Plus de soixante ans après l’invention de la pilule (autorisée en France depuis seulement la loi Neuwirth de 1967), le débat est relancé sur la contraception hormonale et ses « méfaits » selon ses détracteurs. Nombre d’applications fleurissent, vantant les méthodes dites naturelles, et la culpabilisation des femmes bat son plein.
Depuis plusieurs années, les publications se succèdent pour expliquer aux femmes à quel point la contraception est dangereuse pour leur santé et nocive pour l’environnement. S’il n’est pas question de nier les effets secondaires gênants pour certaines femmes, il convient cependant de ne pas oublier les bienfaits de la contraception hormonale, sur leurs conditions de vie et leur sexualité.
La découverte de la pilule a marqué une révolution dans l’histoire des femmes. Elle leur a en effet permis de planifier leurs grossesses, de permettre à celles qui ne veulent pas d’enfant de ne pas en avoir, d’avoir des rapports sexuels (y compris avant le mariage) sans crainte d’une grossesse. Rappelons que, jusque dans les années 60, les « filles-mères » (et leurs enfants) étaient extrêmement stigmatisées. On reprochait aux filles et aux femmes d’être enceintes, tout en leur interdisant un moyen de contraception. Il s’agissait de contrôler la sexualité féminine.
Les méthodes de contraception de l’époque (Ogino, Billings, température, retrait…) avaient un taux d’échec de plus de 25 %. Elles reviennent pourtant en force, vantées par des applications mais aussi des médecins et associations.
Sous couvert de vanter une vie plus saine et écologique (pollution des rivières par les urines des femmes sous contraception hormonale), on fait prendre aux femmes le risque d’une grossesse.
Le taux annoncé de 98 % de succès des méthodes dites « naturelles » est un leurre. Il ne correspond qu’aux femmes ayant une connaissance parfaite de leur corps et ne tient pas compte des évènements de la vie qui peuvent décaler l’ovulation (stress, deuil, désir, choc émotionnel, traumatisme…). Les méthodes naturelles prônent en outre des périodes d’abstinence durant lesquelles une femme est fertile. C’est méconnaître la situation des femmes victimes de violence, pour qui il est impossible de choisir le moment des rapports (en réalité des viols).
Ces méthodes sont réservées à celles qui ont le temps d’écouter leur corps (qui a le temps de prendre sa température matin et soir, de compter son cycle sur plusieurs mois, de vérifier chaque jour sa glaire cervicale ?). De telles méthodes privent les femmes d’une sexualité épanouie et choisie.
Le propos ici n’est pas de stigmatiser les femmes qui utilisent ces méthodes « naturelles ». En revanche, il n’est pas question de culpabiliser celles qui utilisent une contraception hormonale.
La meilleure contraception, c’est celle que l’on choisit, de manière libre et éclairée. C’est cela aussi le droit à disposer de son corps, sans pression, qu’elle soit médicale ou sociale.
Gaëlle Backer (UCL Saint-Denis)