Vie de l’organisation

  • Face aux crises du capitalisme, construisons une alternative sociale

    08 Déc 2017

    Le système capitaliste est en crise. La crise sociale actuelle n’est pas le fruit d’un « complot », ou de la dérive d’un mauvais « capitalisme financier » qui s’opposerait au vertueux « capitalisme industriel ». Ce n’est pas le fruit de la seule « spéculation » qui n’est qu’un des aspects du fonctionnement du capitalisme.

    C’est le résultat des contradictions du système capitaliste lui-même, le résultat logique de l’organisation capitaliste de l’économie.

    Une organisation qui – même dans des conditions de fonctionnement « normales » – institue l’inégalité sociale, rendant inaccessible à l’immense majorité de la population la satisfaction de ses besoins de base, tout en lui rendant la vie insupportable.

    En quelque sorte, le capitalisme produit lui-même les conditions de ses crises, même si sa capacité d’adaptation lui a toujours permis jusque-là de les surmonter, au prix du sang des travailleuses et des travailleurs.

    La société dans laquelle nous sommes connaît actuellement une quadruple crise – économique, écologique, sociale et politique – qui découle des systèmes capitalistes et étatiques, d’une organisation fondée sur la propriété privée des moyens de production et de distribution, ainsi que de la hiérarchie, la domination et l’exploitation.

    Si cette crise touche aussi des secteurs de la bourgeoisie, du fait de la logique concurrentielle inhérente au système capitaliste, ce sont avant tout les travailleuses ou les travailleurs, avec ou sans emploi, qui en font les frais, et un large secteur de la bourgeoisie continue à accumuler les richesses, en faisant porter le poids de la crise aux les prolétaires, quand elle ne profite pas de la situation pour renforcer ses positions.

    Crise économique

    L’organisation économique capitaliste est fondée sur la recherche permanente de profit, à savoir l’accroissement du capital par l’appropriation de la plus-value, c’est-à-dire le vol du produit du travail collectif des travailleuses et des travailleurs, au moyen du régime de propriété privée des moyens de production.

    Pour que le profit se réalise, les biens et services créés doivent se transformer en marchandises, c’est-à-dire faire l’objet d’un échange marchand qui leur donne de la valeur au sens capitaliste.

    Pour cela, il faut que le système capitaliste entretienne en permanence l’offre et la demande solvable, au besoin en les créant artificiellement. La saturation progressive des marchés (solvables, car seule compte pour le capitalisme la demande de celles et ceux qui peuvent payer) oblige l’appareil productif à renouveler l’offre en permanence, par la création de nouveaux produits et l’organisation de l’obsolescence à court terme des produits fabriqués.

    Par ailleurs, la nécessité pour la classe dominante de s’approprier une part toujours plus grande de la richesse l’amène à chercher à maintenir et augmenter son taux de profit par tous les moyens : augmentation du temps de travail et baisse des salaires directs ou indirects, accroissement de la productivité par l’augmentation des cadences, etc.

    L’attaque sur les salaires directs ou indirects (protection sociale), entraîne une baisse de la solvabilité des travailleuses et des travailleurs, et par conséquent une baisse de la demande solvable.

    Or pour que le profit se réalise, les capitalistes doivent réaliser l’échange des biens et des services, c’est-à-dire écouler leur production à des clients solvables.

    Le capitalisme a essayé de résoudre cette contradiction grâce au développement du crédit, pour stimuler artificiellement la demande, et ce depuis les années 70.

    Mais le développement du crédit a abouti à une seconde contradiction : il est nécessaire, pour que la réalisation du profit s’effectue, que les débiteurs (travailleurs-ses, entreprises, états, etc.) le remboursent afin d’alimenter la mécanique économique. Or la pression du capital pour faire baisser les salaires et la volonté de s’approprier une part toujours plus importante des richesses entraînent inévitablement des difficultés de remboursements à toutes les échelles.

    La solvabilité de la demande pose de nouveau problème, et donc les conditions de réalisation du profit sont rendues plus difficiles pour les capitalistes.

    Cela accentue la concurrence capitaliste au sein de la bourgeoisie pour le contrôle du marché, que l’on se place sur le plan national ou international.

    Crise écologique

    Le modèle économique capitaliste repose sur la croissance de la production de richesses. Or le caractère fini des ressources naturelles, et principalement des ressources énergétiques, se place en contradiction avec cette logique de la croissance.

    La pollution, générée par le système économique capitaliste, en mettant en danger les écosystèmes, outre qu’elle impacte directement les conditions de vie des êtres humains, représente un coût croissant qui pèse indirectement sur l’organisation économique, même si ce coût est avant tout assumé par les prolétaires et non par les capitalistes qui en sont à l’origine.

    Le caractère limité des ressources énergétiques entraîne une hausse du prix de l’énergie, qui se répercute dans le coût de production des biens et des services. Pour compenser cette hausse, et continuer à vendre biens et services dans un contexte concurrentiel capitaliste en maintenant des prix de vente « compétitifs », la bourgeoisie est amenée de plus en plus à utiliser la seule marge de manœuvre qu’elle possède : celle de la baisse du prétendu « coût du travail », en réalité la baisse de la rémunération du travail. Cela se fait au moyen de la baisse des salaires et de l’accroissement des cadences, de l’intensité du travail visant à accroître la productivité, à rémunération identique ou réduite.

    De même, la limitation des ressources énergétiques entraîne une concurrence féroce à l’échelle internationale pour le contrôle des ressources.

    La concurrence pour le contrôle des ressources et des marchés passe sur le plan international par la tendance à la guerre, par laquelle les bourgeoisies nationales, de manière coalisée ou unilatérale, cherchent à garantir et accroître leur accès aux ressources.

    Crise sociale

    Dans un contexte où les contradictions du système capitaliste créent une situation de crise écologique et économique, la bourgeoisie cherche à tirer son épingle du jeu en faisant porter aux travailleuses et aux travailleurs les conséquences négatives de celles-ci.

    Cela passe par une attaque brutale contre les conditions de vie des prolétaires, visant à leur arracher une part toujours plus importante des richesses qu’ils créent. Cela amène à une liquidation du « compromis » d’après guerre, c’est-à-dire des conquêtes sociales ouvrières que sont la protection sociale, les services publics, etc. Ces attaques menées par les États au nom de l’« austérité », du « redressement économique » et de « l’épuration de la dette » font plonger des parts toujours plus croissantes des classes exploitées dans la misère et la précarité. Ces attaques touchent plus violemment encore les parties les plus opprimées et exploitées des classes populaires, notamment les femmes, les immigré-e-s, les personnes racisées.

    La crise s’accompagne également d’un durcissement des relais de l’oppression patriarcale : discours réactionnaires pour l’enfermement de la femme dans le foyer, remise en cause de l’IVG, fin de l’indépendance économique de nombreuses femmes, augmentation des violences masculines. Par ailleurs, le chômage des femmes est supérieur à celui des hommes mais les chômeurs indemnisés sont plus nombreux que les chômeuses indemnisées.

    Ces attaques ont pour conséquence le pourrissement des relations humaines au sein même des classes exploitées, puisque la logique capitaliste met en concurrence les prolétaires pour la survie, dans un contexte de chômage et de misère de masse.

    Crise politique

    Dans ce contexte, le rôle historique de l’État comme soutien de la bourgeoisie et défenseur de l’exploitation et de l’oppression capitaliste apparaît de plus en plus clairement aux yeux des travailleuses et des travailleurs.

    A mesure que s’effondre le mythe de « l’État social » et « protecteur », « instrument neutre » prétendument au « service de la collectivité », se fissure également l’édifice de la « démocratie » (sic) représentative. Les révoltes populaires se développent ainsi de manière croissante y compris dans les zones où jusque-là l’autorité de l’État était installée au nom d’une prétendue « légitimité démocratique ».

    Pour faire face à cette situation, les politicien-ne-s et la bourgeoisie recourent de manière grandissante au nationalisme, afin de diviser les prolétaires et brandir des boucs-émissaires dans le but de se protéger de la colère populaire. De même, la tentation du fascisme monte partout dans le monde, certains secteurs de la bourgeoisie lui apportant un soutien grandissant, y voyant un moyen de « mettre de l’ordre » face aux effets des contradictions capitalistes, sans remettre en cause leurs privilèges.

    Tout en prenant des formes différentes selon les réalités locales, le fascisme est ainsi promu de manière de plus en plus ouverte, afin d’éviter que la crise politique – qui se développe en lien avec la crise économique, sociale et écologique – débouche sur une révolution sociale.

    Il vise également à mobiliser, derrière les bourgeoisies nationales, les prolétaires au nom d’une « union sacrée » dans la guerre économique que se livrent les différents groupes, secteurs et blocs capitalistes.

    Quelle alternative ?

    Nous ne croyons pas, contrairement aux marxistes, que les contradictions du capitalisme le conduisent de manière mécanique à l’effondrement.

    La situation de quadruple crise actuelle – politique, économique, écologique et sociale – ne signifie pas l’automaticité de la révolution sociale et du communisme. Le capitalisme a montré par le passé ses capacités d’adaptation. Les bourgeoisies ont accumulé une longue expérience, et n’ont jamais hésité à recourir à la guerre, au fascisme, lorsqu’elles considéraient qu’il en allait de leur intérêt. Les proclamations « démocratiques » des un-e-s et des autres s’effaçant ou se vidant de leur contenu concret lorsque les intérêts fondamentaux étaient en jeu.

    Communisme libertaire ou barbarie capitaliste

    Plus que jamais se pose donc la nécessité de la révolution sociale, pour en finir avec la barbarie capitaliste. Cette rupture révolutionnaire ne peut découler que du développement des luttes et de l’auto-organisation populaire, et ne saurait être l’œuvre de quelconques « sauveurs suprêmes » ou tribuns providentiels et autres « partis d’avant-garde ». Car l’État ne peut pas être l’instrument de la transformation de la société dans l’optique d’une émancipation individuelle et sociale.

    Ces luttes qui prennent racine dans les besoins et les aspirations fondamentales des classes populaires (se loger, manger, se vêtir, se déplacer librement, défendre son intégrité individuelle, se cultiver …) développent les capacités de gestion collective des classes exploitées, et permettent l’organisation de l’entraide. Sur leur base, peuvent se développer l’organisation populaire contre le pouvoir d’état (sapant les bases de « l’état organisateur »), l’expropriation de la bourgeoisie et la mise en commun des moyens de production, leur gestion fédéraliste sur une base territoriale et industrielle.

    Ce développement de l’organisation populaire autonome, ne peut se faire à coup de slogans, c’est une œuvre quotidienne qui vise à construire des outils de résistances solides et durables. C’est un enjeu, une priorité pour toutes celles et tous ceux pour qui le changement social et la révolution ne sont pas des mythes mobilisateurs mais des objectifs concrets, malgré les difficultés de la période.

    C’est la seule manière de mettre un coup d’arrêt au développement d’un « cannibalisme social » au sein même de nos classes exploitées.

    Aujourd’hui, le développement des luttes est ainsi confronté à plusieurs obstacles :

    • La convergence de fait entre système capitaliste et système raciste et patriarcal, qui aboutit à la division des exploité-e-s, et qui a pour effet de solidariser une partie des exploité-e-s avec le système dominant.
    • La désorganisation d’une large part des classes exploitées, liée à l’atomisation sociale, au repli individualiste, à la logique du « chacun pour soi », mais aussi à l’incapacité des formes d’organisation actuelles à répondre aux préoccupations de la majorité des exploité-e-s.
    • Le poids des idéologies étatistes qui présentent encore de manière mystificatrice l’état comme un recours face à l’exploitation capitaliste, et sa conquête comme un enjeu stratégique.
    • La bureaucratisation et l’intégration d’une partie des organisations populaires, qui affaiblissent leur force collective émancipatrice, pour partie appropriée par des minorités dirigeantes.
    • La conviction, liée au poids de l’idéologie dominante, qu’il n’existe pas d’alternative à la faible diffusion des idées libertaires. Ce fatalisme est savamment entretenu par des appareils idéologiques, mais aussi par les défaites sociales successives.

    Ces obstacles ne sont pas une fatalité, et il appartient à toutes celles et tous ceux qui refusent la barbarie capitaliste de travailler à les lever en développant des formes d’organisation réellement collectives, en associant démocratie directe et fédéralisme, en se confrontant à l’ensemble des systèmes de domination et d’exploitation, et en s’ancrant socialement tout en s’inscrivant dans une perspective internationaliste.

    Lever ces obstacles doit nous permettre d’ouvrir des perspectives de rupture avec le capitalisme et l’État, afin d’en finir avec les crises économiques, sociales, écologiques et politiques.

    Pour satisfaire les besoins de la population et répondre à la crise économique et sociale, nous proposons une société sans classes et sans État, en mettant fin à la propriété individuelle des moyens de production et d’échange, afin de se débarrasser des inégalités et de l’exploitation.

    Nous proposons une organisation sociale basée sur l’autogestion généralisée de la société et le fédéralisme pour répondre aux crises politiques et écologiques. Il s’agit ainsi de garantir l’égalité politique effective et de prendre collectivement en charge les questions écologiques.

    Ces propositions de rupture expriment la double exigence de répondre à la fois aux crises auxquelles nous sommes confronté-e-s et à la volonté de permettre l’épanouissement des individu-e-s.

    Coordination des Groupes Anarchistes
    Adopté en novembre 2012

  • Réponses anarchistes à la crise écologique

    08 Déc 2017

    Enjeux de la question environnementale

    La crise de développement du capitalisme et ses conséquences sociales ont éclipsé la crise environnementale, pourtant plus que jamais d’actualité. De notre point de vue, cette crise peut se décliner en trois points principaux : le réchauffement climatique global, la dégradation des écosystèmes et l’amenuisement des ressources naturelles.

    Le réchauffement climatique global

    Dès les années 70, les changements climatiques dus au système de production capitaliste ont été reconnus, notamment dans les milieux écologistes radicaux. Évidemment, ces positions ont été ridiculisées par les tenants du pouvoir. Ce n’est que dans les années 80-90, quand la question du réchauffement climatique deviendra de plus en plus incontournable, qu’ils l’intégreront dans leur discours sous la pression d’une partie de la communauté scientifique. Toutefois, le réchauffement climatique était encore considéré comme une conséquence possible des activités humaines, et non comme un fait avéré.

    Depuis le rapport du GIEC1 en 2007, l’impact des activités humaines rejetant des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est un fait incontesté, hormis par les partisans d’un discours climato-sceptique ou par de faux experts à la solde des multinationales pétrolières, comme on a pu le voir à l’occasion du scandale dit du « climategate ».

    L’augmentation générale de la température du globe a en effet plusieurs conséquences : l’augmentation du niveau des océans due à la fonte des glaces terrestres et à la dilatation de l’eau de mer (en effet, contrairement à la fonte de la banquise, la fonte des glaces d’eau douce contribue à la montée de la mer) ; mais aussi la modification des courants océaniques et du cycle de l’eau. Cette augmentation du niveau de la mer met en péril les habitant-e-s des terres basses et notamment des zones de delta. L’exemple le plus emblématique est celui du Bangladesh qui, dans le pire des scénarios envisageables, pourrait voir plus de la moitié de ses 150 millions d’habitant-e-s migrer. Sans compter qu’à cela s’ajoute l’augmentation du volume de précipitations annuelles, risquant d’entraîner un accroissement de l’intensité et de la fréquence des tempêtes et cyclones.

    Les conséquences du réchauffement climatique annoncent donc de grandes migrations qui ne manqueront pas de provoquer un véritable désastre social et agricole (avec la disparition totale de certains territoires cultivés) si aucune disposition collective n’est prise.

    De manière générale, cette évolution écologique va probablement multiplier les phénomènes climatiques exceptionnels (tempête, sécheresse, canicule…), rendre la production agricole plus instable et aggraver les situations de pénuries alimentaires dans les régions qui seront victimes directes ou indirectes des catastrophes naturelles.

    La dégradation des écosystèmes

    L’industrialisation toujours croissante de nos sociétés s’accompagne d’une pollution croissante des écosystèmes naturels.

    L’augmentation des surfaces industrielles et des zones urbaines liée à l’industrialisation détruit des écosystèmes et de potentielles zones agricoles, et perturbe le ruissellement des eaux. Les usines et particulièrement celles liées au raffinage utilisent des solvants, dont une partie se retrouve dans la nature et dans les cours d’eau. Dans de nombreux pays où les infrastructures de potabilisation de l’eau sont très insuffisantes, cela devient un problème de santé publique. Dans tous les cas, les ressources halieutiques sont affectées, diminuant les volumes de pêche. On observe parfois une quasi-stérilisation des milieux aquatiques comme dans le Danube.

    Les plantes et animaux les plus fragiles et les plus touchés par ces pollutions ne sont généralement pas exploités par des secteurs d’activités majeurs dans le système de production capitaliste. Ce sont les organismes vivants des écosystèmes naturels qui sont détruits ou qui survivent difficilement aux ravages des pratiques d’élevages ou cultures intensifs. Pourtant, si ces organismes vivants n’ont pas, a priori, un poids économique direct important, ils ont un rôle indirect qui peut s’avérer absolument nécessaire. Par exemple, si l’apiculture a un poids économique direct très faible, la pollinisation par les abeilles est d’une importance capitale pour la pérennisation des espèces végétales et donc des productions fruitières. Il en va de même pour tous les écosystèmes des sols et micro-organismes mis à mal par de nombreuses pratiques agricoles qui méprisent le vivant et l’importance de la biodiversité.

    Outre ces exemples, la liste des phénomènes préjudiciables à l’environnement et aux sociétés est longue : érosions massives des reliefs, destruction de larges étendues de forêt primaire, contamination de l’environnement avec des croisements OGM, etc. Cette dégradation des écosystèmes a des conséquences directes sur la santé des êtres humains. L’utilisation massive de pesticides, par exemple, est facteur d’augmentation des cas de cancers. Il en est de même pour l’usage de matériaux polluants dans les activités alimentaires, de constructions, etc.

    L’amenuisement des ressources naturelles

    Au-delà de la pollution engendrée par les modes de production intensifs et industriels, l’industrialisation croissante conduit inéluctablement à l’épuisement des ressources « brutes » et des matières premières dont elle a besoin dans des quantités démesurées. Pendant plusieurs siècles, la pression exercée sur le stock des ressources énergétiques minières était infinitésimale au regard des besoins humains exprimés. Aujourd’hui, le rapport s’est complètement inversé, et il est clair que ces ressources vont diminuer et, pour certaines, risquent de se tarir. Or une très large partie du système de production actuel, dicté par les logiques capitalistes de croissance et de profit, ne peut pas fonctionner sans ces ressources énergétiques. Selon les projections, les ressources non renouvelables actuellement exploitées finiront toutes par atteindre un « pic » après lequel l’extraction sera plus difficile, coûteuse, et à terme non rentable. En outre, les ressources naturelles vitales, telles que la surface des sols fertiles et la qualité de l’eau et de l’air, sont également affectées par l’industrialisation. Leur raréfaction ou leur dégradation constituent des menaces directes sur la santé et la vie des humains. Voici un aperçu de ce qui est connu et projeté pour les décennies à venir concernant l’amenuisement des ressources naturelles et les « pics » envisagés.

    La dégradation et la raréfaction des sols utilisables pour la production alimentaire sont engendrées par deux facteurs principaux. Le premier est l’appauvrissement des sols, qui sont saturés d’engrais et de pesticides issus de l’industrie pétrochimique. Le phénomène le plus visible est l’imperméabilisation des sols, entraînant des glissements de terrain et de grandes inondations. Le second est l’accaparement des terres par les propriétaires qui disposent de grands capitaux. Ils vont acheter des territoires à l’étranger, notamment en Afrique, pour en faire des lieux de culture intensive excluant les usages locaux des populations, qui sont alors exploitées sur ces parcelles et dépossédées de tout choix de production. Quant aux sols cultivables et proches des habitant-e-s, les gouvernements et le patronat les ont souvent détruits pour les allouer à d’autres fonctions plus « rentables » que l’agriculture.

    L’accès à l’eau salubre, et en particulier à l’eau potable, va s’avérer de plus en plus difficile. En plus de l’augmentation de la consommation d’eau due à la production industrielle et agricole, de nombreux problèmes de pollution s’accentuent, avec une présence accrue d’engrais, de pesticides, de médicaments, de métaux lourds et tous types de rejets industriels dans les eaux.

    Les « terres rares » désignent un ensemble de matériaux métalliques devenus des ressources extrêmement stratégiques étant donné leurs propriétés magnétiques. Ils sont utilisés dans les domaines de l’électronique, de l’informatique et l’énergie, en étant présents par exemple dans les ordinateurs, téléphones portables, écrans plats, mais aussi dans les éoliennes et les batteries. L’extraction des « terres rares » est extrêmement polluante et nocive. On relève des problèmes de dents et de peau, ainsi qu’une augmentation des cancers au contact de l’eau rendue toxique. L’extraction entraîne des rejets d’acides et de thorium radioactif, qui se déversent sans mesure de protection dans les eaux et les terres environnantes. Au contact de ces produits, certains organismes vivants deviennent stériles et l’agriculture des terres est rendue impossible.

    Concernant les autres métaux, tels que le cuivre, le nickel, le zinc, le plomb, l’étain, etc., face à la croissance de la demande et à la déplétion des gisements, leur exploitation pourrait atteindre un pic dans 20 ou 30 ans. La teneur en métal des nouveaux minerais exploités est plus faible, ce qui entraîne une augmentation de l’énergie nécessaire pour extraire les métaux. De plus, même si le recyclage permet de réutiliser les métaux, il est loin d’être total. Par ailleurs, les conditions de travail dans les mines sont dramatiques, et les conséquences sur la santé irréversibles et souvent mortelles.

    Le pic pétrolier a déjà été atteint, et nous sommes dans la phase de plateau qui précède le déclin. Le pétrole le plus accessible a déjà été extrait, et en 2030, la « production » mondiale devrait avoir diminué de moitié. L’industrie pétrolière se tourne maintenant vers l’exploitation du pétrole des sables bitumineux et du schiste, entraînant d’importants dégâts environnementaux.

    Les réserves d’uranium, nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires, déclinent rapidement. Les grandes réserves se trouvent aujourd’hui sous la mer. Sa vitesse d’extraction est déjà plus faible que sa vitesse de consommation, avec une grande partie de l’uranium qui provient du désarmement et des stocks. Au rythme actuel, le pic d’uranium est prévisible vers 2035. Les catastrophes nucléaires de Three Miles Island, de Tchernobyl et de Fukushima n’ont pas convaincu les dirigeant-e-s qui en tirent profit d’arrêter son utilisation.

    Un pic gazier est prévu par l’Institut Français Pétrolier entre 2020 et 2030. Selon cette source, ce pic risque d’avoir des conséquences plus lourdes que celles du pic pétrolier, dont d’importantes pénuries, puisque le gaz peut être substitué au pétrole dans de nombreux cas, alors qu’il n’existe pas actuellement de substituant au gaz à grande échelle. Quant au pic de charbon, il pourrait être atteint vers 2025.

    Fausses solutions aux problèmes environnementaux

    Les problèmes environnementaux succinctement décrits précédemment font largement consensus dans les milieux politiques, ainsi que parmi les élites intellectuelles et politiques, qui malgré tout minimisent les enjeux écologiques. Nous proposons donc une critique anarchiste des positions politiques suivantes qui se veulent être une réponse aux enjeux environnementaux.

    Capitalisme vert

    Nous appelons capitalisme vert, les positions politiques qui avancent qu’il est possible de résoudre la crise environnementale sans sortir du capitalisme, grâce à une série de réformes censées organiser une transition énergétique. Par exemple, Europe Écologie Les Verts défend l’idée d’une économie capitaliste soutenue par l’État pour mener à bien cette transition. Dans le cadre de cette politique, on a vu apparaître les crédits carbone à l’échelle internationale, c’est-à-dire des droits à émettre du CO2 qui peuvent se monnayer entre États. Plus largement, une fraction de l’élite économique et intellectuelle pense que donner une valeur marchande à des biens « naturels » en fonction de leur rareté permettra au capitalisme de se réguler et de stopper la crise environnementale. Pour nous, cette position ne peut en aucune façon résoudre la crise environnementale ni même atténuer les dégradations en cours.

    Tout d’abord, les quelques expérimentations pratiques de cette politique se sont avérées inefficaces. Les crédits carbone n’ont pas diminué le volume global des émissions de CO2 car les États puissants ont pu racheter des crédits pour pouvoir dépasser le seuil prévu. Ensuite, les capitalistes se moquent éperdument des lois nationales et transnationales. Il suffit de penser aux nombreuses mines en Afrique où on utilise des solvants sans aucune protection ni circuit de retraitement, particulièrement dans des pays comme la République Démocratique du Congo en guerre civile permanente. En France, les capitalistes refusent de payer l’assainissement d’anciennes mines ou les dégâts des marées noires. Nous faire croire que les capitalistes vont avec des lois vertes être de vrai-e-s petit-e-s écolos est soit d’une incroyable mauvaise foi, soit d’un angélisme qui dépasse l’entendement.

    Rappelons que le système capitaliste est un système totalement dépendant de la croissance économique perpétuelle et qu’en cas de décroissance de la production, le niveau de profit par rapport au capital investi diminue. Cette analyse est d’ailleurs confirmée par les faits historiques. En effet, les besoins d’accroissement de la production et des profits du capitalisme a été un moteur essentiel du processus colonial, et reste le moteur essentiel des processus néo-coloniaux d’aujourd’hui. Nous le voyons avec la conquête de nouveaux territoires à exploiter (front colonial brésilien sur l’Amazonie), de nouvelles ressources à extraire (sables bitumeux, gaz de schiste…).

    Ce besoin d’accroissement de la rentabilité intrinsèque à ce système rend impossible toute conciliation entre le Capital et les enjeux environnementaux. Pour nous, la solution à ces problèmes ne peut être trouvée que dans une rupture totale avec le capitalisme, c’est-à-dire par la voie révolutionnaire.

    Le cas particulier de l’énergie nucléaire

    De toutes les fausses alternatives à la crise écologique, présentée souvent aujourd’hui comme la meilleure solution pour réduire les émissions de CO2, l’énergie nucléaire est certainement la plus fallacieuse.

    Notre refus et notre revendication de sortie immédiate du nucléaire s’appuie sur le constat de la spécificité du risque nucléaire par rapport à tous les autres risques industriels connus à ce jour :

    • Sur le plan sanitaire, la radioactivité est le seul phénomène capable de détériorer le patrimoine génétique de n’importe quel être vivant (donc faune et flore confondues) de façon cumulative et irréversible de génération en génération, et vraisemblablement jusqu’à toucher la totalité de la population d’une espèce.
    • Sur le plan de la sécurité, les installations nucléaires (réacteurs, stockage ou enfouissement de déchets) étant les structures industrielles qui présentent le potentiel de risque le plus élevé, sont inéluctablement aussi les plus vulnérables. Il existe une contradiction fondamentale entre les échelles de temps multi-millénaires de certains éléments radioactifs et les exigences de sécurité les plus élémentaires. Au-delà de tous les dangers qui menacent n’importe quelle infrastructure (climat, géologie, accident, erreur humaine, etc.), le principal facteur de risque qui menace une installation nucléaire est l’incertitude géopolitique.
    • Sur le plan éthique, le nucléaire est la seule industrie capable de laisser en héritage pour plusieurs siècles ou millénaires aux générations humaines futures des sites de stockage et d’enfouissement de déchets à gérer, des réacteurs qui ne produisent plus d’électricité à démanteler, ou encore des régions voire des pays entiers irradiés. Exactement comme si aujourd’hui nous devions surveiller et renforcer des sites de stockage que nous auraient laissés les civilisations antiques pour se fournir en électricité pendant quelques décennies.
    • Sur le plan économique, le nucléaire est l’énergie la plus chère de toutes. Le coût définitif d’un accident, les frais de gestion des déchets et autres démantèlements de réacteurs, sont tout simplement incalculables du fait de la durée de vie des éléments radioactifs.
    • Sur le plan politique, l’énergie nucléaire implique, de par sa dangerosité, une concentration des pouvoirs et donc une société hiérarchique. Enfin, le nucléaire civil et le nucléaire militaire forment un tandem infernal depuis leur apparition. Jusqu’à présent, plus un État a développé son programme nucléaire civil, plus il a eu facilement accès à l’arme atomique. Le nucléaire militaire est toujours assis sur l’industrie nucléaire civile.

    Réponse institutionnelle à la crise environnementale

    Une large frange du tissu associatif2 à vocation environnementaliste attend de l’État qu’il légifère dans le sens de la préservation des écosystèmes menacés et pour une réforme des comportements individuels. Pour nous, cette option est vouée à l’échec car l’État ne peut aller à l’encontre des intérêts du capitalisme et ce dernier va structurellement à l’encontre des objectifs environnementaux.

    Ces dernières années, en partie sous la pression des associations écologistes, l’État a augmenté le nombre de structures environnementalistes telles que les Parcs Nationaux, les PNR (Parc Naturel Régional), les directives habitats (Natura 2000)… Ces dispositifs d’État ont pour but de préserver des espaces particulièrement sensibles en réglementant les activités humaines en leur sein. Après 30 ans de cette politique, le constat est sans appel puisque les milieux sensibles sont en recul, et que, d’une manière générale, les dégradations en cours n’ont en rien été enrayées.

    Au contraire du tissu associatif environnementaliste qui analyse cet échec par une implication trop faible de l’État, nous pensons que cette politique engendre uniquement une bureaucratie supplémentaire économiquement coûteuse et munie d’un pouvoir de répression qui opprime un peu plus le monde du travail, notamment dans la profession agricole. En effet, en plus d’un contexte économique qui tend à intensifier la production par une dégradation continue des revenus agricoles, les travailleurs-euses de la terre ont un surtravail important pour remplir les obligations de cette bureaucratie verte. Donc non seulement la tendance économique qui pousse les travailleurs-euses à avoir des pratiques anti-environnementales n’est pas combattue, mais de plus, cette contrainte bureaucratique favorise les comportements réactionnaires des travailleurs-euses de la terre et de la forêt vis-à-vis des enjeux environnementaux.

    Plutôt que le développement d’une bureaucratie et la mise en place de répression, nous pensons qu’il faut se battre pour une amélioration des revenus du travail qui permettent la mise en place de pratiques plus écologistes. De même, nous voulons favoriser la socialisation de la production qui, en élevant socialement les travailleurs-euses, rend possible les échanges d’analyses et de pratiques, l’ouverture vers de nouvelles perspectives collectives et l’émergence d’une plus forte conscience écologiste.

    La décroissance autoritaire

    Nous désignons sous ce concept l’ensemble des courants politiques et intellectuels qui affirment que la résolution des enjeux sociaux et environnementaux passe par la décroissance des activités économiques.

    Si nous partageons l’analyse fondatrice de Georgescu-Roegen affirmant que l’économie mondiale a un niveau d’utilisation des ressources naturelles supérieur à leur vitesse de régénération, nous pensons que la décroissance est un concept imparfait car il ne permet pas d’exclure des modèles de société autoritaires ni d’expliciter la mise en place et le développement de structures sociales et d’activités économiques socialement utiles. Le concept de décroissance ne dit rien de l’organisation politique qu’il suppose. Ainsi, certains écologistes peuvent-ils appeler de leurs vœux une sorte de « dictature » écologiste censée forcer le respect de l’environnement. Plus largement, le concept de décroissance pourrait bien être revendiqué par des personnes porteuses d’une vision raciste, théocratique ou fasciste de la société. Actuellement, les contradictions internes du capitalisme et l’apparente absence de perspective révolutionnaire crédible font osciller la plupart des discours et mouvements écologistes entre deux pôles aussi utopiques l’un que l’autre : le « développement durable » (en clair, la croissance durable) et la décroissance sans sortie du capitalisme. Enfin, si le système capitaliste cherche à croître pour croître, il n’est pas plus pertinent d’y opposer une « alternative » qui consisterait à décroître pour décroître.

    L’enjeu est bien plutôt de ramener le niveau de production global sous le seuil de renouvellement des ressources naturelles, tout en garantissant l’égalité d’accès aux biens et aux services produits. Donc, la question fondamentale à nous poser pour espérer dépasser la crise écologique est de savoir qui décide de ce qui est produit, et de la façon de produire. La nécessaire diminution du niveau de la production impose donc à l’humanité de relever le défi de la démocratie directe car seules les populations, et non des acteurs privés en concurrence les uns avec les autres, auront réellement intérêt à dépasser la crise écologique. Mais cela suppose également de relever le défi de l’égalité car la seule façon de diminuer le niveau de la production sans léser quiconque suppose de couvrir les besoins de façon égalitaire.

    Ainsi, plutôt que la décroissance, nous revendiquons la socialisation de la production et du pouvoir de décision dans la société pour enfin rationaliser l’économie et satisfaire les besoins en fonction des ressources disponibles.

    Dans la nébuleuse de la Décroissance, nous reconnaissons qu’il y a d’authentiques progressistes ainsi que des combats, notamment celui de la lutte contre le harcèlement publicitaire, dans lesquels nous nous retrouvons. S’il existe une composante libertaire dans ce courant, il existe également une forte tendance étatique, dont le PPLD (Parti Pour La Décroissance), le journal droitier La Décroissance3, les fascistes « identiverts »… Si on voit apparaître des courants d’ultra-droite se revendiquant de la décroissance, c’est que la promotion du localisme à tout va est pour le moins ambiguë.

    Le contrôle de la démographie

    Face à la question de la limitation des ressources et aux problèmes de pollution environnementale due aux activités humaines, certains courants dits « néo-malthusiens » préconisent le contrôle des naissances afin de stopper l’accroissement de la population mondiale, voire de réduire sa taille. Ces théories sont dénommées ainsi en référence à Malthus, économiste du début du 19ème siècle. Selon ce dernier, la croissance de la population étant beaucoup plus rapide que celle des ressources, il fallait imposer un strict contrôle des naissances par des « vertus morales » et le mariage tardif, et un arrêt de toute aide aux plus pauvres dans le but d’accroître leur taux de mortalité.

    Nous ne pouvons qu’être en ferme opposition à ce qu’une partie de la population exerce sa domination en cherchant à maîtriser le taux de reproduction d’une autre partie de la population. Toutes les applications actuelles et passées de politiques de contrôle des naissances montrent clairement des pratiques inégalitaires, autoritaires, voire dictatoriales. Elles ont pu prendre le visage de larges campagnes incitant à la contraception menées par les pays riches dans les pays dits en voie de développement, de prises obligatoires de contraceptifs, d’amendes en cas de naissance, mais aussi de stérilisations forcées et d’avortements contraints.

    Les raisons idéologiques sous-jacentes se sont révélées plus ou moins ouvertement racistes, ethniques, théocratiques, fascistes, ou eugénistes. Les considérations écologiques ont pu servir de paravents à des craintes d’ordre identitaires et racistes, avec une peur de l’«invasion » de populations désignées comme étrangères et possédant des taux de natalité plus élevés, que cela soit par migration, par des guerres, ou encore par l’accaparement des ressources disponibles. Sous couvert de la limitation des ressources, certains gouvernements ont appliqué des politiques ethniques, religieuses ou de contrôle social pour réduire la croissance démographique de minorités ciblées ou pour limiter les dangers d’explosion politique liée à la pauvreté. L’idéologie eugéniste caractérisée par la crainte d’une dégradation de la « qualité de la population » s’est concrétisée par des stérilisations forcées massives de « pauvres », de « délinquant-e-s », d’homosexuel-le-s, de personnes handicapées, ou encore présentant des affections psychiatriques.

    Quant au concept même de vouloir réduire la population pour diminuer la consommation des ressources et la pollution, il omet de prendre en considération de nombreux facteurs. En effet, les niveaux d’exploitation des ressources disponibles et de la pollution ne dépendent pas que de la taille de la population, mais aussi des modes de consommation, de production, de transformation, d’acheminement, des pressions agro-industrielles… La structure d’âge de la population, sa manière d’occuper l’espace, la répartition territoriale des ressources sont des exemples d’autres éléments rentrant en jeu. Ainsi, non seulement une diminution de la population n’entraînerait pas de façon systématique une diminution de l’exploitation des ressources, mais qui plus est aucune étude scientifique n’a jamais montré que la population humaine est trop nombreuse compte tenu des ressources planétaires.

    Les politiques malthusiennes s’inscrivent dans le système de domination patriarcale en ciblant majoritairement les femmes. Ces dernières sont réduites à la fonction de procréation qui, dictée par des campagnes politiques, interdite par des mesures coercitives, ou encore supprimée par des atteintes corporelles ne leur appartient même pas.

    Pour nous, les enjeux environnementaux ne peuvent aucunement se résoudre en imposant autoritairement une quelconque limitation des naissances. De plus, le contrôle démographique n’est pas une solution en soi aux problèmes écologiques. A l’inverse, nous pensons que la prise en charge directe par les populations des questions économiques et sociales pour organiser la répartition égalitaire des richesses produites en tenant compte des ressources disponibles pourra répondre au plus près aux besoins de tous et toutes. Nous savons qu’à l’échelle de la population, le taux de natalité est influencé par le niveau de vie et l’organisation sociale. En rupture avec les discours religieux, patriotiques et natalistes, nous revendiquons un accès libre et gratuit à la contraception permettant le choix émancipateur d’avoir un enfant ou non, au moment souhaité. Dans ces conditions, nous pensons que la volonté de dépasser la crise écologique n’est pas une entrave au choix individuel d’avoir un, plusieurs, ou pas du tout d’enfant.

    Promotion et massification des alternatives en actes

    S’il n’existe pas d’organisations politiques qui portent exclusivement cette option politique, elle se retrouve de façon relativement diffuse notamment dans le milieu libertaire. En effet, un nombre important de camarades pensent que développer des projets alternatifs suivant les principes libertaires permettra de créer une rupture révolutionnaire.

    Pour nous, la promotion et le développement des alternatives autogestionnaires / écologistes / … en actes, s’ils sont nécessaires, ne peuvent constituer à eux seuls une stratégie centrale pour les communistes libertaires car :

    • ces alternatives en actes demandent un investissement énorme pour un impact social limité ;
    • elles sont dans un contexte sociopolitique qui leur est très défavorable, ce qui entraîne de bonnes chances d’échec total ou partiel avec de la récupération, hiérarchisation, etc. ;
    • elles coupent de fait les militant-e-s qui s’y impliquent de la réalité sociale des exploité-e-s peu politisé-e-s ;
    • et surtout elles ne sont pas un affrontement direct avec la domination du Capital et de l’État qui s’accommodent assez bien de cette forme de contestation pas si politique que ça. Les dominant-e-s peuvent aussi instrumentaliser ces expériences pour « démontrer » qu’il est possible de vivre de manière plurielle voire radicale dans le régime capitaliste.

    Bien que les alternatives en actes soient riches, intéressantes, et parfois même exemplaires et à relayer, nous ne pouvons pas nous appuyer sur ces seules expérimentations pour aller vers une révolution sociale et libertaire.

    L’antispécisme 4

    Si la plupart des membres de ce courant politique ne limitent pas leurs actions aux problèmes environnementaux, ils-elles affirment souvent que leurs positions permettent de résoudre les difficultés pointées précédemment. Pour nous, l’antispécisme comme projet politique visant l’abolition de toutes formes d’exploitation des animaux, ne permet pas la résolution des problèmes environnementaux. Plus largement, ce courant politique n’est pas compatible avec l’anarchisme que nous défendons.

    L’élevage industriel d’animaux, principalement volailles et porcs, est largement néfaste : fortes émissions de gaz à effet de serre, d’azote, et consommation d’antibiotiques importante. L’abandon de ces filières et des modes de consommation qui y sont liés est indispensable pour la résolution des problèmes environnementaux. Pour autant, l’utilisation des animaux est pour nous indépassable, particulièrement dans une conjoncture de raréfaction des ressources fossiles. En effet, l’élevage permet d’améliorer la fertilité des sols, condition à l’obtention de rendements céréaliers et maraîchers à la mesure des besoins alimentaires. Il permet également un recyclage rapide de sous-produits alimentaires comme le son (résidus de la décortication des céréales). Il assure la production de produits textiles avec la laine et les cuirs… L’abandon de l’élevage et de ses fonctions entraînerait soit une plus grande utilisation des produits pétroliers (intrants chimiques et fibres synthétiques) soit une réduction très importante du volume de production alimentaire (chute des rendements céréaliers par manque de fertilisation et remplacement des cultures alimentaires par des cultures de fibres textiles).

    L’abandon de l’utilisation des animaux nous priverait d’une aide au travail importante pour le travail du sol, de la manutention d’objets lourds… que l’on ne peut compenser que par une augmentation de la consommation pétrolière. En effet, comment débarder un arbre d’une forêt sans utilisation de tracteur ?

    Pour les antispécistes, l’arrêt de l’utilisation des animaux vise à l’établissement de l’égalité de droits entre animaux humains et non-humains. Pour nous, l’égalité correspond à l’établissement d’une organisation sociale où le pouvoir décisionnel et l’accès aux ressources sont équivalents pour toutes et tous. Cette égalité dépasse la simple égalité de traitement et nécessite de faire société, c’est-à-dire de partager une histoire et un travail collectif dont la transmission intergénérationnelle assure l’autonomie des individus de la société, ce qui n’est pas le cas entre humains et non-humains. L’antispécisme traite les inégalités exclusivement via les discriminations, niant de fait l’établissement de structures sociales conduisant à une inégalité structurelle entre les individus d’une même société.

    Définissant la liberté et l’égalité exclusivement par les connexions entre individus et non au sein d’une structure sociale collective, l’antispécisme est pour nous d’essence libérale. Il est ainsi incompatible avec l’anarchisme que nous défendons, qui vise l’établissement d’une société d’égalité politique et économique où la liberté est la même pour toutes et tous puisqu’elle ne peut exister réellement dans des rapports sociaux inégalitaires. Loin d’être anecdotique, la définition de la liberté et de l’égalité en dehors de la définition d’une société, est la base idéologique qui conduit une partie des partisan-e-s de l’antispécisme à assimiler l’élevage industriel à la Shoah, brèche pour la banalisation du génocide, le négationnisme, et l’intrusion de fascistes dans ce mouvement.

    Axes stratégiques sur la question environnementale pour la CGA

    Militant-e-s de la CGA nous affirmons que la question environnementale comme la question sociale ne peut se régler dans l’économie capitaliste et sous le joug de l’État. Comme sur la question sociale, nous pouvons agir dès à présent en augmentant le rapport de force pour imposer des conquêtes progressistes aux tenant-e-s du pouvoir. Pour résoudre véritablement les problèmes environnementaux, nous voulons la socialisation des moyens de production et l’organisation fédérale, conditions à la réorganisation sociale et écologiste de l’économie.

    La révolution sociale et libertaire est pour nous la seule option pour mettre fin aux dégradations environnementales. Il nous est possible aujourd’hui de pousser à l’intensification de luttes contre l’industrie nucléaire, contre les nouvelles extractions d’hydrocarbures (gaz et huile de schiste), imposer des restrictions à l’agriculture intensive, arrêter la mise en œuvre de grands chantiers inutiles et anti-sociaux…

    Il est important pour nous militant-e-s anarchistes de se porter sur ces luttes car bien que seule l’action révolutionnaire puisse résoudre l’intégralité des problèmes environnementaux et sociaux, il est urgent de mettre un coup de frein aux dégradations en cours si nous ne voulons pas d’un champ de ruine à moyen terme.

    En cela il nous semble nécessaire pour les anarchistes de s’emparer des questions environnementales et de s’investir avec d’autres dans les luttes « écologistes » quand cela permet de développer un rapport de force effectif tout en gardant notre discours spécifique.

    Nous allons développer à présent les positions et axes stratégiques de la CGA vis à vis d’un certain nombre de problématiques environnementales.

    Les luttes contre le nucléaire

    Les luttes anti-nucléaires font encore aujourd’hui partie d’un des axes fondamentaux du combat « écologiste ».

    Sur ce sujet la CGA affirme qu’il faut sortir du nucléaire immédiatement par la construction d’un rapport de force populaire pour l’abolition d’une industrie excessivement dangereuse et polluante et qui sert de paravent à l’armement militaire.

    Nous revendiquons :

    • le démantèlement de tout l’armement nucléaire ;
    • la mise en arrêt de fonctionnement immédiate de toutes les centrales de production et de recherche nucléaire ;
    • la dépollution des anciens sites nucléaires.

    L’industrie pétrolière

    Principale cause de l’effet de serre et responsable de nombreuses catastrophes écologiques (BP dans le golfe du Mexique), l’industrie pétrolière est au cœur du système économique capitaliste. Il est donc pertinent pour nous de développer des luttes qui limitent le développement de cette industrie, voire de la réduire.

    Aujourd’hui les entreprises capitalistes multinationales ont de grandes facilités juridiques pour être exemptées de responsabilité lors de grandes catastrophes écologiques (Erika, BP…). Aussi le développement des luttes pour que les pétroliers payent l’intégralité de leurs dégâts devrait limiter la reproduction de ces catastrophes, constituant un enjeu pertinent face aux capitalistes. Nous soutenons donc les luttes qui, suite aux dégradations environnementales, réclament que les pollueurs soient les payeurs.

    De plus, nous revendiquons dès aujourd’hui :

    l’arrêt de toutes nouvelles prospections d’hydrocarbure ;
    la gratuité des transports en commun, leur multiplication, et leur accessibilité au plus grand nombre ;
    la réorganisation des modes de déplacement.

    Sur le plus long terme, afin de réduire nos besoins en terme de dépenses énergétiques, il paraît nécessaire d’envisager un réaménagement du territoire. Celui-ci ne doit plus être adapté seulement à la consommation de masse dans les centres commerciaux et à l’acheminement des salarié-e-s sur leurs lieux de travail.

    L’aménagement du territoire doit être pensé pour diminuer les distances à parcourir par les populations pour accéder à leurs instances de décisions, de travail, d’approvisionnements en nourriture, en eau, etc. Nous devons d’une manière générale tendre vers le développement des circuits courts et vers un système énergétique décentralisé, basé sur les énergies renouvelables les moins néfastes possibles pour l’environnement à un endroit donné.

    Pour la biodiversité

    A l’échelle du monde, la diversité des écosystèmes et leur complexité sont largement en recul. En cause existent deux facteurs principaux, les rejets importants de substances toxiques issues de l’industrie et de la consommation ménagère et l’intensification en intrants chimiques de l’agriculture.

    Pour ce qui est des rejets toxiques, nous pensons qu’il faut imposer l’arrêt de l’utilisation des molécules polluantes de synthèse, ou a minima leur confinement strict, ainsi que l’arrêt de l’utilisation des OGM.

    Pour ce qui est de l’agriculture, nous pensons que l’universalisation de la culture biologique, c’est-à-dire sans intrants chimiques de synthèse, constitue un véritable progrès sur notre santé et la préservation de « l’environnement ». Mais déconnectée de revendications sociales, nous jugeons cette revendication contre-productive. Car en l’état de l’économie capitaliste, imposer la culture biologique induirait une augmentation des prix des produits alimentaires largement supérieure à l’inflation donc un appauvrissement des travailleurs-euses, puisque l’offre diminuerait avec une demande constate, les rendements « biologiques » étant en moyenne 30 % inférieurs aux conventionnels. Nous pensons donc qu’il faut coupler la revendication de la culture biologique à des revendications sur les prix des denrées alimentaires avec, par exemple, leur plafonnement et une indexation inférieure ou égale à l’inflation du tiers des plus bas salaires ou du RSA, ou sur tout autre indice représentatif de l’évolution de la richesse des classes populaires. Sans être dogmatique, il s’agit là de rechercher une revendication mobilisatrice et progressiste de manière pratique.

    La mise en culture biologique, bien que représentant majoritairement un progrès « écologique », ne garantit pas de certaines dégradations agricoles induites par des problèmes de structures. Par exemple, le développement de grands bassins de production avec un très faible niveau d’intégration entre l’élevage et les cultures entraîne entre autre une proportion très élevée des nitrates dans l’eau, la rendant impropre à la consommation. Seule la gestion collective des terres, par une approche globale de l’agriculture dans son environnement, peut éviter ces problèmes en prenant en compte l’ensemble des avantages et inconvénients des productions.

    Pour lutter dès aujourd’hui contre l’appauvrissement des écosystèmes et les pollutions agricoles et industrielles, nous revendiquons :

    • l’arrêt de l’utilisation de toutes les molécules diagnostiquées comme dangereuses et le renforcement des dispositifs d’homologation ;
    • l’arrêt de l’utilisation des OGM ;
    • l’universalisation de la culture biologique et le plafonnement des prix alimentaires ;
    • l’augmentation des prix d’achat des produits agricoles et l’amélioration des conditions de travail des ouvrier-es agricoles.

    Plus généralement, militant-e-s de la CGA, nous pensons que les luttes écologistes doivent se lier aux luttes sociales car elles ont toutes deux pour but de réduire l’impact néfaste du Capital et de l’État sur nos vies. Ce lien est d’autant plus important que certaines luttes écologistes à elles seules sont facilement manipulables et/ou récupérables par des partis bourgeois et étatistes.

    Évidemment, le mouvement fasciste s’illustre lui aussi dans la récupération de certaines luttes écologistes, la mouvance au sens large en ce qui concerne la défense du droit des animaux et le courant plus spécifiquement identitaire se raccrochant à une vision de  »défense des terroirs  » et des traditions excluant tout ce qui y serait étranger (humains ou cultures non européennes).

    Ces revendications, bien que limitées, sont pour nous un progrès social effectif sur le champ des enjeux environnementaux. Outre un progrès immédiat, nous pensons que porter des axes revendicatifs immédiats est indispensable à la construction d’un rapport de force populaire qui s’oppose aux forces capitalistes et constitue l’embryon de la révolution sociale, libertaire et écologiste de demain.

    Coordination des Groupes Anarchistes
    Janvier 2014

    Notes :

    1. : Groupe d’Experts Intergouvernementales sur l’évolution du Climat, mandaté par l’ONU sur les questions climatiques.

    2. : Nous pensons entre autre au WWF, la LPO, Greenpeace, etc.

    3. : Les rédacteurs-trices contesteraient cette appellation, mais pour nous ce journal comporte de nombreux articles visant à définir les « bons » comportements d’un-e décroissant-e, véritable catéchèse verte. Parmi les multiples articles politiquement douteux, nous retenons le numéro de décembre 2012 en plein débat sur le Mariage pour toutes et tous qui n’avait sur ce sujet qu’une seule brève relatant un fait divers aux USA, parlant d’un couple de lesbiennes ayant permis à leur fille trans de prendre un traitement pour retarder sa puberté, et les présentant comme ayant castré chimiquement un garçon d’une dizaine d’année. Rivarol n’aurait pas fait mieux…

    4. Pour un développement plus approfondi du clivage entre notre anarchisme et l’antispécisme, se reporter aux textes sur l’antispécisme disponibles sur le site de la CGA dans le thème « écologie ».

  • Luttons contre le harcèlement et toutes les violences patriarcales !

    02 Déc 2017

    La CGA tient à saluer les mouvements des femmes, trans et personnes impliquées dans la récente libération de la parole qui s’est mise en place pour dénoncer le harcèlement, les agressions sexistes et l’injonction à l’hétéronormativité. Ces dénonciations, notamment à travers les réseaux sociaux, et leurs traductions par des actions dans la rue, ont ainsi permis une reconnaissance publique des violences et de leur ampleur, ont mené à des mesures concrètes, en particulier vis-à-vis des agresseurs, et auront certainement d’importantes répercussions sociales.

    Une petite avancée est l’utilisation de plus en plus fréquente du mot « féminicide » jusque là complètement occulté et qui permet de bien définir la raison pourtant évidente de meurtres de femmes commis par des hommes « uniquement parce ce que celles-ci sont des femmes ».

    Les violences de genre, contre les femmes, les gays, lesbiennes, bisexuel-le-s, les personnes trans et toutes celles ne se reconnaissant pas dans un genre masculin ou féminin, découlent du système de domination hétéro-patriarcal qui caractérise la société. Ce système induit un continuum de violences (harcèlement moral et sexuel, agressions, viol, etc. ) et d’inégalités (économiques, sociales, politiques) qui se renforcent les unes les autres.

    Le gouvernement, malgré sa communication en faveur de l’égalité hommes-femmes et contre les agressions sexistes, perpétue et renforce ce système. Par exemple, en détruisant le code du travail et les prud’hommes, en facilitant les licenciements et les baisses de salaire, il généralise la précarité et l’instabilité de l’emploi. Ces attaques toucheront en premier lieu les femmes, qui occupent la majeure partie des emplois précaires, et dont les salaires sont toujours très inférieurs à ceux des hommes. La suppression des CHSCT, et les modifications du financement des expertises limiteront sans aucun doute les enquêtes contre les violences à leur encontre sur le lieu de travail. Avec ces mesures, les femmes seront davantage soumises aux pressions et aux violences, que ce soit sur le lieu de travail ou dans la sphère conjugale et familiale.

    De plus, le démantèlement des services publics (santé, éducation, justice, etc.), la fermeture des centres IVG, la baisse générale des subventions aux collectivités locales et aux associations, ainsi que le manque de moyens alloués à celles luttant pour les droits des femmes et contre les violences à leur égard, vont encore venir entraver leur accès à la santé, à un accompagnement social ou à une écoute.

    S’il faut dénoncer et lutter contre les violences dans l’espace public, rappelons également que la majorité des violences sont perpétrées dans l’entourage familial, conjugal et/ou proche, contrairement aux idées reçues et largement véhiculées, qui relèguent ces violences à certains lieux extérieurs ou à certains milieux socio-culturels.

    À la culture du viol, nous opposons la culture du consentement. La CGA soutient l’auto-organisation des luttes des femmes et personnes trans, et lutte contre toutes les formes de domination et d’exploitation.

     

     

    Relations extérieures de la CGA,

    Le 2 décembre 2017

  • L’internationalisme

    20 Nov 2017

    Contre les frontières, contre le nationalisme

    Notre opposition aux frontières et au nationalisme s’appuie sur plusieurs constats :

    D’abord le rôle concret et réel que jouent les frontières, dans le dispositif du pouvoir actuel : fragmenter l’espace, délimiter les espaces de contrôle, empêcher la libre circulation des personnes, définir « l’autre », « l’étranger », et ainsi opposer, mettre en concurrence les travailleuses et les travailleurs, pour tenter de substituer à l’antagonisme de classe un antagonisme national. Les frontières sont la matérialisation de la domination d’un pouvoir sur un territoire, mais surtout, sur les êtres humains qui habitent ce territoire. Dans la période contemporaine, ce pouvoir exerçant le contrôle des corps et de la vie sociale sur un territoire, c’est l’État.

    La forme la plus commune d’État, celle qui est du moins considérée largement comme « légitime » selon l’idéologie dominante, c’est l’État nation, qui repose sur l’idée que ce qui fonde la légitimité d’un État, c’est qu’il émane d’une nation donnée, et que toute nation a droit à l’autodétermination, à l’indépendance.

    Cette auto-détermination et cette indépendance se matérialiseraient par la construction d’un État distinct, contrôlant le territoire correspondant au territoire historique sur lequel la nation s’est formée.

    Dans la pratique, cette construction idéologique permet aux classes dirigeantes d’exercer leur contrôle sur une partie du territoire mondial, de mobiliser les classes populaires au service de leurs intérêts, dans un contexte de compétition internationale entre les différentes fractions de la bourgeoisie. Cette idéologie permet également de mobiliser les classes populaires dans des expéditions guerrières ou dans leur soutien.

    La « nation », une construction historique et idéologique

    Toute « nation » est une construction idéologique, qui repose sur la création d’une histoire commune, à partir de la sélection de faits historiques selon une grille permettant de créer une continuité et une unité historique factice d’une population donnée (la fameuse « communauté de destin »), qui écarte tous les faits historiques allant à l’encontre du mythe national.

    La construction idéologique qu’est la nation repose sur la négation en dernière instance de toutes les différences, tous les antagonismes sur un territoire donné : négation de la pluralité des cultures, négation de la lutte des classes, négation des rapports de dominations et d’oppression.

    La division de l’espace terrestre en États-nation est une construction historique allant de pair avec le développement historique du capitalisme et de l’État. Elle est l’outil que mobilisent les classes dirigeantes pour centraliser le pouvoir dans le cadre étatique : que la « souveraineté nationale » s’exprime par voie électorale ou soit autoproclamée par un régime nationaliste, c’est sur ce socle idéologique que se forge la domination politique de l’État, et des classes dirigeantes qui le composent.

    La Nation, quelle que soit la taille du territoire sur lequel elle prétend exister, est une construction idéologique uniformisatrice : cette uniformisation est en fait la domination d’une culture et d’une langue (écrasant les langues et les cultures populaires), et des intérêts de la bourgeoisie.

    Ni uniformisation culturelle, ni « identité » culturelle imposée et exclusive

    Nous refusons les logiques politiques nationalistes qui, prétendant s’appuyer sur la diversité des langues et des patrimoines culturels, construisent en réalité un mythe fondé sur la pureté et « l’autarcie culturelle » afin d’en faire un objet d’opposition entre les exploité-e-s.

    De même, nous refusons les discours qui s’appuient sur le « relativisme culturel » ou la « tradition et l’identité culturelle ou nationale » pour justifier la domination car l’entraide, le refus de l’exploitation et de la domination est une tendance présente dans toutes les sociétés humaines et à toutes les époques : c’est notre culture « commune », universelle.

    Il ne s’agit pas d’une parodie d’universalisme imposant les valeurs occidentales comme étant universelles. Au contraire, notre culture se fonde sur le constat de la réalité de la lutte menée par l’ensemble des exploité-e-s : de l’ouvrière chinoise au travailleur algérien, du paysan mexicain au prolétaire guinéen, des classes populaires de France à celles de Turquie…

    La lutte contre l’uniformisation culturelle passe par la remise en cause de la nation, véritable machine destructrice de toute diversité culturelle, par le refus de toute culture imposée au nom de l’État. Ainsi, le fédéralisme libertaire nous paraît concilier la possibilité de l’existence de multiples cultures, de leur brassage, sans qu’une seule soit imposée aux individus par un pouvoir politique.

    Notre anticolonialisme

    Nous nous opposons aux logiques impérialistes coloniales et néocoloniales, légitimant de fait les discours racistes, les opérations militaires, le pillage organisé des ressources naturelles par l’alliance entre bourgeoisies occidentales et leurs relais à la tête des États des « anciennes » colonies, en Afrique, Amérique latine, au Proche orient ou en Asie.

    Quelle que soit l’opposition de façade qui existe entre les États occidentaux et la classe politique des « anciennes » colonies, celles-ci entretiennent des liens de dépendance mutuelle et de solidarité en dernière instance contre les populations exploitées.

    Les luttes anticoloniales ont mené à un redéploiement de la structure de domination coloniale, qui s’est traduit par le passage d’un mode de domination direct, (coûteux pour la bourgeoisie en moyens militaires et sur le plan politique) à un mode de domination indirect, fondé sur le soutien ou sur la mise en place de classes dirigeantes « nationales », exerçant le pouvoir dans l’intérêt des anciennes métropoles. La mondialisation capitaliste a par ailleurs maintenu dans un état de dépendance politique les États devenus formellement indépendants sous la pression des luttes anticolonialistes.

    L’indépendance « formelle » ne s’est donc pas traduite par une indépendance réelle : dans nombre d’anciennes colonies, les anciennes puissances coloniales conservent une présence militaire et placent à la tête de celles-ci des dirigeants servant leurs intérêts. Dans tous les cas, l’organisation capitaliste internationale maintient les populations de ces États dans une situation de domination économique.

    L’illusion de la « libération nationale »

    Cette situation doit amener à souligner l’illusion que constitue l’amalgame entre luttes dites « de libération nationale » et lutte anticoloniale. On peut faire le bilan de l’impasse créée par les approches de la lutte en terme de « libération nationale ».

    D’abord parce qu’aucune « indépendance » n’est réellement possible dans le système capitaliste mondialisé, parce que celui-ci est fondé sur l’impérialisme, les fractions de la bourgeoisie dominante cherchant à s’approprier les ressources de la planète par tous les moyens.

    Ensuite parce que la « libération nationale » enferme la lutte anticoloniale dans un cadre interclassiste, et place des classes dirigeantes en formation, dans une position de pouvoir en remplaçant formellement les colons, sans pour autant supprimer le rapport d’oppression coloniale et capitaliste.

    La bourgeoisie coloniale occidentale a ainsi pu saisir la notion de « libération nationale » pour éviter une remise en cause radicale de l’ordre économique international, en trouvant dans les élites « indépendantistes » de nouvelles classes dirigeantes permettant de continuer, sous une autre forme, le rapport d’exploitation et d’oppression initiée lors de la période coloniale.

    Le néo-colonialisme consiste justement à intégrer au système capitaliste la majorité des nouvelles classes dirigeantes des populations désignées auparavant comme « indigènes », tout en conservant une large part des rapports sociaux colonialistes fondés sur « l’indigénat »

    Notre conception de la lutte anticoloniale est une lutte qui affirme et soutient le refus du système de domination raciste qu’est le système néocolonial.

    Dans le même temps, nous affirmons notre conviction que ce système ne reculera pas à travers la reproduction des structures étatiques, de la logique nationale, et du développement de structures capitalistes, parce que celles-ci ne peuvent garantir que le statu quo de la domination.

    Nous refusons la volonté d’amalgamer luttes anticoloniales et « libérations nationales ». Car si nous constatons que les nécessaires luttes contre le système colonial se sont faites sous cet étendard, nous pensons qu’il convient d’en faire le bilan politique en séparant ce qui relève de la lutte émancipatrice (la légitime lutte et la légitime révolte des colonisés), de ce qui relève de la stratégie et des perspectives politiciennes.

    C’est sur le terrain de la solidarité internationale des classes populaires et des exploité-e-s, et non sur la fiction interclassiste de la « libération nationale » que reculera le rapport d’exploitation (néo) colonialiste.

    La CGA se place dans une perspective résolument internationaliste

    Les phénomènes politiques ne peuvent se concevoir qu’à la seule échelle des États et territoires, mêmes s’ils ont des déclinaisons spécifiques selon les espaces territoriaux sur lesquels ils se développent.

    Notre refus de la domination ne s’arrête pas aux frontières que nous impose l’État français. Bien au contraire nous nous reconnaissons dans les luttes populaires que mènent les opprimé-e-s et les exploité-e-s aux « quatre coins du globe ».

    Notre internationalisme se concrétise chaque fois que nous faisons connaître localement les luttes des compagnons et compagnes anarchistes. L’expérience de la commune libertaire de Oaxaca depuis 2006, les tentatives de révolte d’une partie de la population en Grèce fin 2008, l’action des compagnons anarchistes contre le mur en Israël, sont quelques exemples du travail de relais et de soutien que nous avons pu mener au sein de la CGA.

    Notre internationalisme se vit aussi au quotidien à travers notre investissement militant dans les luttes de sans-papiers en tentant d’insuffler, les mots d’ordre fédérateurs et internationalistes que sont la régularisation de tous les sans-papiers et la liberté de circulation et d’installation.

    Solidarité internationale des travailleuses et travailleurs

    A la fiction de la « Nation », nous opposons la solidarité internationale des travailleuses et travailleurs, des exploité-e-s, des dominé-e-s. Nous pensons que nos intérêts sont les mêmes au-delà des frontières, et que celles et ceux qui veulent nous faire croire le contraire ne servent en définitive que les intérêts des puissants, et aboutissent à la reproduction des rapports de dominations. Nous entendons, à la mesure de nos moyens, contribuer à la solidarité internationale des exploité-e-s, conscients qu’un coup porté contre l’un-e ou une partie d’entre nous est un coup porté contre toutes et tous.

    Coordination des Groupes Anarchistes,
    Texte adopté lors du 4ème Congrès, les 3, 4 et 5 avril 2010

  • Nouvelle attaque fasciste sur une soirée militante : solidarité !

    27 Oct 2017

    Le vendredi 20 octobre à Chambéry, le groupe local de la Fédération Anarchiste organisait sa soirée de rentrée militante.
    Vers 21h15 un groupe de 10 à 15 militants d’extrême-droite ont attaqué le bar où se déroulait celle-ci. Grâce à une belle résistance collective, les fascistes sont vite repartis.
    Nous tenons à apporter toute notre solidarité envers les personnes visées et attaquées lors de cette soirée militante.
    Cette attaque s’inscrit dans une période délicate où les attaques antisociales (loi travail, attaque du système de solidarité), les lois sécuritaires (état d’urgence dans le droit commun), la chasse aux migrant-e-s et à leur soutien se multiplient et libèrent la parole et les actes racistes, xénophobes, violents sur tout le territoire.

    Et derrière les mots, il y a les actes !

    L’attaque de Chambéry en est la preuve et ce n’est pas la première fois que des militants d’extrême-droite s’en prennent physiquement à des militant-e-s, à des lieux associatifs ou à des personnes racisées :

    • L’année dernière, la librairie la Plume Noire autogérée par les militant-e-s de la Coordination de Groupes Anarchistes avait été attaquée par une vingtaine de fascistes armés de casques et de barres de fer. A Lyon, toujours, les groupuscules d’extrême-droite ouvrent en toute impunité des locaux, des commerces qui servent de lieu de diffusion de leur idéologie haineuse et de lieu d’entraînements pour de futures attaques (voir cartographie de l’extrême-droite à Lyon) ;
    • À Rennes, au mois de février dernier, rue Saint-Michel ce sont des clients de 2 bars qui se font chargés par des nationalistes nantais.
    • À Marseille, au mois de mars dernier, c’est un militant actif de la lutte antifasciste qui a été poignardé à son domicile ;
    • À Nantes, le 7 mai dernier, ce sont 2 militants s’opposant aux résultats des élections présidentielles, qui ont fait les frais de la violence d’extrême-droite ;
    • À Montpellier, c’est un local d’une association d’aide aux migrant-e-s qui a été saccagé en juillet dernier ;
    • La liste d’agressions et de coups de pression des militants fascistes pourrait s’étendre sur plusieurs pages.

    Des militants fascistes prêts à passer à l’acte

    Et derrière ces agressions de groupes, l’endoctrinement idéologique et les entraînements quasi-militaires, émergent des projets d’attaques d’une envergure plus grande.
    La preuve en est la mise en examen récemment de 8 militants fascistes qui prévoyaient des attaques ciblées contre des lieux ou des personnes. L’un d’entre eux, bien connu des militants antifascistes, était un fervent admirateur d’Anders Breivik qui avait tué 77 personnes en juillet 2011 en Norvège.

    Organiser la solidarité et la riposte antifasciste

    Le groupe de la Fédération Anarchiste de Chambéry organise une manifestation le samedi 28/10 à 14h (place de la mairie) et appelle à la riposte populaire face à ces attaques.

    La Coordination des Groupes Anarchistes soutient cette initiative et sera présente aux côté des camarades de Chambéry.

    Nous pointons la nécessité d’une riposte d’ampleur face à ces attaques et à la mise en place d’un travail de fond sur la montée en puissance de ces groupuscules à mettre en lien avec les attaques capitalistes que nous subissons de plein fouet.

    Relations extérieures de la CGA,
    le 27 octobre 2017

  • Existrans – Face à la transphobie : organisons la résistance !

    20 Oct 2017

    Le 21 octobre aura lieu la 21ème marche Existrans, marche de revendication pour les droits des personnes trans. Cette marche compte défendre l’autodétermination des personnes trans et/ou intersexes et dénoncer le piétinement de leurs droits et de leur santé depuis des décennies.
    Cette marche est également l’occasion de rappeler notre soutien à Kara, jeune femme trans emprisonnée depuis le 26 mai 2016. Notre camarade a été injustement condamnée à 4 ans d’emprisonnement, victime d’un procès politique, suite à sa participation au mouvement social contre la loi travail et aux manifestations contre les violences policières. Emprisonnée en quartier d’isolement, qui plus est dans une prison pour hommes, elle a été privée pendant de longs mois de son traitement hormonal. Son identité de genre est totalement niée. La Coordination des Groupes Anarchistes exige la relaxe immédiate de notre camarade et de tous les inculpés du procès de la voiture brûlée. La CGA appelle également à la solidarité avec toutes les personnes trans incarcérées.

    Une transphobie d’État et quotidienne

    Si la circulaire de février 2017 sur le changement de prénom constitue une certaine avancée dans la mesure où cette procédure est déjudiciarisée, elle transfère aux officiers d’état-civil une part d’arbitraire dans l’appréciation de « l’intérêt légitime » des personnes trans à obtenir gain de cause. Par ailleurs, le changement d’état-civil, bien que démédicalisé en théorie par la loi « justice du XXIe siècle », reste une procédure judiciaire. La nouvelle législation est donc une loi a minima qui ne satisfait toujours pas à la revendication d’une procédure libre et gratuite en mairie. La lutte doit continuer !
    Ces mesures en demie-teinte reflètent l’influence et la pression du camp de la bourgeoisie réactionnaire, représenté entre autres par la « Manif pour tous » et les « anti-gender » qui ciblent de manière explicite les personnes trans, notamment à travers des initiatives telles que Citzen go. Elles ne peuvent qu’encourager les actes homophobes et transphobes, au moment où les dirigeants de l’État envoient des signaux complaisants aux réactionnaires (déclarations d’Emmanuel Macron, report de la PMA).
    Les personnes trans, encore plus lorsqu’elles sont migrantes, sont obligées d’affronter de véritables entraves pour accéder aux traitements médicaux (notamment hormonaux et chirurgicaux) leur permettant de changer leur corps, ou encore pour procéder à un changement d’état-civil et se voir délivrer des papiers d’identité du genre dans lequel elles vivent.
    Cette transphobie d’État relaie et renforce la transphobie causée par un système patriarcal, qui perpétue l’idée qu’être homme ou femme est un fait de nature, causé par la génétique, alors qu’il s’agit de constructions sociales, de rapport d’oppression entre un groupe dominant et un groupe dominé.
    Cette transphobie ambiante engendre une situation de grande précarité pour les personnes trans, qui ont beaucoup de difficultés à trouver un travail ou à avoir un accès à la santé. Par ailleurs, les personnes trans subissent des violences, que ce soit dans la rue, au travail, dans la famille ou dans le couple, par la police, dans les prisons, etc.

    Contre la transphobie, luttons contre le patriarcat !

    Si nous soutenons les luttes pour des mesures législatives concrètes, comme un changement d’état-civil simplifié ou une meilleure prise en compte par les médecins, nous estimons que, seules, elles seraient insuffisantes, et qu’il est aussi capital de lutter contre l’ensemble du système patriarcal, pour en finir avec toutes les oppressions et violences qui en découlent : sexisme, homophobie et transphobie. Ce système de domination et d’exclusion renforce la précarité et les violences générées par toutes les formes d’exploitation et de domination qui traversent la société (exploitation capitaliste, racisme, etc.). Ainsi, il nous apparaît nécessaire de lutter contre tous les systèmes d’exploitation et de domination, pour l’émancipation de tous et toutes.
    En tant qu’anarchistes, nous pensons que seules les luttes auto-organisées, et l’autogestion nous permettront de sortir de tels systèmes, dont profitent celles et ceux qui ont intérêt à les préserver. Une telle auto-organisation ne peut être réellement effective qu’à condition que les personnes concernées puissent dès maintenant prendre pleinement leur place dans les organisations militantes de leur choix et dans les luttes. Par conséquent, nous nous engageons au quotidien contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie, le racisme, la domination étatique et l’exploitation capitaliste, et portons nos revendications de rupture, pour une société libertaire et égalitaire.
    Enfin, dans la continuité de la marche Existrans, nous appelons à se mobiliser le 20 novembre 2017, pour le Transgender Day of Remembrance (TDoR), journée internationale qui célèbre le souvenir des personnes trans assassinées à travers le monde, et à soutenir tout le reste de l’année les initiatives allant dans le sens de l’émancipation et de l’auto-détermination des personnes trans.

     

    Relations extérieures de la Coordination des Groupes Anarchistes,
    le 19 octobre 2017

     

     

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    Liens :

     

  • Pour faire plier le gouvernement : réussir le 12 septembre et… les jours suivants !

    04 Sep 2017

    Un communiqué fédéral de la CGA pour appeler à la grève et aux manifestations du 12 septembre

    A Montpellier, rendez-vous à 10h30 – Esplanade du Peyrou

    Après le simulacre estival de « concertation », les ordonnances sont tombées. Évidemment, pas de surprise : le gouvernement avait promis une modernisation du code du travail, on a effectivement la suite XXL du démantèlement de celui-ci.

    La baisse de popularité de Macron et sa clique doit urgemment se traduire par une confrontation sur le terrain social. La tâche est ardue car aux trahisons habituelles de certaines bureaucraties syndicales, vient de s’ajouter celle de FO. Par ailleurs, la France Insoumise de Mélenchon en posant ses propres dates de mobilisation, en essayant de prendre le leadership de la contestation sociale, tente de la dévier sur le stérile terrain politicien.

    La date du 12 septembre est donc capitale et doit être une réussite. Pour pouvoir donner des suites à la mobilisation, mobilisons-nous sur nos lieux de travail et de vie pour être massivement en grève et dans la rue ce jour-là. Mais nous savons aussi que les jours de grève isolés ne suffiront pas pour gagner et qu’il faut préparer une riposte sociale d’ampleur, avec des modes d’action (grèves sur la durée, blocage de l’économie) qui s’en prennent directement aux porte-monnaie des patrons.

    Pour cela, construisons l’unité à la base des syndicalistes et travailleurs et travailleuses combatif‑ive‑s. Faisons le lien entre les différents secteurs de la société laissés sur le bord de la route par l’État : chômeurs-euses, précaires, étudiant-e-s, etc.

    Pour ne pas s’enfoncer un peu plus dans le cauchemar capitaliste, fait de régressions sociales, de précarité, d’inégalités et d’état d’urgence permanent, la seule issue, c’est l’organisation sur des bases de classe et la lutte sociale !

    les Relations Extérieures de la CGA,
    le 3 septembre 2017

  • Face aux directives du gouvernement et au durcissement de la politique migratoire, amplifions la lutte !

    13 Août 2017

    Les 470 associations et collectifs impliqués dans le soutien aux migrant-e-s qui ont adressé un courrier le 15 juin au gouvernement demandant un changement de politique migratoire ont leur réponse : ce gouvernement n’entend pas améliorer la situation des personnes, mais vise au contraire à poursuivre la même politique que les précédents et à la durcir davantage :

    • renforcement des contrôles aux frontières, augmentation des moyens pour Frontex (agence européenne des garde-frontières et garde-côtes) et pour les « hotspots » (camps de contrôle aux frontières et à l’extérieur de l’Europe) ;
    • durcissement des procédures Dublin ;
    • accélération des expulsions…

    La chasse aux migrant-e-s

    Partout en France, la violence de l’État s’abat férocement. L’ampleur de cette répression ne permet pas de donner une liste exhaustive mais en l’espace d’une semaine, tout s’est accéléré dans la vallée de la Roya : 156 demandeurs d’asile ont été arrêtés et expulsés, et Cédric Herrou, qui les accompagnait, a été placé en garde à vue et mis sous contrôle judiciaire. Déjà poursuivi pour avoir pris des personnes migrantes en stop, il a vu dans la foulée sa peine se durcir en appel, passant d’une simple amende à 4 mois de prison avec sursis ! Si le message de l’État n’était pas assez clair, le président du tribunal s’est chargé de le préciser brutalement : « c’est une peine d’avertissement ». À Montpellier, 6 demandeurs d’asile soudanais ont été assignés à résidence puis expulsés vers l’Italie où leur sort demeure très incertain, suspendu à la menace d’un renvoi vers le Soudan.

    Des mineur‑e‑s isolé‑e‑s sont mis‑es à la rue, les migrant‑e‑s et leurs soutiens subissent quotidiennement des violences policières… Partout, les forces de l’État se déploient pour contrôler, chasser, enfermer et expulser les migrant‑e‑s.

    Le but de l’État n’est pas d’accueillir, mais bien de préserver ses intérêts économiques, son pouvoir, son autorité. Ainsi le gouvernement Macron continue d’alimenter la fabrique aux clandestin‑e‑s, sans droit ni titre, soumis‑es aux logiques mortifères des dirigeants et exploiteurs du monde entier.

    La mise à l’épreuve des solidarités

    Dénonçons les mensonges et doubles discours du gouvernement ! Ce qu’ils appellent « garantir le droit d’asile », c’est en réalité expulser à tours de bras. Leur « solidarité », c’est donner de l’argent à l’Italie et la Grèce pour la création de « hotspots » et autres prisons pour migrant-e-s, et aux pays tiers, tels la Turquie, le Maroc ou la Lybie, pour qu’ils contiennent les personnes migrantes loin de l’Europe.

    Les accords Dublin1 permettent de rendre impossible l’installation ici, en faisant croire que les personnes pourront être accueillies dans de bonnes conditions ailleurs. C’est faux ! Ainsi, l’Italie ne propose pas autre chose qu’une vie dans la rue et renvoie des migrant-e-s dans leur pays d’origine, quand bien même ces personnes ont fui pour échapper à la dictature, comme les exilé‑e‑s soudanais‑e‑s. Comble du cynisme, c’est désormais dans une Libye livrée au chaos que le gouvernement évoque d’effectuer son « tri » des réfugié-e-s, alors même qu’ielles y subissent la torture, l’emprisonnement, l’esclavage.

    Quant à l’Italie, sa réponse aux naufrages en Méditerranée est désormais de chercher à limiter l’action des bateaux de secours en mer des ONG, dans le seul but d’empêcher de nouvelles arrivées sur son territoire. Qu’importe que les gens y laissent leur peau…

    La stratégie des États, c’est aussi de casser les solidarités existantes à tous les niveaux. En coupant les vivres (baisse des APL, de l’assurance chômage, des remboursements de soins, etc.), en creusant les inégalités d’accès à la santé, à l’éducation, au logement, au travail, en criminalisant des pans entiers de la population, en entretenant les valeurs de mérite et de compétition, l’État préserve ses intérêts économiques, son pouvoir et nous précarise tou‑te‑s. Nous sommes tou‑te‑s concerné‑e‑s, alors ne nous laissons pas nous diviser !

    Devant l’État, il n’y a rien à négocier mais tout à arracher ! Seule la lutte collective paie !

    La solidarité avec les migrant‑e‑s et les luttes collectives existent bien aujourd’hui, et sont plus que nécessaires à renforcer pour inverser le rapport de force.

    Accompagner les migrant‑e‑s, faire pression sur les préfectures, être présent‑e‑s au tribunal, déposer les recours, se rassembler à l’aéroport pour éviter un renvoi, refuser d’embarquer dans un vol qui sert à expulser quelqu’un-e sont des actions à mener pour ne pas lâcher la lutte sur le terrain. C’est en menant collectivement ces mobilisations que nous aurons le plus de poids.

    Nous refusons leur logique de catégorisation des « bon‑ne‑s » migrant-e-s de celles et ceux à renvoyer. Les politiques migratoires sont un rouage du système capitaliste et de toutes les logiques de pouvoir et de profit, qui engendrent inégalités sociales, guerres, misère et exploitation à travers le monde. Les un‑e‑s les autres, nous ne subissons pas leurs conséquences avec le même degré de violence, mais pour lutter contre la précarité, le chômage, la misère, nous devons être tous et toutes solidaires face aux dirigeants et exploiteurs, ici comme ailleurs.

    Aucun être humain n’est illégal ! Libre circulation et installation de tous et toutes !

    Solidarité et luttes collectives face au capitalisme et aux États !

    Les Relations Extérieures de la CGA,
    Le 9 août 2017.

    1Les accords Dublin III signés par les états membres européens, rendent possible l’expulsion des réfugié-e-s vers le premier pays dans lequel ielles ont laissé leur empreintes en Europe. Cette procédure est largement utilisée en France.

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