en péril toute un pan de l’économie dans l’Est. Loin d’être anecdotique, cela a déjà un impact direct sur les producteurs céréaliers, qui déstockent largement l’orge brassicole sur le marché de l’alimentation animale, en guise d’orge fourragère. [6]

    Des incertitudes météorologiques conjoncturelles

    S’ajoutent à tout cela des conditions météorologiques relativement médiocres. Dans la production céréalière, la fin de l’hiver a été difficile et les plants ne sont pas assez suffisamment enracinés. Un fort déficit hydrique en découle, renforcé par la quasi-absence de pluies en avril, ce qui a contribué à inquiéter les marchés (côté acheteurs) et à maintenir des cours du blé tendre [7] historiquement hauts, en entretenant des craintes sur la baisse de la qualité de la prochaine récolte et donc sur une éventuelle tension de l’offre [8] (moins d’offre = prix hauts), même si d’autres facteurs entrent en ligne de compte.

    Sur la dernière dizaine de jours d’avril, le retour de la pluie sur l’ensemble de la France et sur une bonne partie de l’Europe « a apaisé bon nombre de craintes » et a contribué à faire redescendre quelque peu les prix, même si « les doutes concernant les rendements 2020 » persistent. [9]

    L’emploi dans le secteur agricole

    La fermeture des frontières a eu plusieurs conséquences. Elle a notamment bloqué 50% des saisonniers étrangers dans leurs pays, mettant à mal la récolte des fruits et légumes en France. [10] Plusieurs plateformes, gouvernementale (https://mobilisationemploi.gouv.fr/), ou émanant de syndicat comme la FNSEA (https://desbraspourtonassiette.wizi.farm/) ont été créées pour les volontaires (280.000 personnes inscrites). Dans certains secteurs, notamment dans la filière bio, les bénévoles affluent, ce qui a pour conséquence direct la limitation des embauches, mais pour des travailleurs qui ne bénéficieront pas de formations ; les volontaires sont assignés simplement à la cueillette. Les agriculteurs recherchent toujours entre 70.000 à 80.000 personnes qualifiées par mois. [11]

    Un blé cher

    Au début du confinement (autour du 20 mars), le blé tendre a connu une augmentation brutale (+12 % en un peu plus d’une semaine), alors même que les stocks mondiaux sont estimés à 4 mois et demi de réserve [12] (même s’il sembleraient que les annonces de la Chine dans ce domaine, qui prétend avoir en stock environ 150 Mt, soit un peu plus de la moitié des stocks mondiaux, soient sujettes à caution). [13] Cette hausse brutale a été interprétée par les analystes du secteur comme le résultat d’achats de précaution de pays importateurs, notamment de la Chine et du Maroc, [14] face à l’extension du confinement à une part toujours plus importante de la population mondiale et face aux politiques protectionnistes de certains géants du secteur, notamment la Russie et le Kazakhstan. [15] Un article daté du 27 mars évoque ainsi à deux reprises le spectre des émeutes de la faim qui avaient secoué certains pays après la crise de 2008. [16]

    Les incertitudes météorologiques déjà évoquées plus haut ont contribué à maintenir un cours élevé tout au long du mois d’avril (entre 195 et 200 euros la tonne). En Europe, d’autres raisons plus conjoncturelles ont joué : la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine a semble-t-il reporté des acheteurs chinois vers le marché européen [17] (augmentation de la demande = prix hauts), alors qu’aux Etats-Unis, la tendance est plutôt à la baisse . Même si, une fois n’est pas coutume, le marché US a suivi l’augmentation européenne de fin mars. Il semble toutefois plus en difficulté, avec moins de demande (alimentation humaine et animale) et un retard conséquent des semis. [18]

    Sur la dernière dizaine de jours d’avril, le retour de la pluie sur l’ensemble de la France et sur une bonne partie de l’Europe « a apaisé bon nombre de craintes » et a contribué à faire redescendre quelque peu les prix. [19] Mais d’autres facteurs, qu’ils soient techniques (bouclage du mois) ou politiques (décision russe de suspendre ses exportations) ont eu aussi tendance à maintenir des courts hauts. En effet, la Russie, « premier exportateur mondial de blé et l’un des principaux producteurs et exportateurs de céréales du monde, va suspendre ses exportations de blé, seigle, orge et maïs jusqu’au 1er juillet ». [20] Ce mouvement russe fait suite à des restrictions d’exportation annoncées en mars-avril, déjà évoquées plus haut, qui visent à assurer la stabilité du marché national dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

    Les biocarburants suivent le cours du pétrole

    Sur le marché des MPA destinées à l’énergie (pour les biocarburants), la crise se poursuit malgré un léger rebond ces derniers jours, le cours du colza et dans une moindre mesure du maïs (plutôt aux USA) suivant le cours du pétrole. « Le marché continue en effet de s’interroger sur l’état de la demande à moyen terme tandis que la sortie de crise sanitaire est toujours aussi floue. » [21]

    Agriculture

    Épargne et crise sanitaire : le cas du livret A

    La crise sanitaire n’est pas sans conséquences sur les comportements d’épargne individuelle : on observe un accroissement considérable des placements en livrets A depuis quelques mois : au mois de mars, 2,71 milliards d’euros ont été déposés. Pourtant, le taux de rendement du livret A n’a jamais été aussi faible depuis sa création en 1818, [22] puisqu’il rémunère à hauteur de 0,5 %, contre 0,75 % en janvier 2020 et… 2,25 % en janvier 2013. [23]

    Comment expliquer que l’épargne y soit si élevée alors que c’est un placement qui rémunère à un taux inférieur à l’inflation depuis des années ? [24] De manière générale, le livret A ne connaît pas beaucoup de concurrents bien plus avantageux pour une prise de risque si faible. [25] Et tout simplement parce que la confiance des ménages dans l’avenir de l’économie a, sans surprise, brutalement baissé du fait de la crise. Ils se replient donc sur ce placement perçu comme sûr. Par conséquent, dans la conjoncture présente, les dépenses importantes sont reportées [26] et les revenus restants sont donc épargnés. Cela se fait évidemment au détriment de la demande, ce qui met l’économie dans une position délicate, mais on ne peut pas reprocher aux gens de garder le peu d’argent qu’ils ont sur leur livret A dans un capitalisme aussi instable et irrationnel.

    Pour rappel, le taux du livret A est fixé par l’État en fonction de l’inflation et des taux d’intérêts à court-terme qui sont en vigueur entre les banques. [27] Mais cette règle n’est pas tout à fait automatique : généralement, c’est le gouverneur de la Banque de France qui recommande au gouvernement et en particulier au ministre de l’économie de modifier le taux. Or, le gouvernement rate rarement une occasion de le diminuer, parce que ça lui permet de dépenser moins d’argent pour le logement social (que les livrets A financent en partie) et d’inciter les petits épargnants à se reporter sur des produits plus risqués, notamment des investissement dans des entreprises privées.

    Il peut ainsi pour partie se défausser, dans le contexte des politiques d’austérité, de son propre rôle de stimulation de l’économie par la dépense publique, en obligeant les ménages peu fortunés (ceux qui épargnent le plus sur un livret A [28] ) à prendre davantage de risques. Le livret A servant à financer le logement social, le gouvernement peut invoquer ce noble motif pour servir cet objectif beaucoup moins noble. [29] Le ministre de l’économie s’est d’ailleurs plaint de l’afflux de ces derniers mois vers le livret A au motif qu’il ne finançait pas l’investissement. [30] Belle manière de rappeler l’incapacité de l’État bourgeois à amortir la crise économique que nous traversons…

    Le patriotisme économique va-t-il nous sauver ?

    Le « patriotisme économique ». Cette notion revendiquée par le RN comme par la gauche souverainiste est reprise de temps en temps par Macron et ses ministres. Elle consiste à prétendre privilégier les entreprises françaises et leurs salariés. Elle sous-tend donc l’idée d’une convergence d’intérêts entre salariés et patrons ; et l’idée qu’il faut éventuellement sacrifier les intérêts des salariés des autres pays pour protéger les nôtres. Alors que nos concitoyens sont choqués en découvrant les conséquences de la dépendance industrielle de notre pays pour des produits devenus précieux (masques, tests etc.), Macron affiche non seulement une possible nationalisation temporaire de certaines entreprises « stratégiques » mais aussi d’éventuelles relocalisations de productions. Qu’en est-il dans les faits ?

    Nationalisations ? Les cadeaux distribués par milliards pour soutenir les fleurons du CAC 40 n’ont occasionné aucune montée de l’État au capital des sociétés concernées. Pourtant, avec l’effondrement du cours de leurs actions, l’occasion de rachats massifs se présentait. Quant aux relocalisations de production, rien de concret n’apparaît et les économistes bourgeois dissertent sur un concept différent : le rapprochement des délocalisations. En clair, s’il faut partir de pays à bas coût, c’est pour installer les productions dans des pays moins exigeants politiquement que la Chine et dont les coûts peuvent même être inférieurs et les gouvernements plus obéissants : l’Est de l’Europe, le Sud de la Méditerranée. Mais pas le territoire national tant il est vrai que la loi du marché fait la loi !

    Contrôle des investissements étrangers ? L’’État encadre et peut stopper les investisseurs non-européens (fonds privés ou fonds souverains [31] ) qui veulent investir dans une entreprise française [32] au-delà de 25% de prise de participation. Non seulement Macron fait baisser la barre du contrôle à une prise de participation de 10%, mais il élargit notoirement la liste des secteurs concernés par ce contrôle, dont la biotechnologie.

    Conclusion simple : Il n’ y a de patriotisme qu’au profit des détenteurs de capitaux français. Pour les travailleurs, le chômage peut s’envoler ! A l’UCL, notre axe stratégique repose sur l’idée d’une autonomie locale de production, [33] autogestionnaire, dans le cadre d’un fédéralisme mettant fin à la concurrence entre travailleurs organisée par les multinationales dans le cadre de la globalisation libérale.

    Cette note a été réalisée par le Groupe de Travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle a évolué sous une forme de bulletin, structuré en plusieurs articles de tailles diverses. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. N’hésitez pas à faire tout retour constructif.

    Vous pouvez consulter la note précédente ici.

    V

    [1] https://www.agri-mutuel.com/cotations/mais/ & https://www.agri-mutuel.com/cotations/orge-de-printemps/ analyses hebdo, possible que les pages aient changées entre temps (visitées pour la dernière fois le 1er mai au soir)

    [2] https://www.parismatch.com/Actu/Economie/Coronavirus-La-grande-destabilisation-du-monde-agricole-1683041

    [3] https://www.parismatch.com/Actu/Economie/Muguet-les-maraichers-nantais-craignent-le-pire-1682827

    [4] https://www.parismatch.com/Actu/Economie/Coronavirus-La-grande-destabilisation-du-monde-agricole-1683041

    [5] https://www.capital.fr/entreprises-marches/biere-le-confinement-risque-de-plomber-les-ventes-avertit-kronenbourg-1368787

    [6] https://www.agri-mutuel.com/cotations/orge-de-printemps/ analyse hebdo déjà citée

    [7] . Principale valeur d’évaluation sur les marchés financiers agricoles, parce que majoritaire en volumes + données importantes puisque c’est la céréale la plus consommée, pour la confection du pain et des pâtes notamment

    [8] https://www.agritechtrade.com/actualites/matieres-premieres/le-prix-du-ble-sous-pression-en-europe-soit-a-loppose-des-etats-unis

    [9] https://www.agri-mutuel.com/cotations/ble-tendre/ analysé hebdo, visité pour la dernière fois le 1er mai au soir

    [10] https://actu.fr/nouvelle-aquitaine/marmande_47157/agriculture-emplois-saisonniers-etrangers-font-peser-danger_33331072.html

    [11] https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/coronavirus-mesures-urgence-didier-guillaume-reconnait-une-deception-vis-a-vis-de-l-ue-205-168425.html

    [12] https://www.agritechtrade.com/actualites/matieres-premieres/avec-le-covid-19-vers-une-reduction-de-loffre-et-une-hausse-des-cours-du-ble

    [13] Jean-Pierre BORIS, Traders, vrais maîtres du monde : enquête sur le marché des matières premières, Tallandier, 2017, p.41.

    [14] https://www.agritechtrade.com/actualites/matieres-premieres/avec-le-covid-19-vers-une-reduction-de-loffre-et-une-hausse-des-cours-du-ble et https://www.reussir.fr/grandes-cultures/les-exportations-francaises-de-ble-tendre-parties-pour-un-record-historique

    [15] https://www.agritechtrade.com/actualites/matieres-premieres/avec-le-covid-19-vers-une-reduction-de-loffre-et-une-hausse-des-cours-du-ble

    [16] Ibid

    [17] https://www.agritechtrade.com/actualites/matieres-premieres/le-prix-du-ble-sous-pression-en-europe-soit-a-loppose-des-etats-unis

    [18] https://www.agri-mutuel.com/cotations/ble-tendre/

    [19] Ibid.

    [20] https://www.bfmtv.com/economie/la-russie-suspend-ses-exportations-de-cereales-jusqu-au-1er-juillet-1901904.html

    [21] https://www.agri-mutuel.com/cotations/colza/ analyse hebdo, visitée pour la dernière fois le 1er mai au soir

    [22] https://www.lemonde.fr/argent/article/2020/02/17/quelles-alternatives-au-livret-a_6029808_1657007.html

    [23] https://www.lemonde.fr/argent/article/2020/04/28/les-francais-inquiets-remplissent-leur-livret-a-tandis-que-d-autres-investissent-en-bourse_6037956_1657007.html

    [24] https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-perso/epargne-et-placement/livret-a/la-regle-de-fixation-du-taux-du-livret-a/

    [25] https://nouveau-europresse-com.bibelec.univ-lyon2.fr/Document/View?viewEvent=1&docRefId=0&docName=news%C2%B720200131%C2%B7SO%C2%B7310120ap10837485&docIndex=0

    [26] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/28/coronavirus-chute-brutale-de-la-confiance-des-menages_6038003_3234.html

    [27] https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-perso/epargne-et-placement/livret-a/la-regle-de-fixation-du-taux-du-livret-a/

    [28] https://www.alternatives-economiques.fr/livret-a-gouvernement-nepargne-francais/00091523

    [29] https://www.economie.gouv.fr/livret-a-reforme-formule-calcul-taux

    [30] https://www.capital.fr/votre-argent/le-livret-a-ne-finance-pas-leconomie-trois-placements-utiles-et-plus-rentables-1367663

    [31] Les fonds souverains sont des fonds spéculatifs détenus par un Etat dont l’utilité est à la fois économique et géo-stratégique.

    [32] Est dite « française » une multinationale dont le capital coté à la bourse de Paris. Ses salariés sont néanmoins planétaires

    [33] https://www.unioncommunistelibertaire.org/Contre-le-libre-echange-l-autonomie-productive-5148

  • Que penser de la crise pétrolière, et autres nouvelles économiques

    30 Avr 2020

    Cette note a été réalisée par le groupe de travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. n’hésitez pas à signaler toute erreur au groupe de travail.

    État de la production et de l’emploi

    Le point de conjoncture de l’INSEE en date du 23 avril nous apprend que l’économie française fonctionne à niveau de 35 % inférieur à la situation ordinaire. Sur la seule sphère marchande, la perte est estimée à – 41 %, et même à – 49 % en excluant les loyers. Si l’on resserre la focale sur l’agriculture, la perte d’activité s’accentuerait légèrement : –13 % contre –10 % il y a deux semaines. À l’inverse, dans l’industrie et la construction, la réouverture des entreprises atténue légèrement la perte d’activité : –39 % contre –43 % dans l’industrie –79 % contre –88 % dans la construction.

    L’activité partielle est de mise pour 10 millions de salariés, et les embauches sont en baisse de 22.6%. Les conséquences pour les comptes de la sécurité sociale sont désastreuses : le déficit prévisionnel « optimiste » table sur 41 milliards d’euros, en partant du principe que les reports de cotisations patronales seront payées d’ici décembre 2020. Or, le gouvernement travaille déjà a son annulations pour certains secteurs… [1]

    La consommation des ménages serait quant à elle inférieure de 33 % à sa normale. On remarque que l’agitation médiatique, la communication et les mesures gouvernementales qui encouragent la reprise ont peu d’effet sur la production et la demande. La relance de la production sera longue et dresser des perspectives sur le long terme est compliqué. Pour l’ensemble des secteurs, l’INSEE dénombre 80% de patrons pessimistes, chiffres qui dépassent ceux de la crise de 2008. [2]

    Du côté du pétrole, les conséquences d’un épisode de tensions entre pays producteurs notamment entre la Russie et l’Arabie Saoudite se font encore sentir. Le 12 Avril, 23 pays producteurs (Opep +) ont certes trouvé un accord pour limiter leur production, malgré les tensions entre Ryad et Moscou : 10 millions de barils de moins seraient produits chaque jour. Mais cet accord ne prendra effet que le 1er mai. Du reste, on peut penser que cette diminution pourtant importante ne suffira pas à rééquilibrer le marché. [3] [4]



    Situation de la sphère financière

    Cette semaine, on a beaucoup glosé sur le prix du baril de pétrole [5], qui est devenu négatif à New York le lundi 20 avril. Ce petit événement n’indique en réalité pas grand-chose de positif ni, en réalité, grand-chose d’intéressant. Bien sûr, il est symptomatique de la chute brutale de la production économique en général, qui a beaucoup diminué la demande de pétrole. Cela se traduit par des réserves excessivement élevées, au point que les capacités de stockage sont saturées : les propriétaires cherchent donc à se débarrasser de leurs réserves, quitte à vendre à perte. [6]

    Il ne faut cependant pas exagérer l’importance de l’événement. D’une part, ce prix concerne surtout les États-Unis et le Canada, parce qu’il prend pour référence le « West Texas intermediate » (WTI), une forme de pétrole brut exploitée en Amérique du Nord, et non le « Brent » qui fait référence en Europe. [7] Or, le Brent « sert de base tarifaire aux deux tiers de la production mondiale  [8] et se maintient à un prix qui gravite autour d’une vingtaine de dollars pour chaque baril, avec une tendance à la baisse. Par ailleurs, les prix du WTI sont rapidement remontés après le plancher de lundi. [9]

    En clair, ce qu’il faut retenir, ce n’est pas cet éphémère prix négatif mais la diminution générale des prix du pétrole à moyen-terme, qui est une mauvaise nouvelle : cette baisse marque le caractère irrésolu des conflits diplomatiques entre pays vendeurs et acheteurs de pétrole et la crise économique extrêmement grave que nous traversons. L’impact de cette baisse sur les prix de l’essence à la pompe est assez limité : le coût du carburant est grandement déterminé par la réglementation des autorités et par le niveau des taxes sur lesquelles l’État s’engraisse… [10] Quant aux effets écologiques, ils restent assez incertains : l’instabilité du marché pétrolier peut avoir tendance à décourager les investissements dans ce secteur, mais des prix durablement faibles du pétrole réduisent la compétitivité des énergies renouvelables. [11] [12] Après la crise, il est donc tout à fait probable que la reprise économique soit extrêmement consommatrice de pétrole faute de mesures politiques favorables à une transition énergétique ambitieuse.

    La chute des prix du pétrole a pesé sur les cotations boursières générales, à Wall Street comme en Europe. Le CAC 40 a ainsi continué à fluctuer lourdement cette semaine [13], se maintenant globalement au niveau du dernier mois écoulé. [14]

    L’indicateur du « climat des affaires » fourni par l’INSEE a connu ce dernier mois un écroulement jamais vu depuis sa création, passant de 94 points en mars à 61,7 points en avril. A titre de comparaison, au plus fort de la crise économique qui a suivi la crise des subprimes, une valeur plancher de 68,8 points avait été atteinte en mars 2009. Cet indicateur est construit à partir de plusieurs données collectées dans une enquête qualitative mensuelle et vise à représenter la confiance des patrons dans l’avenir de l’économie L’INSEE souligne néanmoins que la situation exceptionnelle a pu rendre la collecte des données moins précise que d’habitude. [15]

    Mesures de politique économique

    Les premières tentatives de déconfinement en Asie se soldent par un retour à la case départ (Japon, Singapour). Par ailleurs, l’absence de réaction appropriée au Brésil et dans une moindre mesure aux Etats-Unis commence à avoir des effets désastreux sur l’ensemble des deux pays. Tout semble indiquer que seul un traitement définitif permettrait de mettre fin à la pandémie.

    Jeudi 23 avril, une nouvelle réunion des instances européennes se solde par un nouvel échec à mettre en place le mécanisme d’une dette européenne réclamée par les pays du « Sud » dont la France. Cet échec démontre la fragilité de l’Union et fait courir le risque que les États les moins solides empruntent à des taux prohibitifs, ce qui provoquerait une tension insupportable sur l’Euro.

    En parallèle d’un déconfinement progressif, l’Autriche et certains landër (régions) allemands ont mis en place un pont aérien pour faire venir des travailleurs saisonniers roumains alors que les frontières sont fermées. La mesure a provoqué des bousculades aux aéroports, propices à la contamination des prétendants au voyage. L’État fédéral (ou les landër) prennent en charge non seulement le billet d’avion mais aussi l’hôtel pour la mise en quarantaine des ouvriers agricoles roumains ! Ne serait-il pas plus logique d’offrir des conditions de travail acceptables par des autrichiens ?

    En France, le recours massif au chômage partiel et aux arrêts maladie (qui concernent plus de dix millions de salariés), ajouté au surcroît de dépenses médicales et combiné à la promesse d’une récession sans précédent entraînera un déficit inédit de la Sécurité Sociale : 41 milliards d’euros, dans une hypothèse « favorable » selon le ministre de l’économie. [16] Les dernières mesures votées par la droite au Parlement (déplafonnement de la défiscalisation des heures supplémentaires…), et celles déjà prises par le gouvernement n’arrangent en rien la situation. Celui-ci a beaucoup de mal à dissimuler que la date du début du déconfinement et de la réouverture des écoles donnée pour le 11 Mai se fait prioritairement pour l’économie et non pour devant le recul de l’épidémie, qui lui se fait difficilement sentir.

    En parallèle, les plans de soutien envers certains secteurs se précisent (tourisme et hôtellerie, aérien…). Pour Air-France, le gouvernement débloque 7 milliards d’aides sans monter au capital et le gouvernement hollandais devrait ajouter 3 milliards de soutien à KLM. Des propositions de décalage des vacances d’été, ou d’allongement de la durée du travail serait à l’étude, sans plus de précisions. Ces secteurs, qui représentent des millions d’emplois sont à l’arrêt à 80 voire 95%. Les conséquences sociales et économiques de la crise en cours pourraient être catastrophiques pour tous les travailleurs qui dépendent de ces secteurs, et ravager socialement des agglomérations entières, comme Toulouse. [17]

    Dans les mobilisations engagées autour de l’usine de bouteilles d’oxygène Luxfer, le gouvernement reste muet alors que le projet de SCOP (coopérative) est très avancé. En revanche, Macron opère un revirement inattendu en promettant un soutien via des commandes massives à la réouverture de l’usine de masques de Plaintel. L’usine est cependant à l’arrêt depuis plus longtemps.

    On peut noter au passage que dans d’autres secteurs, la mise en place de mesures « d’urgence » par le gouvernement s’avère être un échec. Il en est ainsi pour l’agriculture où, comme dans d’autres pays européens, le secteur dépend de la main d’œuvre immigrée : la mise en place de la plateforme de volontaires par le gouvernement, malgré le succès des inscriptions (300000 personnes) [18], ne semble pas bien fonctionner (seulement 15000 travailleurs placés). Si les raisons de ce décalage ne sont pas encore connues, on peut penser que cette initiative s’est construite largement en dehors des demandes des agriculteurs sur le terrain, sur un constat bureaucratique grossier et le soutien des chefs d’industrie du secteur (FNSEA), très loin de l’organisation réelle dans les champs. Par ailleurs, les inspecteurs du travail s’inquiètent des conséquences sur des personnes mal préparées dans ce secteur où les conditions de travail sont très dégradées. [19]

    Par ailleurs, même les concertations avec le patronat de grands groupes pour aider à l’économie de crise se révèlent complètement insuffisantes : seulement une cinquantaine de salariés de PSA seraient concernés pour le montage de respirateurs selon une source interne, et les possibilités d’utiliser réellement ces respirateurs sont hypothétiques. [20]

    Après plus d’un mois en crise, un constat s’impose : le gouvernement se retrouve incapable, politiquement, de remettre en cause son dogme libéral, et d’imposer de manière sérieuse et efficace les mesures nécessaires pour répondre efficacement aux besoins sanitaires et économiques : planification, réquisitions, nationalisations et nationalisations d’ampleur ne sont visiblement pas au programme… Pire, il continue à prendre les dispositions qui pourraient amener à terme à un écroulement des systèmes de protection sociale déjà affaiblis.

    D’une manière globale, la crise sanitaire du Covid-19 ne fera qu’exacerber les conditions préexistantes d’inégalité partout où elle frappe. A plus ou moins brève échéance, certains s’attendent à des soulèvements voire à des révolutions. L’Organisation Internationale du Travail (OIT) a d’ailleurs averti que la crise menaçait 1,25 milliards de personnes de « licenciements, pertes d’activité et de revenus » . [21] Or, la plupart d’entre eux étaient déjà pauvres…

    Groupe de travail Économie de l’UCL, 27 avril 2020

    [1] https://www.challenges.fr/entreprise/sante-et-pharmacie/coronavirus-le-deficit-de-la-securite-sociale-atteindra-le-niveau-abyssal-de-41-milliards-d-euros_706733

    [2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4481458?sommaire=4473296

    [3] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4481458?sommaire=4473296

    [4] https://www.lepoint.fr/economie/les-pays-exportateurs-de-petrole-decident-d-une-baisse-historique-de-la-production-12-04-2020-2371141_28.php

    [5] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/21/aux-etats-unis-les-prix-negatifs-du-petrole-balayent-la-strategie-energetique-de-trump_6037258_3234.html

    [6] https://www.20minutes.fr/economie/2764671-20200421-coronavirus-baisse-extraordinaire-ca-veut-dire-quoi-petrole-americain-cours-nul-negatif

    [7] https://www.huffingtonpost.fr/entry/le-prix-du-petrole-peut-etre-negatif-mais-ce-nest-pas-une-bonne-nouvelle_fr_5e9ef35ac5b6a486d07f5047

    [8] https://www.lejdd.fr/Economie/prix-negatif-du-baril-de-petrole-pourquoi-il-sagit-dun-trompe-loeil-3963438

    [9] https://www.ouest-france.fr/economie/energie/petrole/petrole-le-brut-americain-se-redresse-peu-peu-apres-son-plongeon-historique-6814284

    [10] http://www.francesoir.fr/societe-economie/covid19-le-prix-du-baril-est-devenu-negatif-quelles-consequences-pour-le-prix-du

    [11] https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/le-petrole-moins-cest-cher-plus-ca-nous-coute

    [12] http://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200421.OBS27791/prix-negatifs-du-baril-americain-de-petrole-4-questions-sur-un-plongeon-historique.html

    [13] https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-le-cac-40-succombe-au-chaos-sur-le-marche-petrolier-910375.html

    [14] https://www.boursorama.com/bourse/indices/cours/1rPCAC/

    [15] https://www.insee.fr/fr/statistiques/3532408?sommaire=3530678

    [16] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/23/la-crise-due-au-coronavirus-fait-exploser-le-deficit-de-la-securite-sociale_6037512_3234.html

    [17] https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/coronavirus-premiers-chiffres-crise-economique-liee-au-confinement-haute-garonne-1813404.html

    [18] https://www.francebleu.fr/infos/agriculture-peche/coronavirus-en-bourgogne-franche-comte-des-volontaires-par-milliers-pour-aider-nos-paysans-1587563281

    [19] https://www.bastamag.net/contrat-saisonnier-agricole-condition-de-travail-SMIC-pesticides-TMS-covid19-coronavirus ?

    [20] https://www.lunion.fr/id146727/article/2020-04-23/les-respirateurs-fabriques-en-urgence-en-france-non-adaptes-au-covid-19-le

    [21] https://www.lefigaro.fr/social/coronavirus-1-25-milliard-de-travailleurs-courent-un-risque-de-licenciement-ou-de-reduction-de-salaire-selon-l-oit-20200407

  • Déconfinement : entre le marteau de la maladie et l’enclume du chômage

    30 Avr 2020

    Devant l’Assemblée nationale, Édouard Philippe, ce 28 avril, a confirmé les principales annonces d’Emmanuel Macron mais en y apportant de nombreuses nuances, preuve que les multiples réactions sont parvenues jusqu’aux oreilles du gouvernement. Édouard Philippe a justifié le déconfinement, imprudemment annoncé dès le 13 avril, par le risque d’effondrement de l’économie. Si ce risque est réel, la solution n’est pas un déconfinement précipité mais une réorganisation de la société.

    Ce confinement est une souffrancepour beaucoup, d’autant plus qu’il est mal organisé (des règles arbitraires pas toujours reliées à des impératifs sanitaires, des violences policières dans les quartiers populaires…). Il faut aussi se rappeler que si nous devons rester confiné·es c’est parce que l’hôpital et la recherche publiques ont été détruits ces dernières décennies, parce que les dirigeants gèrent de manière calamiteuse cette crise.

    Les dangers d’un déconfinement brutal

    Pour autant, déconfiner brutalement la population ne serait pas une solution. Cela risquerait de faire repartir la pandémie pour une seconde vague meurtrière. Alors, s’il est évident que l’on a envie de sortir, de voir notre famille et nos ami·es, de reprendre nos activités habituelles, il nous faudra encore un temps rester prudent·es, volontairement, pour nos vies. Ce n’est pas d’un déconfinement brutal que nous avons besoin, mais au contraire de matériel de protection pour les travailleuses et les travailleurs des secteurs essentiels qui bossent pour enrayer la pandémie et faire tourner la société. Comment peut-on imaginer ouvrir des usines, comme c’est déjà le cas, avec masques pour tout le monde, quand les hôpitaux et les supermarchés manquent de ces protections de base ?

    Le 11 mai, une date patronale

    Car il est évident que le 11 mai est une date patronale et non sanitaire. La preuve, la réouverture de beaucoup d’activités le 11 mai, et un peu avant ou un peu après, est prévue pour aller bosser, pas pour nos loisirs ! D’ailleurs, le Conseil scientifique préconisait une ouverture des écoles en septembre prochain seulement. N’est-ce pas ironique, alors, de proposer une réouverture des écoles dès le 11 mai alors qu’être assis⋅es dans une salle de spectacle ou de cinéma pendant deux heures paraît trop dangereux ? L’explication éducative semble un peu courte et la vraie raison est ailleurs : pour le patronat, il faut que l’activité économique reprenne, ça suffit de perdre des profits ! Pour cela, une seule solution : déconfiner, au risque de causer des dizaines de milliers de morts supplémentaires. Mais que valent nos vies, fassent aux possibilités d’accumuler toujours plus de capital ?

    Ré-organiser la société

    Plutôt que de prendre des risques inconsidérés, alors qu’il y a déjà plus de 20 000 morts en France, il est évident qu’il faut maintenir une activité la plus faible possible, en ne gardant ouverts que les secteurs essentiels. C’est ce que disent les soignant⋅es, c’est ce que disent les chercheur⋅ses, c’est ce que disent les syndicats de lutte. La crise économique guette, certes. Mais la solution, ce n’est pas de renvoyer rapidement les salarié⋅es au travail pour maintenir les profits des patrons. La solution, c’est de réorganiser en profondeur la société, en mettant les entreprises sous le contrôle des travailleurs⋅ses et en redirigeant les activités économiques vers la satisfaction des besoins essentiels de la population.

    Entre le marteau et l’enclume

    Mais les capitalistes au pouvoir nous chantent une chanson bien différente. Ils nous expliquent qu’une menace plus grande que le coronavirus et ses centaines de milliers de morts plane au-dessus de nous. Cette menace, c’est celle de la crise économique ! Les patrons de petites boîtes expliquent à leurs salarié⋅es que la boîte va couler et qu’ils et elles vont perdre leur boulot si l’activité ne reprend pas. Et les économistes libéraux, les éditorialistes et les politiciens se succèdent sur les plateaux télé pour expliquer qu’un ralentissement plus long de l’économie serait fatal.

    Les travailleurs et les travailleuses se retrouvent donc entre le marteau et l’enclume : c’est soit la crise sanitaire, soit la crise économique. Soit la santé, soit le chômage. Ces faux choix sont insupportables, d’autant que ces deux crises sont déjà là ! Mais contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire, il y a une alternative : c’est d’en finir avec le système capitaliste et de réorganiser l’économie pour satisfaire les besoins essentiels tout en préservant la santé de toutes et tous, sans chercher à maintenir les profits de quelques un⋅es.

    Union communiste libertaire, le 28 avril 2020

  • Face à la crise, luttons pour l’autonomie alimentaire !

    27 Avr 2020

    À l’occasion de la Journée internationale des droits des paysan·nes du 17 avril et dans le contexte de la crise du Covid-19, les paysan·nes et travailleur·ses agricoles de l’Union communiste libertaire affirment qu’il est grand temps de changer la place de l’agriculture dans notre société.

    La crise du coronavirus nous montre, encore une fois, que les États et les organisations internationales soutiennent sans vergogne l’agro-industrie et la grande distribution. Sous prétexte sanitaire, de nombreux pays restreignent ou interdisent les marchés de plein vent, la vente ambulante ou de rue, alors que les grandes et moyennes surfaces restent ouvertes et font figure de lieux sécurisants et sécurisés. Ces mêmes grandes surfaces où les travailleuses et travailleurs sont mis en première ligne et risquent leur vie face aux contaminations afin d’assurer le fonctionnement de lieux de consommation à grande échelle.

    Les petit·es producteur·es, capables d’assurer une vente directe et de proximité prennent donc de plein fouet la restriction de leurs circuits de commercialisation et doivent faire face à de nombreuses difficultés de par le monde.

    En parallèle, alors que les frontières sont fermées, les exploitations industrielles ou semi-industrielles se plaignent de ne plus avoir recours à la main d’œuvre sous-payée qu’elles exploitent chaque année : travailleuses et travailleurs étrangers qui débarquent en bus pour le besoin des patrons et doivent subir bien souvent des conditions de travail déplorables, humiliations et violences. Le récent procès d’Arles intenté pour servage moderne par des travailleuses et travailleurs détachés contre huit entreprises agricoles françaises ne fait que dévoiler un modeste pan de cette triste réalité. Aujourd’hui, pour répondre à ce manque de main-d’œuvre, le gouvernement français a une solution toute trouvée : étudiant·es et chômeurs·es désœuvré·es iront bénévolement dans les champs et, sinon, les sans-papiers qui sont d’habitude exploité·es illégalement pourront être autorisé·es à travailler… Une manière on ne peut plus cynique de délivrer un permis d’exploiter à l’industrie agricole française.

    Paysan sud-africain. cc Antoine Jomand

    Accaparement des terres

    Dans le même temps, la spéculation mondiale sur les produits alimentaires de première nécessité continue, brisant les prix, affaiblissant les petit·s producteur·es et par là-même empêchant une partie de l’humanité de manger à sa faim et d’accéder à une nourriture de qualité. L’accaparement des terres par des propriétaires terriens ou des fonds d’investissements, la destruction des savoirs paysans, l’introduction à outrance des outils numériques dans les pratiques agricoles et les pratiques de contrôle qu’ils amènent, ne cessent de se développer et de faire reculer la population paysanne.

    Ce productivisme et cette industrialisation de l’agriculture ne sont que le miroir du monde que le capitalisme nous propose comme modèle social globalisé.

    Nous ne pouvons nous résoudre à ce que ce système agricole et social perdure. Cette crise nous place de force devant le défi, primordial, de remettre l’autonomie alimentaire au centre de notre société. C’est en effet fondamental pour garantir une alimentation de qualité, en abondance et une égalité dans l’accès à celle-ci. Or aujourd’hui, la population confinée, face à la peur et aux difficultés d’approvisionnement se tourne vers les paysannes et paysans locaux et leur demande de les approvisionner. Mais la réalité est cruelle : dans l’état actuel de la paysannerie, nous ne pourrons nourrir tout le monde si nous ne développons pas l’agriculture locale et paysanne, si nous ne récupérons pas les terres qui s’évaporent chaque année pour des projets d’artificialisation, si nous ne soutenons pas les paysannes et paysans en place et l’installation de nouvelles et nouveaux, si nous ne dynamisons pas les savoirs paysans, en somme si nous ne changeons pas radicalement notre système agricole.

    cc Laurent Zeller

    Pour des alliances entre classes dominées des villes et des campagnes

    Au delà de la crise et d’un recours momentané aux productrices et producteurs locaux nous souhaitons que des alliances se créent entre les classes dominées des villes et des campagnes, que la nourriture de qualité puisse être accessible à toutes et à tous, que le prix des aliments soient à la fois justes pour celles et ceux qui les produisent comme pour celles et ceux qui les consomment. La vente directe et l’implication des non-paysan·nes dans la production et la distribution de l’alimentation permet des rapports plus justes et plus égalitaires, plus d’autonomie pour les producteurs et productrices et plus d’autogestion dans la répartition alimentaire.

    Nous sommes certain·es qu’il ne peut y avoir de changement structurel du système agricole actuel sans la destruction du capitalisme et des rapports de domination et de marchandisation qu’ils induisent. Notre agriculture doit être pensée au niveau local, pour une production diversifiée en fonction des besoins de la population à proximité. Nous souhaitons la réalisation d’une agriculture symbiotique et cohérente, entre les travailleurs et travailleuses de la terre et leur environnement, animal et végétal, ainsi qu’avec les autres composantes de la société qui entourent cette activité.

    Paysan sans terre brésilien. cc Marie-Noëlle Bertrand

    Pour une refonte profonde des pratiques agricoles et alimentaires

    Nous pensons que la concurrence entre les paysan·nes de la planète, engendrée par le néolibéralisme, doit être remplacée par des relations d’entraide et de solidarité. Un internationalisme des luttes et des pratiques agraires !

    La question de l’agriculture est une question qui ne peut pas être laissée à la marge par les mouvements progressistes. Une révolution sociale, libertaire et écologique ne pourra être réussie sans une refonte profonde des pratiques agricoles et alimentaires.

    Nous devons mener une réflexion politique et agir concrètement et radicalement en tant que paysannes et paysans libertaires sur la place de l’agriculture au sein de la société que nous voulons demain et amener les personnes non-issues du « monde agricole » à la mener avec nous.

    Que fleurissent les luttes et les résistances paysannes et que triomphent les luttes sociales !

    Le groupe de travail Agriculture de l’Union communiste libertaire

    Paysanne chinoise du Yunnan. cc Albert Tan


  • L’indécence d’Amazon, et autres nouvelles économiques

    25 Avr 2020

    Cette note a été réalisée par le Groupe de Travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. n’hésitez pas à signaler toute erreur au groupe de travail.

    État de la production et de l’emploi

    Entre le 29 mars et le 4 avril, plus de 105 000 demandes d’inscription au chômage ont été recensées, soit + 7,3% par rapport à la même période l’année dernière. Deux semaines plus tôt, c’était + 31,4% d’inscriptions à pole emploi par rapport à la même période il y a un an Concernant le chômage partiel, il a encore augmenté et concerne dorénavant 9 millions de personnes en France. Aujourd’hui, un salarié sur deux est payé par l’État provisoirement. Le nombre d’entreprises ayant demandé le chômage partiel s’élève maintenant à 700.000, soit plus d’une entreprise sur deux. Aux USA, c’est 22 millions de chômeurs en plus en 4 semaines. Pour le mois de mars, le nombre de créations d’entreprises est en forte baisse tous secteurs confondus, mais c’est dans l’hébergement et la restauration qu’on constate la plus lourde chute. Dans le secteur de l’information et de la communication, la baisse est plus modérée mais pas moins réelle. Selon l’INSEE, « les secteurs qui contribuent le plus fortement à la diminution de l’ensemble des créations [d’entreprises] sont le commerce (contribution de –5,1 points)*, les services aux ménages (–3,9 points) et la construction (–3,4 points) ».

    Du coté du patronat, la situation de confinement n’est pas tenable du point de vue de la pérennité des profits. C’est pourquoi on peut lire dans la presse bourgeoise des appels à la reprise, quitte à mettre en jeu explicitement la vie des travailleuses et travailleurs. Un exemple éloquent dans une chronique d’Eric Le Boucher, directeur de la rédaction du supplément magazine des Échos : « Cela signifie qu’on doit en revenir à la stratégie de l’immunité collective et accepter les morts qui vont avec. On va régler la vitesse de sortie pour en limiter le nombre, tester pour repérer les Covid-plus et les Covid-moins, distribuer des masques, mais pas trop (il faut que les gens attrapent la maladie), enfreindre les libertés en traçant les malades repérés » Sans commentaire.

    Macron, dans son allocution, a lui aussi encouragé la reprise avant le 11 mai : « Quand la sécurité des travailleurs et des entrepreneurs est bien garantie, ils doivent pouvoir produire ». Sauf que l’État et le patronat sont incapable de nous fournir cela, et pourtant des entreprises reprennent déjà le travail. Mais ce n’est pas une fatalité : après à une décision de justice (faisant suite à la plainte déposée par SUD) imposant l’arrêt de la livraison de produits non-essentiels, Amazon à décidé de fermer ses entrepôts en France. La firme fait ainsi pression en faisant du chantage à l’emploi bien que, comme nous allons le voir, elle ne soit pas à plaindre… 

    Situation de la sphère financière

    A Wall Street, les grandes firmes du numérique (et notamment les fameuses « GAFAM » : Google, Apple, Facbeook, Amazon, Microsoft) battent des records historiques de capitalisation. Ce n’est pas très difficile à comprendre, puisque les mesures de confinement ont fortement accru la fréquentation d’Internet et les abonnements à divers services comme Netflix. Le Nasdaq, principal indice de Wall Street consacré essentiellement aux entreprises du secteur informatique, a connu le meilleur mois de son histoire et « probablement la meilleure performance mensuelle pour un indice US ». (par parenthèse, Amazon se gave depuis plusieurs semaines, ce qui se reflète dans les cours boursiers et dans la fortune de son PDG, Jeff Bezos, dont la fortune déjà scandaleuse a augmenté de 24 milliards de dollars ces quatre derniers mois. Cela rend les jérémiades d’Amazon France suite aux récentes décisions de justice d’autant plus indécentes…) Le Nasdaq est un indice intéressant à plus d’un titre : historiquement, il a été le tout premier marché à fonctionner de manière électronique, et ce dès sa fondation en 1971. Il s’agit également de la seconde bourse la plus importante des États-Unis (derrière le New York Stock Exchange, NYSE), et la quatrième à échelle du monde. Elle s’est imposée en faisant exploser de nombreuses start-up informatiques, mais au prix de krachs importants comme l’éclatement de la bulle internet en 2000. Aujourd’hui, on y trouve les GAFAM et de nombreuses entreprises comme Tesla, Texas Intstruments, Starbucks, Netflix, eBay, etc. Cet indice est donc un symbole et un indicateur central du capitalisme financier le plus high-tech. Il en concentre les ambitions et les innovations mais aussi les tares les plus délétères. Rappelons néanmoins que malgré l’euphorie du dernier mois écoulé, le Nasdaq est loin d’avoir retrouvé son niveau du 18 février dernier, où il culminait à une cotation inédite de plus de 9700 points, contre 8500 aujourd’hui.

    Mais, parce qu’il y a un mais, tous les marchés américains et mondiaux ne se portent pas aussi bien, loin de là. Et c’est ce qu’il y a d’intéressant dans l’évolution des marchés financiers ces dernières semaines : contrairement à 2008 ou à des krachs antérieurs, la cause immédiate de la crise en cours n’est pas d’abord financière mais est explicable par l’arrêt d’une grande partie de la production économique mondiale. Or, cet arrêt est très inégal selon les secteurs : le bâtiment a connu une chute spectaculaire, de même que l’automobile ou le pétrole. Cet inégal ralentissement de la production se reflète dans les cours boursiers : l’indice Dow Jones, le plus vieil indice de Wall Street et du monde entier, est calculé pour refléter les tendances générales de la finance américaine, avec une bien plus grande variété de secteurs qu’au Nasdaq. Or, cet indice ne se relève que très timidement de l’effondrement des cours des mois de février et mars. Il a même légèrement diminué cette semaine. La tendance est la même du côté du CAC40, qui perd aussi quelques points cette semaine malgré une brusque remontée le 17 avril, explicable notamment par la timide reprise américaine. En un mot comme en cent : nous sommes encore loin d’en avoir terminé.

    Mesures de politique économique

    Le FMI prévoit la pire récession mondiale depuis 1929 (-3 % du PIB mondial). Au niveau international, l’annonce de la suspension d’une partie de la dette des pays les plus pauvres (de l’ordre de 14 milliards de dollars) ne peut être interprété comme un signe de solidarité Nord/Sud. En effet, celle-ci reste provisoire, partielle, et n’a pour but que de préserver en partie les économies exportatrices, notamment en Afrique. De plus, le nouveau prêt du FMI (11 milliards de dollars) est une goutte d’eau au regard des besoins réels des populations de ces pays, et sera sans aucun doute assorti d’exigences de privatisation dont cette organisation a le secret. La proposition consistant à annuler purement et simplement la dette africaine pourrait sembler plus généreuse. Mais elle doit se comprendre comme une course de fond contre l’activisme de la Chine en Afrique. Il ne faut pas oublier qu’en général, les pays « en développement » payent leurs crédits très cher, au point qu’il n’est guère coûteux d’en annuler le capital in fine, surtout en échange de nouveaux crédits pour relancer les exportations françaises… Cette principale mesure se déroule en parallèle de l’annonce, par l’administration Trump, d’un arrêt des financements accordés à l’Organisation mondiale de la Santé, accélérant ainsi la déliquescence des instances internationales et permettant à la Chine d’y renforcer son leadership.

    Par ailleurs, certains pays se déconfinent progressivement (Iran), alors que les signaux d’une régression de la pandémie se font attendre et que les prémices d’une deuxième vague épidémique en Asie du Sud-Est se multiplient. Ces déconfinements, on le devine, sont des tentatives de sauvegarder la production davantage que l’état sanitaire de la population. Dans les pays les plus pauvres, le prolétariat souffre néanmoins énormément des mesures de confinement drastiques, qui se passent bien souvent sans mise en place de systèmes de ravitaillement ou de logistique adéquats, par manque de moyens. Globalement, très peu de gouvernements, voire aucun, n’adoptent des mesures capable de réorienter significativement la répartition des richesses ou le système économique vers un fonctionnement plus « vertueux », bien au contraire.

    Lundi, Macron a annoncé de premières mesures de déconfinement à partir du 11 Mai, notamment par la reprise des écoles. On se doute que cette décision est prise avant tout pour pouvoir renvoyer les travailleurs au boulot. Mercredi 15, le gouvernement a annoncé une série de mesures : renforcement à hauteur de 110 Milliards du plan d’urgence, qui comprend l’extension du fond de solidarité pour les entrepreneurs, le financement du chômage partiel, les dépenses exceptionnelles de santé, mais aussi une possibilité de prise de parts dans des entreprises « vitales ». Par contre, aucune réquisition ou nationalisation n’a encore été annoncé alors que des entreprises pourrait être remise en marche pour les besoins sanitaires (Luxfer, Honeywell). Si le gouvernement affirme publiquement que les entreprises ne doivent pas verser de dividendes pour prétendre aux aides, il semble que cela relève du pur affichage médiatique : de nombreuses firmes ignorent purement et simplement les consignes. Enfin le paiement du chômage partiel reste problématique puisque l’entreprise doit avancer le salaire avant d’être remboursée. Ces annonces se sont doublées de promesses de primes pour les soignants (de 500 à 1500 euros), les fonctionnaires (jusqu’à 1000 euros), ainsi que des mesures destinées aux plus précaires (bénéficiaires du RSA et minima sociaux). Il va sans dire que ces annonces sont faibles, largement en-deçà des exigences des travailleurs et travailleuses de la santé depuis plus d’un an et de ce que requiert la situation sociale. On peut imaginer qu’elles seront davantage de l’ordre de la communication que véritablement effectives, sans oublier qu’elle s’accompagneront sans doute de mesures autoritaires et pro-capitalistes, comme des congés contraints et des allongements de la durée de travail.

    Pour vérifier les sources de la présente note, voir le PDF :

  • Le chômage explose dans le monde, et autres nouvelles économiques

    22 Avr 2020

    Cette note a été réalisée par le groupe de travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. n’hésitez pas à signaler toute erreur au groupe de travail.

    État de la production et de l’emploi

    Dans sa note de conjoncture du 9 avril, l’Insee confirme une perte d’activité en France d’environ un tiers du PIB (-36 %). Les branches marchandes représentant 78 % du PIB sont les plus impactées, avec une perte de 42 % de leurs activités. L’activité industrielle baisse de 44 % et la consommation des ménages chute de plus d’un tiers. [1]

    Au niveau mondial ; quatre salarié.es sur cinq vont voir leur lieu de travail affecté par une fermeture totale ou partielle . Aux USA, en trois semaines, c’est plus de 16 millions de travailleurs.ses qui ont rempli une demande d’allocations et selon certains analystes cela pourrait représenter seulement la moitié des licenciements [2].

    Au Canada, c’est 2,13 millions d’inscrits dans les deux dernières semaines. En Grande-Bretagne, le nombre s’élève à pratiquement 1 million. Les conséquences pour les travailleurs.ses de France, c’est le chômage partiel : samedi 11 avril, 700 000 entreprises l’avaient demandé, ce qui impacte 8 millions de salariés.es. Les domaines concernés sont essentiellement l’industrie, la construction et le commerce non-alimentaire.


    Note économie n°2 – UCL PDF à télécharger


    C’est un chiffre record puisque cela représente 1 salarié.e du secteur privé sur 3 [3]. Dans le monde, 25 millions de personnes risquent de perdre leur emploi, ce qui vient augmenter le nombre de privé.es d’emplois qui comptait déjà 190 millions de personnes. Pour une semaine de travail de 48h, c’est 195 millions d’équivalents temps plein qui pourraient disparaître selon l’OIT, dont 125 millions en Asie, 24 en Amérique et 20 en Europe. En Afrique l’Union Africaine annonce 20 millions d’emplois supprimés sur le continent [4].

    Face à cela, la réponse des capitalistes est de pousser à la reprise pour relancer l’économie ou limiter la casse. On peut prendre l’exemple de l’automobile : depuis une semaine, de nombreuses entreprises poussent à la reprise de la production. Des accords signés par des syndicats (CFDT, CGE-CGC, CFTC, FO) valident la reprise de l’activité à PSA (64 000 salarié en France). Les usines Renault (48 000 salarié.es en France) reprendront aussi la production avec des accords signés par les même syndicats. L’ensemble de la filière liée à l’automobile suit le mouvement, comme par exemple l’usine Bosch et ses 1400 salariés, ou encore Michelin, qui produisent aussi des pièces pour l’automobile. C’est tout un secteur non-essentiel qui se remet en route petit à petit en France mais aussi à l’étranger, où l’usine Dacia (propriété de Renault-Nissan-Mitsubishi) en Roumanie va reprendre la production. [5]  [6] [7]

    La tendance est générale : dans l’Hexagone, les chantiers de l’Atlantique vont aussi vers une reprise. 2700 salariés.es sont concerné.es. En Belgique, Fedustria, la fédération des entreprises du textile, du bois et de l’ameublement fait pression sur le gouvernement pour la réouverture des magasins de meubles, jardinage, bricolage ou encore de mode… [8] [9]

    Dans l’agroalimentaire, peu touché par la baisse d’activité, certaines cartes sont redistribuées. La nourriture produite en France remplit les rayons « fruits et légumes » et la vente de produits issus de l’agriculture biologique augmente.Plusieurs explications à cela : premièrement, il y a un besoin de se rassurer en mangeant des produits perçus comme plus sains. Et deuxièmement, les restaurations collectives, qui ont peu investies dans le bio, sont fermées. Les personnes mangeant bio seulement à la maison le font maintenant à chaque repas puisqu’ils ne peuvent plus manger ailleurs. Deuxième conséquence, limitation des déplacements oblige, les commerces de proximité sont de plus en plus fréquentés. Les producteurs s’adaptent à la fermeture des marchés notamment via l’ouverture de points de vente à la ferme. L’épidémie engendrera-t-elle une tendance générale à la relocalisation de notre production agricole ? Il est encore trop tôt pour le dire [10].

    Situation de la sphère financière

    Les marchés financiers continuent leur remontée. Certains commentateurs évoquent même une situation « quasi-euphorique » [11] à Wall Street après les spectaculaires mesures de relance annoncées par la Banque Fédérale Américaine (l’équivalent états-unien de la BCE). La Fed a en effet annoncé, jeudi 9 avril, pas moins de 2300 milliards de dollars (soit à peu près la production annuelle de la France…) injectés en soutien à l’économie. [12] Les entreprises américaines sont donc sensées être protégées contre une faillite due à la crise sanitaire. Il n’en fallait pas plus pour que les cours boursiers flambent et rattrapent une grande partie de leur chute de ces deux derniers mois, avec des rebonds spectaculaires qui battent parfois des records.

    La Bourse de Paris, CAC 40 en tête, reprend quant à elle timidement des couleurs en regagnant quelques centaines de points de capitalisation.  [13] Étant donné l’interconnexion entre les marchés financiers, cette hausse est probablement due à l’amélioration de la situation des marchés américains et pourrait être renforcée par les perspectives d’accords internationaux sur la baisse de la production de pétrole. Cependant, les repoussements successifs de la date de sortie du confinement nuisent à la reprise. [14]

    Néanmoins, il faut bien avoir en tête qu’une telle remontée n’a rien d’anormal au cours d’une crise : les crises financières majeures s’étalent sur de longs mois, avec des fluctuations importantes. Quand on croit être au fond du trou, un nouveau plancher est explosé, faisant suite à une petite remontée qui ne compense pas la chute précédente. [15] C’est ainsi que la crise de 1929 s’était déroulée. En d’autres termes, les crises financières ne consistent pas en une courbe de cotation qui plonge inexorablement jusqu’à la reprise économique. Il ne faut donc pas reprendre « espoir » au moindre frémissement des cours boursier en y voyant une possible sortie de crise.

    L’indice de volatilité (Volatility Index, ou VIX), qui mesure le degré d’erratisme et de « nervosité » des marchés financiers [16], reste par ailleurs à un niveau élevé malgré une progressive diminution ces trois dernières semaines. [17] Étant donné la situation, un nombre croissant de spécialistes et d’acteurs des marchés financiers proposent une fermeture pure et simple de la Bourse pour une durée indéterminée (de quelques minutes à plusieurs semaines, selon les cas), au motif assez rationnel que les marchés ne mesurent pas de valeurs intéressantes dans les temps d’extrême volatilité. [18] Cependant, de telles mesures n’arrivent pratiquement jamais et nécessitent de lourdes coordinations internationales. [19] Peut-être que de telles mesures seront envisagées si une nouvelle chute des cours intervient, événement dont la probabilité est très fort.

    Éléments de base sur les marchés financiers

    Les marchés financiers sont divisés en deux types de marchés distincts. Le premier marché (le marché dit « primaire ») est celui où une entreprise peut lever des fonds pour financer de nouveaux projets. Ce capital, possédé par un nombre indéfini d’actionnaires, est censé porter ses fruits au terme du cycle de la marchandise : production-commercialisation-vente.Le dividende est alors versé chaque année aux actionnaires qui sont payés en fonction de la rentabilité du cycle de la marchandise produite/vendue. D’où l’intérêt des investisseurs pour les « nouvelles technologies » censées produire une valeur supérieure aux « vieilles technologies » épuisées par la concurrence entre capitalistes.

    Le second marché (dit « secondaire ») est celui où les actionnaires se vendent et s’achètent des actions et autres produits financiers entre eux dans l’espoir d’un gain spéculatif entre les prix d’achat et de vente. Ces transactions ne financent pas de nouveaux investissements. C’est pourquoi les cadeaux fiscaux au grand capital sont très peu efficaces pour relancer l’économie. Quand on parle de « la Bourse » ou des « cours boursiers », on ne prend en fait en compte que les échanges qui se déroulent sur les marchés secondaires, et qui représentent l’écrasante majorité des transactions financières.

    Que la bourse monte ou baisse, ceux qui vendent ou achètent au bon moment peuvent enregistrer des surprofits considérables sur le dos de ceux qui font des pertes identiques. Notons au passage que les multinationales et leurs cadres dirigeants ont massivement racheté les actions de leurs propres entreprises quand elles étaient à leur plus bas niveau…

    Même si 50% des Américains possèdent des actions, ce sont les « investisseurs institutionnels qui font la loi sur les marchés, à savoir : les fonds de pensions (qui gèrent l’épargne retraite/santé…) et les fonds souverains (adossés à un État) , avec à leurs côtés des fonds privés purement spéculatifs. Nous sommes donc loin du mythe du »petit porteur » individuel.

    Mesures de politique économique

    Jusqu’ici, une grande partie de l’action des Banques centrales a consisté à émettre de l’argent pour racheter massivement des actions et obligations et ainsi en soutenir le cours.

    Pour des raisons d’affichage politique, le gouvernement appelle les entreprises « à la raison » : Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à renoncer à verser un dividende ou à décider de le réduire. Engie, Dassault Aviation, M6, la Coface, ont annoncé qu’elles ne distribueraient aucun dividende. Amundi a annoncé qu’il allait proposer à son conseil d’administration une mesure identique. Le Crédit Agricole a annoncé qu’il ferait de même. Bouygues également, tout en se donnant la latitude de « réévaluer la situation en août ». Transdev, qui avait réduit son dividende de moitié, n’en paiera finalement pas. EDF et BNP Paribas ont à leur tour annoncé qu’ils ne proposeraient pas le paiement d’un dividende au titre de l’exercice 2019. Ces noms viennent s’ajouter à une liste déjà longue, comprenant notamment la Société Générale, Natixis, ADP, Nexans, Airbus, Safran, JCDecaux, Tarkett, Autogrill, Auchan Holdings, Altice, CNP Assurances…

    D’autres ont indiqué qu’ils allaient plutôt réduire les dividendes sans les supprimer complètement. Veolia va diviser les siens par deux, Michelin le ramener de 3,85 euros à 2 euros. Avant eux, l’équipementier Plastic Omnium avait baissé le sien de 34 % et le géant des stylos, rasoirs et briquets Bic l’avait rogné d’un tiers. C’est largement sous la pression des pouvoirs publics que les entreprises ont dû renoncer à rémunérer leurs actionnaires. Bercy a en effet conditionné l’octroi de prêts garantis par l’Etat et la possibilité de reporter les charges fiscales et sociales au non versement de dividendes. Ces contraintes ciblent principalement les grands groupes, et Bercy va définir des critères pour exonérer les PME aidées, qui peuvent avoir un besoin vital de dividendes pour garder leurs actionnaires.

    Certaines entreprises ont à l’inverse fait savoir qu’elles renonçaient à bénéficier des dispositifs d’aide du gouvernement, se libérant ainsi de la contrainte posée par Bercy. C’est le cas d’Hermès, de Michelin, L’Oréal ou encore de Total. Quant à Publicis, le dividende versé cette année sera même en hausse (+ 8,5 %) sur un an.

    Notre première note soulignait que l’orthodoxie budgétaire néo-libérale avait été très vite mise de côté et les critères de convergence de Maastricht avec : endettez-vous tous, dieu reconnaîtra les siens ! La même orthodoxie garantit la soi-disant « indépendance » des Banques centrales par l’interdiction pour elles de financer directement les États (et tout ce qui relève des établissements publics, des collectivités territoriales…). Ces derniers sont donc obligés d’emprunter à des banques privées (qui, quant à elles, sont soutenues directement par les banques centrales à chaque crack. Si vous voyez l’arnaque…).

    Coup de tonnerre dans l’idéologie néolibérale, la banque d’Angleterre a annoncé qu’elle allait financer directement « sur une base temporaire et à court terme » les dépenses supplémentaires du gouvernement britannique liées aux conséquences de la pandémie. Désormais, toutes les nouvelles émissions du Trésor seront souscrites directement par la banque centrale. Ce qui permet au gouvernement de ne plus passer par les marchés obligataires (les marchés où l’Etat s’endette auprès des acteurs privés) et d’échapper au moins momentanément aux contraintes et aux exigences des marchés financiers.

    L’Europe de la dette reste, elle, à mi-chemin. Le principe d’une dette « européenne » a de nouveau été écarté malgré un compromis considéré comme généreux par les pays « du Nord ». Pour le dire vite, les « pays du Nord » ne veulent pas être solidaires de l’endettement des « pays du Sud » de l’Europe. Outre la solidité des économies réelles, il faut comprendre à l’aune du mécanisme « crédibilité/taux d’intérêt » que l’Allemagne, par exemple, n’est endettée qu’à 55% de son PIB et qu’elle peut encore longtemps emprunter à pas cher. Parallèlement, la dette italienne représentait déjà 135% de son PIB avant la crise… Pour mémoire, les critères de convergence européens prévoyaient un maximum de 60% du PIB des pays pour l’endettement public.

    Néanmoins le maintien de l’Europe politico-économique exige que la divergence des économies ne se creuse pas excessivement entre pays. Il vient donc d’être décidé un plan de soutien qui dépasse tout ce qui a déjà été fait dans l’histoire. Ce plan d’aide n’est pas financé par le budget de l’Union européenne. Les Etats européens vont apporter des garanties à hauteur de 25 milliards d’euros à la Banque européenne d’investissement, qui va ainsi pouvoir prêter 200 milliards d’euros à des entreprises. La même opération de la part des Vingt-Sept va permettre à la Commission européenne de lever 100 milliards sur les marchés pour ensuite prêter cet argent, à des conditions très intéressantes, aux pays européens qui ont besoin d’être aidés pour financer la montée du chômage partiel.

    Enfin, le Mécanisme européen de stabilité (MES), troisième pilier de ce plan d’aide, dispose déjà d’une force de frappe de 410 milliards d’euros et n’a donc pas besoin d’être recapitalisé pour mettre à disposition des pays qui en auraient besoin 240 milliards d’euros de ligne de crédit.

    Dans le même temps la Banque Centrale Européenne va beaucoup plus loin. On passe de 750 milliards mi mars à 4 000 milliards engagés : 3 000 milliards prêtés (offerts !) aux banques privées à des taux négatifs et 1 000 milliards dégagés pour racheter les dettes publiques et privées.

    Dans ce déluge de milliards, il faut aussi regarder les petits cadeaux entre amis qui se préparent quand les régions annoncent, à l’instar de la Normandie, une enveloppe de 70 millions d’aide aux artisans, commerçants et autres indépendants… C’est le remboursement de ces dettes qui sera au centre de la lutte des classes : inflation, impôts, pression sur le travail, annulation pure et simple ? Cette question sera cruciale pour l’après-crise.

    Dette privée et dette publique, un débat faussé

    Il est impératif de souligner que la dette privée (celle des entreprises et ménages) est très supérieure à la dette publique et que c’est cette dette privée qui peut déclencher à tout moment de gigantesques crises financières, comme en 2008. Ensuite, il faut rappeler un mécanisme tout bête : la dette publique ne devient un problème que lorsque les détenteurs de la dette, perdant confiance dans le remboursement de leur mise, exigent des taux d’intérêts élevés.

    A ce jour, malgré un endettement autour de 100% du PIB, l’État français peut encore emprunter à des taux proches de 0% d’intérêts, et même à des taux négatifs. On peut penser que prêter à des taux négatifs n’est pas très rationnel, mais de telles pratiques prennent sens lorsque l’on spécule à court-terme sur les emprunts d’État pour réaliser de multiples petits gains via de subtiles variations de conjoncture. Les fonds gonflés de l’argent déversés pendant la crise financière de 2008 possèdent des masses énormes de liquidités qu’ils ne savent pas quoi faire pour abriter. La dette d’un Etat est une créance réputée solide tant que sa capacité à rembourser n’est pas en doute.

    [1] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/l-insee-confirme-ses-previsions-particulierement-sombres-pour-l-economie-francaise-20200409

    [2] https://www.rtl.be/info/magazine/science-nature/usa-5-millions-de-nouveaux-chomeurs-attendus-en-une-semaine-1210709.aspx

    [3] https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/coronavirus-huit-millions-de-salaries-sont-au-chomage-partiel_2123543.html

    [4] https://www.lefigaro.fr/social/coronavirus-1-25-milliard-de-travailleurs-courent-un-risque-de-licenciement-ou-de-reduction-de-salaire-selon-l-oit-20200407

    [5] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/bosch-a-rodez-reprise-progressive-de-la-production-malgre-l-opposition-syndicale-20200408

    [6] https://www.caradisiac.com/psa-un-accord-avec-les-salaries-pour-la-reprise-de-la-production-182478.htm

    [7] https://www.auto-infos.fr/Il-etait-une-fois-l-heure-de-la,13797

    [8] https://actu.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire_44184/coronavirus-accord-sur-lactivite-partielle-chantiers-latlantique-

    [9] https://www.lesoir.be/293758/article/2020-04-10/des-entreprises-mettent-la-pression-au-gouvernement-pour-une-reprise-de

    [10] https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/pourquoi-le-coronavirus-ne-nuit-pas-aux-produits-bio-bien-au-contraire_2123420.html

    [11] http://bourse.latribune.fr/webfg/articles/marches/wallstreet-la-fed-abolit-le-risque-les-indices-us-exultent–7424082.html

    [12] https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/coronavirus-la-fed-annonce-2-300-milliards-de-dollars-de-nouveaux-prets-pour-l-economie-americaine-6804272

    [13] https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-la-bourse-de-paris-repasse-la-barre-des-4500-points-avant-un-week-end-de-quatre-jours-908973.html

    [14] https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/petrole-russie-et-arabie-saoudite-sur-la-voie-dun-accord-pour-reduire-leur-production-1193827

    [15] https://www.tradingsat.com/actualites/marches/le-brusque-rebond-des-marches-ne-doit-pas-faire-croire-qu-une-rechute-n-est-plus-d-actualite-909003.html

    [16] https://www.lci.fr/high-tech/bourse-cac-40-qu-est-ce-que-le-vix-cet-indice-de-la-peur-qui-ne-connait-pas-la-crise-2147922.html

    [17] https://www.abcbourse.com/cotation/VIXu

    [18] https://www.lejdd.fr/Economie/coronavirus-faut-il-fermer-les-bourses-3955737

    [19] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/faut-il-fermer-les-bourses-843188.html


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