Anticapitalisme

  • Covid-19 : Déconfinement, seconde vague, mutations et trêve estivale

    20 Avr 2020

    Alors que le gouvernement organise un déconfinement progressif pour le 11 mai, que penser des mesures envisagées ? Que sait-on de la contagiosité des enfants ? Quels enjeux autour du dépistage ? Que craindre des mutations futures du Covid-19 ? Passera-t-il l’été ? Et la deuxième vague ? Le point sur les connaissances scientifiques actuelles.

    Le gouvernement a annoncé un déconfinement général le 11 mai, avec une stratégie de sortie de confinement confirmant que la priorité c’est le maintien des profits, pas la santé de la population. Une seconde vague de contamination semble inévitable de l’aveu de certain·es spécialistes et rien ne semble indiquer pour le moment que le virus ralentirait sa progression une fois que l’hiver sera passé (n’en déplaise à Donald Trump). Une autre crainte qui est soulevée serait le taux de mutation du SARS-COV-2 qui annoncerait l’apparition d’une souche plus virulente que celle que nous vivons actuellement. Or le lien entre mutation (rapide ou non) du virus et sa virulence n’est pas avéré et ne fait pas nécessairement sens si l’on se réfère au processus de sélection naturelle de la théorie de l’évolution.

    Que penser de la stratégie de sortie de déconfinement annoncée par Macron ?

    Le nombre de nouvelles contaminations en France semble diminuer, nous avons dépassé le pic de l’épidémie depuis la semaine du 6 avril. Macron a ainsi annoncé un déconfinement pour le 11 mai.

    Il faut d’abord noter que le déconfinement aura lieu plus tôt pour bien des salarié·es, puisque maintenant il n’est plus question d’activités essentielles, mais d’activités qui peuvent fonctionner en respectant les gestes barrières. Autant dire que le travail va reprendre dans bien des entreprises dès la semaine du 20 avril, avec son lot de contagions, sur le lieu de travail ou dans les transports en commun. Nous renvoyons ici au communiqué général de l’UCL [1].

    Ensuite, il y a la question du matériel de protection : y en aura-t-il assez le 11 mai, et dès maintenant pour les secteurs qui reprennent ? On peut sérieusement en douter quand dans bien des hôpitaux l’accès au matériel est encore en tension.

    La réouverture des crèches, écoles, collèges, lycées a pris tout le monde de court. Il est admis que les enfants sont dans la majeure partie des cas asymptomatiques, donc que le virus n’est pas dangereux pour eux (moins de 10 enfants de moins de 15 ans sont morts du coronavirus dans le monde depuis le début de l’épidémie), bien qu’il se transmette très vite entre eux puisqu’il est difficile de leur faire respecter les gestes barrières.

    La réouverture des écoles

    La question encore en débat est de savoir s’ils sont contagieux, et cette question se pose globalement pour tous les porteurs asymptomatiques. Le professeur Raoult, encore lui, aurait pesé auprès de Macron sur la décision de rouvrir les écoles [2] (rappelons que Macron lui a rendu visite le 10 avril). Pourtant son étude sur le sujet ne dit que deux choses : que les enfants sont peu symptomatiques et que leur charge virale n’est pas supérieure à celle des adultes, ce qui ne veut pas dire qu’elle est inférieure !

    Les enfants pourraient donc attraper massivement le virus dans les écoles et le transmettre à leurs parents, grands-parents etc. Encore une fois le professeur Raoult privilégie la communication, sans la moindre base scientifique, avec des conséquences qui peuvent être dramatiques. Et Macron est bien content de trouver des arguments pseudo-scientifiques pour appuyer cette décision dont l’unique but est de renvoyer les parents au travail.

    Dans l’attente d’en savoir plus sur la contagiosité des enfants et des asymptomatiques en général, le principe de précaution aurait dû prévaloir : il aurait fallu laisser les écoles fermées, ce que quasiment tous les scientifiques recommandaient. Par ailleurs, les gestes barrières devront être respectés au sein des établissements, ce qui est plus que complexe et ne sera sans doute pas prêt pour le 11 mai.

    Le confinement prolongé des personnes âgées

    Le confinement sera maintenu pour les personnes « à risques ». Mais on ne sait pas par exemple à partir de quel âge il sera imposé : 70, 65, 60 ans ? Cela va avoir des conséquences pour les salarié·es âgé·es. Le conseil scientifique estime à 18 millions ces personnes à risque [3], donc ça n’est pas une petite question.

    L’épineuse question des tests et du dépistage

    Macron a annoncé un dépistage uniquement pour les personnes symptomatiques. Cette décision est évidemment guidée par le manque de capacité de production de tests. Dans tous les cas, il y a un consensus scientifique sur le fait que les tests des personnes symptomatiques sont presque sans intérêt, puisqu’on sait déjà qu’elles sont malades, les tests permettent juste de confirmer s’il s’agit du Covid-19.

    Il est indispensable d’embrayer sur un dépistage des personnes contacts de la personne infectée (famille, collègues, voisins etc.) pour déterminer s’ils sont malades avant que ne se présentent les symptômes, ce qui permet de gagner un temps précieux sur la propagation de l’épidémie. La question se pose par ailleurs de tester massivement certaines populations : soignant·es, enfants, population dans une zone « cluster », voire toutes les personnes souhaitant être testées.

    Pour autant, le gouvernement envisage une appli de contact tracing permettant de faire numériquement, et donc plus rapidement, les enquêtes de dépistage. Cela semble incohérent avec le fait de ne tester que les symptomatiques. Mais cela pose surtout nombre de question à la fois sur l’efficacité et sur le coût en terme de libertés individuelles [4] et nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain article.

    Macron a évoqué les tests sérologiques en expliquant que seule une petite partie de la population aura été infectée et sera donc immunisée, ce qui semble suggérer que ces tests sont inutiles. Le conseil scientifique évoque en effet une proportion d’immunisés « peut-être autour de 10-15% » mais sur la base des tests réalisés dans l’Oise et le Grand-Est, donc des régions très touchées. On est donc sans doute très loin, à l’échelle du pays, des 60% approximativement nécessaires pour atteindre l’immunité de groupe.

    Combien de temps est-on immunisé ?

    Rappelons par ailleurs que la durée de l’immunité est aujourd’hui inconnue, mais sans doute de l’ordre de quelques mois. Reste la question de déterminer la proportion d’asymptomatiques. La France ne va donc pas le faire, pour des raisons obscures, mais l’Allemagne est de toutes façons en train de mener des études sur le sujet. L’autre intérêt de ces tests sérologiques serait de pouvoir « utiliser » les populations immunisées pour des tâches auprès des malades, ce qui pourrait en particulier avoir un intérêt parmi les soignant·es et les personnels d’Ehpad. Là non plus, aucune annonce.

    Macron n’a rien dit de la chloroquine, à part que toutes les pistes étaient explorées, ce qui est cohérent avec, par exemple, l’étude Discovery de l’Inserm, qui teste 5 molécules.

    Un virus plus virulent n’est pas forcément plus dangereux

    En lien avec les interrogations autour de la deuxième vague, des craintes sur d’éventuelles mutations du virus s’expriment parfois. Le coronavirus SARS-COV-2, comme n’importe quel autre virus, mute en effet plutôt rapidement. Notons toutefois que, parmi les virus, le taux de mutation du SARS-COV-2 semble en fait plutôt bas : 2 mutations/mois en moyenne [5]. Mais il ne faut ici pas se tromper de question : l’enjeu n’est pas de savoir si une mutation rendant le virus plus virulent peut exister (la réponse est trivialement oui) mais plutôt de savoir si une telle mutation (plus virulente) possède une vraie chance d’être la gagnante du processus de sélection naturelle.

    En effet, les ressources à disposition du coronavirus – en l’occurrence, la population humaine mondiale – sont limitées, et la sélection naturelle pousse donc le virus à s’adapter pour survivre. Dit autrement, une mutation du virus qui le rendrait incapable de se propager, de contaminer de nouveaux humains, ou de se répliquer, disparaîtrait dès la guérison du premier cas contaminé. Au contraire, pour qu’une mutation ait le plus de probabilité de s’adapter et que sa fréquence dans la population de virus augmente, il faut que la mutation confère ce qu’on appelle un avantage sélectif : un meilleur taux de contamination, une réplication plus rapide, etc.

    En approchant ainsi la question, on comprend mieux pourquoi la virulence d’un virus, définie comme sa capacité à rendre l’hôte malade, voire à entraîner son décès, n’est jamais un avantage pour le virus lui-même. Un hôte malade va moins se déplacer, être moins en contact avec d’autres hôtes potentiels, et – dans le cas qui nous préoccupe – risque même de finir à l’isolement dans un service de réanimation. Tout le contraire d’une adaptation réussie.

    Une adaptation réussie, pour un virus, consiste au contraire à être le moins virulent possible, afin de passer inaperçu et de pouvoir tranquillement se répliquer et se propager. C’est d’ailleurs un des gros « avantages » du SARS-COV-2. Toutes les personnes porteuses du virus n’ont pas forcément de symptômes, ce qui facilite sa propagation dans la population.

    La virulence est, pour un virus, une conséquence secondaire indésirable. Quand celle-ci augmente, c’est qu’elle est liée à une autre propriété du virus qui, elle, est sélectionnée par l’évolution – comme par exemple le fait que le VIH, en se répliquant dans l’organisme, affaiblisse les défenses immunitaires.

    Or les mutations continues du coronavirus SARS-COV-2 n’ont pour l’instant aucune raison d’évoluer vers davantage de virulence ou de létalité : son « succès » est pour l’instant remarquable et très peu d’obstacles s’opposent à lui. Les virologistes et les épidémiologistes considèrent pour le moment qu’une « nouvelle souche plus virulente » n’a que peu de chance de se manifester dans un futur proche. Si évolution et sélection il doit y avoir à court terme, alors il faut plutôt s’attendre à ce que celles-ci poussent vers un meilleur taux de transmission (le nombre moyen d’individus que le virus contamine en une journée). En effet, le coronavirus est encore loin d’avoir infecté toute la population mondiale et, en un sens, baigne toujours dans une piscine d’hôtes potentiels. Une mutation qui lui permettrait d’accélérer sa propagation aurait, elle, pour le coup un vrai avantage sélectif.

    Une trêve estivale du Coronavirus ?

    De l’autre côté de l’Atlantique, Donald Trump a déclaré il y a plusieurs semaines que le virus ne pourrait pas survivre à l’été, appuyé par une poignée de scientifiques chinois, et faisant écho à la rumeur qui voudrait que le virus ne supporte pas la chaleur. Est-ce que le virus disparaîtrait effectivement en été, et quels sont les éléments à l’origine de cette hypothèse ?

    Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève, et l’infectiologue Anne-Claude Crémieux déclaraient déjà, en février, qu’il n’est pas possible de prédire si le virus sera ou non influencé par les saisons comme d’autres virus connus [6].

    Pour les autres virus, les raisons de cette saisonnalité sont multiples. Premièrement, ils se conservent mieux sur les mains et les surfaces inertes dans un environnement froid et sec comme l’avancent Olivier Schwartz, directeur de l’unité Virus et Immunité de l’Institut Pasteur, et Frédéric Tangy, responsable du laboratoire de génomique virale et vaccination à l’Institut Pasteur. Jeremy Rossman, professeur de virologie à l’université du Kent, au Royaume-Uni, ajoute que la durée d’ensoleillement en hiver provoque des carences en vitamine D et en mélatonine, et que l’air sec de cette période diminue l’efficacité du mucus nasal, ce qui affaiblit le système immunitaire et rend plus perméable aux virus et aux infections.

    Anne-Marie Moulin (chercheuse au laboratoire SPHERE du CNRS) explique que ce ne sont que des réflexions, par analogie avec des virus connus, sans recul sur le comportement propre au Covid-19. Il semblerait également que d’autres paramètres, comme le vent, influencent significativement la propagation à grande échelle ce qui complexifie l’analyse du comportement saisonnier des virus et des infections. Scott Dowell (épidémiologiste qui dirige le développement et la surveillance des vaccins pour la fondation Bill & Melinda Gates) déclare que la saisonnalité des virus n’est pas vraiment bien comprise et qu’il s’agit d’un axe de recherche majeure de l’épidémiologie.

    Pour le Covid-19, une étude de l’université de Beihang (Chine) du 3 mars 2020 indiquerait qu’un environnement chaud et humide accélère l’évaporation des microgouttelettes responsables de la propagation du Covid-19, ce qui ralentirait considérablement la contamination [7]. David Heymann, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, relativise en indiquant que les données propres à la pandémie que nous subissons ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions sur sa saisonnalité. De plus, des tests menés sur le coronavirus indiquent une résistance à la chaleur relativement élevée par rapport à d’autres virus [8]. Les auteurs rappellent par ailleurs que la contamination à Singapour, en Australie, ou encore sur le continent africain montre bien que le virus se propage quel que soit le climat. Lorsque les deux hémisphères du globe sont touchés, on ne peut pas attendre un effet significatif des saisons sur sa vitesse de propagation.

    En conclusion, on peut difficilement penser que l’été ralentira le virus, les différent·es intervenant·es scientifiques indiquent d’ailleurs que l’histoire ne compte aucune épidémie ou pandémie de grande ampleur qui se soit arrêté avec des changements de saisons [9]. Relâcher la vigilance sanitaire face au virus sous prétexte que la chaleur de l’été atténuerait sa propagation serait une prise de risque qui ne manquerait pas d’entraîner des conséquences désastreuses.

    Et la deuxième vague ?

    Le 23 janvier, la Chine déclarait le confinement de sa population suite à l’accélération catastrophique de l’épidémie de Coronavirus (Covid-19, SRAS-COV-2) notamment dans la province de Wuhan, considérée comme le premier foyer infectieux. Deux mois plus tard, le 25 mars, le déconfinement est amorcé, sauf pour la province de Wuhan qui a dû attendre le 6 avril. La presse relaie massivement le retour à une activité normale de la population de façon étonnement rapide sur l’ensemble du territoire. Cependant, une nouvelle augmentation du nombre de cas (55 nouveaux cas dans la province du Henan au nord de celle de Wuhan) fait craindre au gouvernement chinois l’arrivée d’une deuxième vague de contaminations à laquelle leur système de santé ne serait pas préparé.

    Ailleurs en Asie du Sud-Est, où l’épidémie semblait également contenue, une nouvelle explosion du nombre de cas a déjà poussé la Malaisie et Hong-Kong à relancer un plan de confinement. Cette réaction semble aller dans le sens des recommandations de l’OMS qui demande à cette région du monde de « mener une lutte violente contre l’épidémie » [10] afin de ne pas entraîner la chute de leurs systèmes de santé.

    Sur place, les expert·es comme Zhong Nanshan, chef de l’équipe d’experts chinois sur le Covid-19, considèrent qu’elle peut être attribuée à des voyageurs européens, ou au retour d’expatriés des pays concernés. Ils assurent que l’épidémie sera terminée en avril et que l’épicentre de la pandémie est d’ores et déjà aux États-Unis où le Covid-19 fait des ravages.

    Cependant, d’autres événements pourraient être à l’origine de ce rebond de l’épidémie. Un rassemblement religieux de 16.000 personnes à Kuala Lumpur aurait pu entraîner l’apparition d’un nouveau foyer infectieux et une résurgence de la contamination notamment en Malaisie. Cette nouvelle vague de contaminations interroge également sur le faible nombre de malades déclarés par la Birmanie et le Laos, pays frontaliers de la Malaisie, et donc la fiabilité de ces chiffres. Cependant, la raison de ce rebond du nombre de contaminations est plus probablement le pourcentage réduit de ces populations immunisées face au virus ou du fait de tests de mauvaise qualité qui auraient donné des faux positifs [11].

    D’autres explications épidémiologiques semblent davantage pertinentes [12].

    Benjamin Cowling, épidémiologiste de l’université de Hong Kong, considère une deuxième vague de contamination comme étant « totalement inévitable » et parle notamment de « propagation silencieuse » en faisant référence aux personnes contaminées mais asymptomatiques relâchées en masse après le déconfinement. Ma Jin, directeur de l’école de santé publique de l’université de Jiaotong de Shanghai, annonce lui aussi que « la lutte contre le coronavirus sera une bataille à long terme ».

    Matthieu Revest, de l’université Rennes-I, considère qu’une seconde vague de contamination est inévitable mais qu’elle sera moins intense que celle que nous vivons actuellement. Antoine Flahault et François Bricaire, chef du service des maladies infectieuses à la Pitié-Salpêtrière, indique pour exemple que la grippe espagnole a fait 50 millions de morts en 3 vagues sur 2 ans entre 1918 et 1919.

    Des simulations numériques prévoient déjà une deuxième vague de contaminations massives fin août en Chine si des mesures ne sont pas prises. En revanche, si le confinement était poursuivi jusqu’à la fin du mois d’avril, ce retour de l’épidémie pourrait être retardé de deux mois. Bien que ces modélisations aient leurs limites, elles semblent indiquer que le confinement, et les mesures sanitaires en général, ne doivent pas être interrompues au risque d’entraîner une deuxième vague de contaminations qui pourrait être très problématique pour nos systèmes de santé déjà en surchauffe.

    Concluons par cette étude récente de l’Inserm [13] sur différents scénarios de sortie de confinements en Île-de-France. Afin de repousser un nouveau confinement à janvier 2021, il faudrait que le contact tracing soit relativement efficace, et qu’on alterne des mesures « légères » (fermeture des écoles, confinement des séniors, télétravail privilégié) et « moyennes » (fermeture de la moitié des activités non essentielles etc). Autant dire qu’on est loin d’une telle stratégie.

    Groupe de travail Sciences de l’UCL, le 19 avril 2020

    [1] Communiqué UCL, « Macron prépare un déconfinement taillé pour le patronat », 14 avril 2020.

    [2] Marcelo Wesfreid et Tristan Vey, « Réouverture des écoles : Emmanuel Macron a-t-il été influencé par une étude de Didier Raoult ? », Le Figaro, 14 avril 2020.

    [3] « Coronavirus : 18 millions de Français à “risque” resteront confinés après le 11 mai », Les Échos, 15 avril 2020.

    [4] « Applis, drones… l’alibi sanitaire d’une surveillance généralisée », Alternative libertaire, mai 2020.

    [5] contre une toute les 6 heures pour des virus de la même famille : Nicolas Martin et l’équipe de La Méthode scientifique, « Coronavirus : la mutation continue », France Culture, 26 mars 2020.

    [6] « L’épidémie de coronavirus Covid-19 va-t-elle disparaître en avril grâce à la chaleur, comme l’assure Donald Trump ? », France Télévision, 12 février 2020.

    [7] Diminution du taux de reproduction R0, c’est-à-dire le nombre moyen de personnes contaminées par un porteur de la maladie, de 48% entre mars et juillet.

    [8] Le virus ne se dégrade qu’au bout de trente minutes à 56°C et en une dizaine de minutes à 65°C.

    [9] Exemple récent : le SRAS de 2002. L’épidémie a été évité en interdisant la consommation de civette (espèce réservoir de ce virus) et pas en attendant l’été.

    [10] « Coronavirus : nouvelle vague de contaminations dans des pays qui pensaient l’épidémie sous contrôle », Europe 1 avec l’AFP, 22 mars 2020.

    [11] Coralie Lemke, « Peut-on être contaminé deux fois par le coronavirus Covid-19 ? », Sciences et Avenir, 3 mars 2020.

    [12] Groupe de travail Sciences de l’UCL, « Trajectoires vers l’immunité de groupe : confinement vs laisser-faire », 12 avril 2020.

    [13] Laura Di Domenico, Giulia Pullano, Chiara E. Sabbatini, Pierre-Yves Boëlle et Vittoria Colizza, « Expected impact of lockdown in Île-de-France and possible exit strategies », Inserm, 12 avril 2020.


  • Covid-19 : Chronologie d’un désastre sanitaire

    17 Avr 2020

    D’après l’État, personne ne serait responsable de la crise sanitaire, personne ne pouvait prévoir cette pandémie. Pourtant, en étudiant de plus près la chronologie des réformes successives qu’a subit le service public de la santé, et les différents signaux d’alarmes qui remontent à 2006 avec les alertes qui ont suivit la grippe A-H5N1, le constat est sans équivoque. Ceux et celles au pouvoir depuis 15 ans avaient les informations depuis longtemps et n’ont fait qu’empirer l’état du système de santé en supprimant des milliers de lits et appliquant leur logique comptable sur l’Hôpital.

    Groupe de travail Sciences de l’UCL, le 16 avril 2020

    Sources de cette chronologie : Coronavirus : chronique d’une catastrophe annoncée, Les enragés de l’écologie le 5 avril 2020.

    (1) Lancement du premier système mondial d’alerte rapide pour les zoonoses

    (2) Plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale »

    (3) Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires

    (4) Réforme de l’hôpital : les mesures du plan Bachelot

    (5) Synthèse statistique : Recensement des respirateurs, lits et effectifs en unités de réanimation, unités de surveillance continue et salles de soins post-opératoires.

    (6) Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la stratégie à adopter concernant le stock État de masques respiratoires

    (7) Loi de modernisation du système de santé

    (8) Les capacités d’accueil à l’hôpital

    Personnels et équipements de santé (INSEE 2010)

    Personnels et équipements de santé (INSEE 2015)

    (9) Doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire

    (10) Global rise in human infectious disease outbreaks

    (11) L’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) : comment investir dans la sécurité sanitaire de nos concitoyens ?

    (12) Personnels et équipements de santé (INSEE 2015)

    Personnels et équipements de santé (INSEE 2020)

    (13) Industrie. Honeywell confirme la fermeture de l’usine de Plaintel : 38 emplois menacés

    (14) Fermeture de l’usine Luxfer à Gerzat (Puy-de-Dôme) : 136 emplois menacés

    (15) « Je félicite ceux qui avaient prévu » la pandémie « une fois qu’elle a eu lieu » : le Scud à peine voilé de Macron à Buzyn


  • Applis, drones… l’alibi sanitaire d’une surveillance généralisée

    15 Avr 2020

    Depuis le début du confinement, les gadgets et outils numériques brandis comme « solutions » de crise déferlent. Des drones aux applications mobiles de « santé », tout est bon pour tester… et espérer prendre des parts de marchés. Loin d’être des outils proportionnés et uniquement calibrés pour la crise, ils définissent une vision « solutionniste » du capitalisme qui se veut l’ultime remède à tous les maux.

    Les drones sont de sortie ! Toutes les options y sont : détection infrarouge, mégaphones embarqués qui somment les individus de rentrer chez eux, communication des positions des individus à la police, prise de température, etc. Les entreprises spécialisées dans la fabrication, le reconditionnement ou le traitement des données des drones n’ont pas loupé l’occasion pour faire du placement de produit auprès de la police et de gendarmerie [1]. Entre la collecte de données de terrain à grande échelle et les digues du respect de la loi qui ont sauté au nom de l’urgence sanitaire, chaque entreprise veut sa part du marché.

    Prenons l’exemple des opérateurs téléphoniques. Comment sait-on que la capitale a été désertée par 12% de ses habitantes et habitants ? Ce chiffre ne tombe pas du ciel, mais des antennes relais des opérateurs téléphoniques : il suffit de comptabiliser les connexions sur les bornes. Si ces données sont certes agrégées et anonymisées, nous ne doutons pas des parts de marché très lucratives que leur vente représente [2].

    Ces derniers jours, en prévision d’un éventuel déconfinement conditionné, l’idée qui monte en France est de lancer une application, StopCovid, sur l’exemple de TraceTogether développée par Singapour. Une fois installée sur son smartphone, StopCovid permettrait de signaler sa propre contamination au Covid-19 aux personnes côtoyées. La finalité, non garantie, de gagner du temps sur la propagation de la maladie, laisse des questions ouvertes : l’installation de l’application sera-t-elle consentie ou obligatoire ? Si le consentement est demandé, quelle est la garantie pour que la pression sociale et patronale n’en fasse pas une obligation ? Quid des personnes sans smartphone ? [3]

    Inutile de lister les dangers de ces outils pour gérer notre vie quotidienne. L’histoire nous montre bien que les mesures d’exception deviennent la règle une fois la crise dépassée : loi Renseignement, inscription de l’état d’urgence permanent dans la loi, fichage ADN, etc.

    « Il n’y a pas besoin de disposition législative »

    Les réponses combatives se font rares. Pis, le président de Reporters sans Frontières, Pierre Haski, est allé jusqu’à déclarer à la radio : « Les sociétés asiatiques se révèlent bien plus réactives que l’Europe pour adapter des technologies existantes à une nécessité urgente. Elles sont aussi plus tolérantes face à des technologies intrusives dans nos vies privées […]. Mais au milieu d’une pandémie comme le Covid-19, qui refusera qu’elles soient déployées si elles permettent d’en accélérer l’issue ? Il sera toujours temps de s’inquiéter après… » [4] La fin justifie les moyens ! À cela s’ajoute le « pragmatisme » de la Cnil, garde-fou des libertés numériques en France qui, à travers sa présidente Marie-Laure Denis, tente de nous rassurer : « Il faut aussi [que le suivi individualisé] respecte les principes de la protection des données : proportionnalité, durée de conservation, caractère provisoire, sécurité… Dans ce cas, il n’y a pas besoin de disposition législative » [5]. Difficile, même avec la langue de bois, de cacher que les lignes rouges seront franchies. Rappelons que la proportionnalité est une notion relative, laissant toute liberté au pouvoir de la définir à sa guise.

    La rhétorique est bien huilée. À chaque état de crise impliquant la sidération du plus grand nombre, la pensée dominante légitime la nécessité de serrer encore la vis. Apparemment, nous aurions du mal à comprendre que toute revendication de préserver nos libertés est au mieux naïve, au pire criminelle.

    « Dispersez-vous ! » Dans plusieurs villes, des drones de surveillance ont fait leur apparition au-dessus des rues vides…

    Dénoncer c’est bien, agir c’est mieux

    Avec un rouleau compresseur aussi puissant par sa pénétration dans les esprits, il est tentant de baisser les bras et de concentrer son énergie sur d’autres combats jugés plus aisés en période pandémique, comme la solidarité directe. Mais, ce faisant, ne serions-nous pas précisément en train de céder face à la propagande big-brotherienne, aux injonctions incessantes à la responsabilité individuelle ? Et si nous sommes déjà capables d’exprimer une telle résignation, comment pouvons-nous être certains que toute personne un minimum conscientisée refusera d’installer l’application pour tracer la propagation du virus ? Mais alors, comment se battre ? Peut-être en rappelant qu’encore une fois, l’essentiel est ailleurs : dans la responsabilité collective.

    Le code source de toute application de traçage doit être public (logiciel libre), le consentement doit être débattu et réfléchi collectivement afin de mieux peser le pour et le contre, les données récoltées doivent être mises hors des mains de l’État et du secteur privé, leur usage doit être limité dans le temps et décidé collectivement.

    Pour le pouvoir capitaliste de notre époque, la technologie doit pouvoir apporter une « solution » neutre et efficace à chaque problème de la société. Il faut refuser ce « solutionnisme » dépolitisant [6], car la technique n’est jamais neutre. Prendre le temps de faire ces rappels, d’en discuter avec nos proches, sans culpabilisation inquisitrice, permettra de déjouer le mécanisme d’intériorisation de la servitude volontaire.

    Commission Librisme de l’UCL

    [1] « Coronavirus : Two-i met sa technologie à disposition des acteurs étatiques », Le Journal des entreprises, 25 mars 2020.

    [2] « Orange recycle son service de géolocalisation pour la pandémie », La Quadrature du Net, 28 mars 2020.

    [3] « La crise sanitaire ne justifie pas d’imposer les technologies de surveillance », La Quadrature du Net, 8 avril 2020.

    [4] « Un bon usage de la technologie permet de lutter contre le coronavirus », France Inter, 24 mars 2020.

    [5] « Coronavirus : “Les applications de contact tracing appellent à une vigilance particulière” », Le Monde, 5 avril 2020.

    [6] Evgeny Morozov, Pour tout résoudre, cliquez ici  ! L’aberration du solutionnisme technologique, éditions FYP, 2020.


  • Macron prépare un déconfinement taillé pour le patronat

    14 Avr 2020

    Le 13 avril, Macron a annoncé le début progressif du déconfinement pour le 11 mai. Mais la manière dont il l’a fait révèle les contradictions typiques d’un État capitaliste qui constate qu’il est dépassé par la situation. Des contradictions qui auront de lourdes conséquences.

    D’un côté, Macron veut satisfaire le patronat et les économistes partisans de la « relance de la croissance » dans les plus brefs délais. D’autre part, il doit écouter les exhortations du corps médical à prolonger le confinement tant que le pays n’aura pas les moyens de pratiquer un dépistage massif.

    Le résultat est donc un compromis entre notre santé et les profits des entreprises : une réouverture des écoles pour permettre aux parents d’aller travailler… mais pas des cafés et des cinémas par exemple. Et des tests de dépistage pour les personnes présentant des symptômes… alors que le virus est fondamentalement propagé par les « porteurs sains » que sont les enfants et les personnes asymptomatiques !

    Résultat : l’épidémie repartira à la hausse. Le système hospitalier sera de nouveau débordé. Nous connaîtrons des périodes de reconfinement.

    Pas de stock de masques, pas de kits de dépistage, pas de capacités productives pour répondre aux besoins, une recherche scientifique qui doit rattraper des années de retard pour la validation d’un vaccin… Tout cela est la conséquence d’une économie capitaliste obsédée par le court terme, le flux tendu, le low cost, la course au profit.

    En plus de la crise sanitaire, le monde va devoir faire face à une crise économique gigantesque. Pour contrer cela, la solution promue par Macron n’est évidemment pas de tout remettre à plat pour changer la manière dont l’économie fonctionne, mais de tout faire pour relancer la machine et maintenir à un niveau acceptable les profits des actionnaires.

    Les remerciements hypocrites

    Le discours a démarré à 20h02, pour, d’après l’Elysée, permettre aux Françaises et aux Français d’applaudir les soignant·es. Et c’est ainsi que démarre le discours du Président, avec un « hommage » aux travailleuses et aux travailleurs en « première ligne », « deuxième ligne » et « troisième ligne ». Mais ces remerciements sont bien hypocrites. Les soignant·es, la « première ligne », dénonçaient massivement depuis un an l’effondrement de l’hôpital public, dans l’un des plus gros conflits sociaux qui a touché le secteur hospitalier. Les caissiers et les caissières, les éboueurs et les éboueuses, les travailleuses et les travailleurs sociaux, la « deuxième ligne », protestent depuis un mois contre leurs conditions de travail déplorables. Et les salarié·es confiné·es, la « troisième ligne » sont furieux de la gestion de la crise par le gouvernement.

    Des responsabilités non assumées

    Surtout, Macron a fait mine de reconnaître des manquements dans cette gestion de crise, sans en assumer la responsabilité. Les pénuries de masques, de tests et de gel hydro-alcoolique ne seraient que des hasards malheureux qu’il a fallu régler ! Alors que cela correspond à la politique de destruction de l’hôpital public, des réductions de dépenses publiques sur le dos de notre santé !

    Et l’irresponsabilité du pouvoir continue avec les perspectives de déconfinement. Le gouvernement nous avait déjà expliqué que le port systématique de masque était inutile, puisqu’il n’y avait pas suffisamment de masques. Maintenant, le port de masques devient utile, puisque des commandes vont arriver… mais ce sont les tests systématiques qui sont devenus inutiles. Seuls les tests des personnes présentant des symptômes seraient bienvenus. Ceci contrevient aux explications des scientifiques, qui disent bien que l’on peut porter le virus sans avoir de symptômes, et qu’il faut donc tester tout le monde pour pouvoir ne confiner que les personnes contagieuses.

    Les actionnaires ne paieront pas

    Le but de ces mensonges, c’est de faire peser le déconfinement sur des comportements individuels, plutôt que de remettre en cause la loi du profit. Il serait possible de mettre réellement la production au service des besoins si on décidait de changer les règles du jeu, si on décidait d’offrir à tout le monde des conditions de vie décentes plutôt que de garantir à quelques un·es des profits scandaleux. Pour commencer, on pourrait récupérer les dividendes versés aux actionnaires. Cet argent, c’est les profits qu’ils engrangent grâce à notre travail, alors qu’il soit utile pour une fois ! Qu’il permette de payer des tests systématiques et des masques pour tout le monde. Qu’il permette de maintenir les salaires de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs des secteurs non-essentiels.

    Aujourd’hui déjà, beaucoup de ces salarié·es sont au boulot, prenant des risques pour leur vie et celles de leurs proches, prenant le risque de propager le virus. Et celles et ceux qui sont au chômage partiel ont du mal à boucler les fins de mois.

    En 2019, les actionnaires du CAC 40 ont reçu 60 milliards d’euros [1]. Mais plutôt que de récupérer cet argent pour endiguer la crise sanitaire et économique, Macron prolonge le système de chômage partiel : il revient donc à l’État, donc à nos impôts, d’indemniser les salarié·es. Macron promet également des aides pour les familles et les étudiant·es pauvres. Soit ! Mais cet argent provient de nos caisses à nous, plutôt que des poches pleines du patronat.

    Pire encore. Pour permettre une reprise plus large de l’activité au 11 mai, Macron annonce la réouverture des écoles. Placer des enfants, particulièrement vecteurs et asymptomatiques, par centaines dans des établissements, c’est irresponsable ! Cela risque de faire repartir l’épidémie rapidement. Mais cela permettra surtout de libérer les parents pour retourner au boulot.

    Macron joue à l’équilibriste

    Ce que cherche Macron ici, c’est un point d ’équilibre : pouvoir maintenir au plus haut niveau possible les profits des entreprises et les dividendes versés aux actionnaires, tout en endiguant suffisamment l’épidémie pour que le taux de mortalité reste « acceptable » pour la population. Car le gouvernement prépare l’après. Et le Medef a prévenu, selon son président, il faudra « se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique » [2]. Et ça tombe bien ! La loi d’urgence sanitaire permet justement un large assouplissement du droit du travail, et ce jusqu’au 31 décembre 2020 !

    Bref, ce n’est pas une économie de reconstruction du pays, comme après une guerre, que nous prépare Macron, le président des patrons, mais bien une économie de reconstruction des profits.

    Nos luttes seules pourront faire pencher la balance, pour que l’on ne paye pas cette crise qu’ils gèrent si mal, pour que l’on décide enfin pour nous-mêmes.

    Union communiste libertaire le 14 avril 2020

    [1] « CAC 40 : versements record aux actionnaires en 2019 », Les Echos, 9 janvier 2020

    [2] « Coronavirus : Pour le Medef, la question des congés payés se posera à l’issue de la crise », Challenges, 11 avril 2020

  • Covid-19 : Nous mènerons aussi cette guerre sociale

    12 Avr 2020

    Cette épidémie de Coronavirus est une première mondiale dans notre contemporanéité. Celle-ci révèle les inégalités et les contradictions inhérentes à la société capitaliste et rappelle dans quelle mesure la destruction du service public est un danger pour toutes et tous. Pourtant les gouvernements martèlent que l’heure est à « l’unité nationale » et que nous ne devrions pas céder aux divisions et encore moins aux oppositions.

    Nous refusons les appels à l’Union sacrée et n’avons jamais attendu ses injonctions pour être solidaires. En tant que communistes libertaires, notre solidarité n’attend pas. De nombreuses solidarités se déploient pour pallier aux inégalités face au Coronavirus. À Bordeaux face à l’absence d’aide de l’État, des bénévoles/camarades se sont réuni·es pour aller à la rencontre des plus isolé·es, pour apporter un soutien matériel aux plus précaires.

    Aux inégalités face au travail et au risque, s’ajoutent toutes les autres inégalités sociales, de genre et d’appartenance culturelle à travers les inégalités de confinement. Qui se voit ainsi contraint de continuer à vivre dans un 35 m2. Alors que pour beaucoup de riches et de possédants ce confinement est bien plus facile pour prendre soin de soi, des siens, pour d’autres ce confinement c’est être rappelé à sa réalité et condition sociales, c’est être fixé dans son quotidien de pauvreté, de misère et de solitude.

    Nous ne voulons pas d’une solidarité qui applaudit mais d’une solidarité concrète

    La gestion de cette crise accentue les inégalités et injustices. Par les contrôles de police qui ne cessent d’être racistes sexistes et classistes. Qui se fait davantage contrôler, arrêter, moraliser, traiter d’inconscient, voire d’irresponsable alors même que dans cette crise c’est le pouvoir qui nous montre son irresponsabilité. Face à l’irresponsabilité de l’État quand elle oublie les SDF, les migrant·es, les handicapé·es. Des camarades se sont relayé·es pour apporter des vivres, le nécessaire hygiénique auprès des migrants. C’est aussi grâce au travail d’association et de bénévoles que des solutions de relogement ont été trouvé pour plusieurs adolescents (mineurs donc) avaient été abandonnés dans un squat à eux même. Rappelons que depuis l’été dernier la préfecture a pour politique de de vider les squats et mettre à la rue toutes les personnes sans-papiers sans aucune solution de logement. C’est donc, depuis des mois à des bénévoles, organisations, syndicats qu’est revenu la tâche d’aider ces hommes, ces femmes et ces enfants pour trouver un toit, se nourrir et avoir accès à un minimum d’hygiène. La situation s’étant évidemment tendue depuis le début du confinement.

    L’État irresponsable quand il prend des mesures qui accentue à travers les situations d’enfermement les dominations vécues par de nombreuses femmes qui se retrouve enfermées avec un conjoint ou un père violent. C’est le cas aussi pour les enfants battus. Les chiffres de ces violences montent en flèche depuis le début du confinement. C’est ainsi que des associations et individu.es mettent en place des stratégies pour aider ces femmes à quitter leur logement et en trouver un nouveau.

    Le risque est aussi accentué pour les étudiants et étudiantes les plus précaires. Certain·es survivaient déjà difficilement. Aujourd’hui ils et elles se retrouvent isolé·es, oublié·es dans des chambres du CROUS et appartements minuscules. Certain·es ont été victimes de tentatives d’expulsions. Des bénévoles enseignant·es, doctorant.es et étudiant·es qui déjà mobilisé·es contre les réformes des retraites et de la recherche sont venu·es à leur aide. Certain·es étudiant·es n’ayant pour certains pas pu manger depuis des jours. Car, avec la fermeture des commerces, restaurants, bars etc. beaucoup ont perdu leur emploi et ne peuvent survivre avec les bourses. Un pot commun solidaire a ainsi été créé pour pouvoir apporter nourriture et produit d’hygiène au pied des appartements.

    Cette solidarité voit aussi le jour avec un réseau de militant.es de divers organisations, syndicats ainsi que des gilets jaunes qui confectionnent des masques en tissus quand d’autres parcourent la ville pour les collecter et les livrer aux personnels soignants.

    On doute que l’État déjà démissionnaire puisse en faire autant. En témoigne les conditions de travail des personnels soignants. Après avoir été humilié·es et réprimé·es ils et elles se retrouvent aujourd’hui comparé·es à des héros, maigre pitance quand on sait qu’après des années de coupes budgétaires et de précarisation on les envoie aujourd’hui sauver des patient·es sans protection, en effectif réduit et pour un salaire de misère.

    Que nous cachent ces appels à la solidarité nationale ?

    Cette crise sanitaire rend plus visible la division. Nous ne sommes pas égaux face à l’épidémie. Celle-ci touche très différemment nos positions dans les divisions même de nos situations sociales. La crise sanitaire n’a pas supprimé les divisions de classes, de genre, de sexualité ou de « race ». Elle les montre au contraire dans toute leur acuité. Cette crise nous confine dans nos intérieurs et à nos places socialement déterminées. Ceci nous montre que cette « guerre sanitaire » est avant tout une guerre sociale qui touche les plus précaires et en particulier les femmes.

    Être cadre supérieur ou patron d’une entreprise pouvant travailler de chez-lui n’est pas la même chose qu’être salarié·e en chômage partiel ou contraint·e de se rendre au travail sans protection sous peine de licenciement. Face aux risques nous ne sommes pas égales et égaux. On pense bien sûr aux personnels soignant·es et administratif de la santé, aux chauffeuses routières, éboueurs, travailleuses du bâtiment, caissiers, personnels de ménage etc. qui continuent à aller travailler pour un maigre salaire. Ils et elles ne sont pas invulnérables et prennent des risques chaque jour au contact des patient·es, client·es, collègues etc. Certain·es en ont déjà payé de leur vie.

    Au même moment, beaucoup de gestionnaires du grand capital, patrons de centre commerciaux, actionnaires de lobbies pharmaceutiques, des GAFAM, mais aussi simples dirigeants d’entreprises, sont protégés, voire profitent de la situation économique. Eux sont remboursés à 100% lorsqu’ils dédaignent ne pas faire tourner la machine. Certains bénéficient même illégalement des aides de l’État en continuant à faire travailler leurs salarié·es ou ne mettent pas en œuvre les conditions de sécurité adéquates. Certains jours, l’indice boursier remonte en flèche et des grands groupes continuent de verser des dividendes records à leurs actionnaires.

    C’est la continuité d’une guerre sociale, une guerre entre ceux qui profitent de la structure hiérarchique de nos sociétés et qui nous divisent nos expériences de vie, et ceux qui en sont les soubassements, qui la font tenir, malgré leurs propres intérêts, et qui sont contraints ou habitués à le faire et écrasés par elle. Cette guerre montre que nos sociétés sont traversées par des divergences d’intérêts, d’idéaux de solidarité, et surtout que la solidarité nationale n’existe pas. Cette solidarité est fortement marquée socialement et oppose les personnes qui restent cachées et donnent des ordres, et celles qui sont au front et s’opposent à l’avarice, la stratégie de division et l’égoïsme des classes capitalistes et gouvernementales.

    Et ce pouvoir nous parle de solidarité ?

    La solidarité réelle dans nos existences, la liberté et l’égalité réelles sont les éléments constitutifs de nos conceptions sociales, écologiques, et libertaires. Ces idéaux ne sont pas rattachés à des idéaux nationaux-républicains. Ils sont des idéaux de classes et d’internationalisme. Depuis longtemps nous réclamons une rupture avec ce système de surproduction capitaliste, que ce soit pour développer des moyens de production et distribution plus locaux, organisés de façon collective et autogérés par celles et ceux qui les font tourner, que les décisions soient prises par toutes et tous au profit de tous et toutes et non au profit des parasites du système se nourrissant du fruit de notre travail. Nous ne voulons plus que nos choix soient déterminés par les dominants. Nous voulons vivre dignement dans des conditions en accord avec nos valeurs libertaires.

    Aujourd’hui nous revendiquons l’application générale du droit de retrait et la récupération par les travailleuses et travailleurs des activités sociales les plus indispensables. Nous exprimons notre souhait d’une réflexion poussée sur le partage des richesses et collectives des activités sociales et que chacun et chacune puissent s’en saisir selon ses capacités et selon ses besoins.

    Reconstruisons de vraies solidarités sociales, libertaires et écologistes, repensons la production économique et locale, arrêtons de produire hors de nos besoins, repensons la question de nos conditions de vie. Matérialisons aussi la guerre sociale pour rompre avec la rhétorique nationale et sécuritaire ambiante !

    Union communiste libertaire Bordeaux-Gironde, le 9 avril 2020


  • Arrêtons tout, sauf ce qui est vital

    08 Avr 2020

    En obligeant des millions de salarié-es à se rendre au travail pour des activités qui n’ont aucun sens ni aucune utilité face à la maladie, l’État et les patrons se conduisent en criminels. Ce qui est essentiel et ce qui est vital, c’est aux travailleuses et aux travailleurs d’en décider.

    En obligeant des millions de salarié-es à se rendre au travail pour des activités qui n’ont aucun sens ni aucune utilité face à la maladie, l’État et les patrons se conduisent en criminels.

    Ils cherchent à faire croire que les « mauvais comportements » individuels sont responsables de l’épidémie.

    Oser dire que les malades d’aujourd’hui étaient celles et ceux qui n’avaient pas « respecté » le confinement comme l’a fait le préfet Lallement… alors que la ministre du travail ne mène pour seule guerre que celle au service de la bourgeoisie en forçant les chantiers du BTP à reprendre, alors que les transports des grandes agglomérations urbaines deviennent des autoroutes pour le virus avec le flot de fréquentation qu’entraîne la reprise du travail dans de nombreux secteurs.

    Ces propos nous ont donné envie de vomir, la morgue et le mépris du préfet Lallement ont été une insulte pour toutes celles et ceux qui ont perdu la vie, pour toutes celles et ceux qui luttent contre la maladie, patient·es comme soignant·es. Mais ils ne sont que l’odieuse caricature d’un système politique et économique meurtrier.

    La réalité c’est que la soif mortifère de profits des capitalistes reste une priorité à satisfaire pour ce gouvernement.

    Notre priorité, à nous comme à l’ensemble de celles et ceux qui font tourner cette société par leur travail, comme aux travailleuses et aux travailleurs de la santé qui cherchent par tous les moyens à faire face, notre priorité c’est celle de se protéger toutes et tous de la maladie.

    Arrêtons immédiatement toutes les activités, sauf celles qui sont vitales

    On parle beaucoup de l’Italie et de l’Espagne qui ont déjà limité la production des biens et services à ce que leurs gouvernements jugent essentiels. Mais si cela a été fait dans ces pays c’est en partie parce que les travailleuses et les travailleurs se sont révolté·es, par la grève et les débrayages, ont protesté, ont résisté.

    Et ce n’est pas encore ça ! L’ensemble du secteur de la logistique reste considéré comme « essentiel » par le gouvernement italien par exemple. Un secteur dans lequel on retrouve par exemple nombre d’entrepôts qui voient transiter des colis de chaussures, de vêtements, de jouets… L’ensemble du secteur des centres d’appels est également concerné. Tout est essentiel ? Vraiment ?

    Nous disons que c’est aux travailleuses et aux travailleurs d’en décider directement ! Et d’utiliser toute leur force et toute leur intelligence collective pour cela : droit de retrait coordonné, débrayage, grève… mais aussi, et pourquoi pas, « contrôle » de la production des biens et des services ou initiatives de réorganisation de l’outil de travail, en autogestion et au service de la lutte contre la maladie.

    C’est bien la socialisation qui est à l’ordre du jour.

    Voilà nos urgences ! Ils ont beau interdire le droit de grève au Portugal, licencier les syndicalistes d’Amazon comme Chris Smalls à New York, nous savons que notre classe continuera de résister et de se défendre. Parce que nous ne sommes pas seul·es.

    Parce qu’en France, ces résistances existent aujourd’hui même : des débrayages à Amazon il y en a eu, appuyés par des syndicalistes SUD ou CGT. Des appels des syndicats de coursiers à vélo à la grève il y en a eu. Des refus de travail jusqu’à obtenir des protections supérieures à défaut de celles nécessaires, il y en a eu.

    Alors, oui, nous demandons à la population de ne pas commander des produits qui ne sont ni nécessaires ni vitaux, mais nous n’oublions pas que si la demande est possible c’est parce que l’offre est maintenue. La première des responsabilités, c’est celle des capitalistes.

    Par nous-mêmes, pour nous-mêmes, nous devons les arrêter.

    Union communiste libertaire, le 8 avril 2020

  • Transports bondés en pleine épidémie : vive le capitalisme

    04 Avr 2020

    On observe ces derniers journée une grosse affluence dans les transports en commun, notamment en région parisienne. La reprise de l’activité dans les entreprises va participer à propager le virus. Qui va trinquer ? Les travailleuses et les travailleurs, bien sûr.

    Depuis quelques jours, on peut observer des bus, des métros et des RER bondés, alors qu’ils étaient presque vides il y a une semaine à peine. Rien d’étonnant à cela ! Alors que seuls les boulots absolument essentiels devraient continuer de tourner, de nombreuses boîtes ont repris leur activité comme si de rien n’était. Sauf qu’entre temps, les entreprises de transport ont baissé leur trafic, pour diminuer le nombre d’employé·es sur le terrain. Le résultat ne s’est pas fait attendre : aux heures de pointe, il est impossible de respecter les gestes barrières dans les transports, et le virus y circule donc. Mais tous ces gens qui sont dans les rames, ce ne sont pas les cadres qui donnent des ordres depuis leur ordinateur personnel. Ce ne sont pas les actionnaires des grosses entreprises qui sont confinés dans une de leurs propriétés secondaires à la campagne ou à la mer. Ce sont les personnes qui sont obligées d’aller bosser pour payer le loyer et les courses. Ceux et celles qui habitent loin du boulot, et dont les deux ou trois heures quotidiennes de transports en commun étaient déjà pénibles et deviennent dangereuses. À n’en pas douter, ce sont ces travailleuses et ces travailleurs-là qui vont continuer à tomber malades, malgré un confinement qui fait tout pour faire passer les profits avant notre santé. Pour le gouvernement des patrons, le capitalisme doit continuer sa marche mortifère coûte que coûte. Il faut dès à présent fournir massivement à toute la population des masques pour se protéger, il faut tester tout le monde, et surtout arrêter les activités non essentielles.

    Union Communiste Libertaire, le 4 avril 2020

  • AIRBUS REDÉMARRE : LES PROFITS CONTRE LA SANTÉ

    28 Mar 2020

    Depuis le lundi 23 mars, la direction d’Airbus a décidé unilatéralement de reprendre les activités de ses usines à Toulouse. Après 4 jours d’une production à l’arrêt pour évaluer comment l’entreprise pourrait redémarrer, la direction a estimé que les mesures avait été prises pour « garantir la sécurité et la santé des salariés » et que les usines en France et en Espagne pouvaient redémarrer. Or si on en croit le syndicat de cadre d’Airbus CFE-CGC, par la voix de sa coordinatrice Françoise Vallin dans le journal l’Usine Nouvelle : « Chez Airbus, tous les postes de travail ne sont pas sécurisés ».

    TOUT LE MONDE CONCERNÉ !

    C’est donc en dépit de la santé des salarié·e·s que l’avionneur va continuer de produire en les mettant en danger pour une activité qui n’est absolument pas essentielle dans cette période de crise sanitaire sans précédent. Au-delà d’Airbus, c’est toute la chaîne de sous-traitance qui va devoir se remettre au travail [1], accentuant de fait les risques d’une accélération de la contamination au Covid-19 dans la région Toulousaine mais également à l’international (notamment en Espagne [2]). Des milliers d’ouvriers et d’ouvrières, de techniciens et de techniciennes vont être sommé·e·s de mettre en danger leur famille et leur propre santé pour se plier aux désidératas d’une direction hors sol qui ne pense qu’à ses profits. Même les personnels de bureau ne seront pas épargnés car la direction voudrait imposer la présence sur site à au moins 20% d’entre elleux, d’après la CGT. Il n’y a pourtant aucune urgence à produire des avions : ce moyen de transport risque de circuler en sous régime. Et ce d’autant plus que le tourisme de masse est en berne, traumatisé par la peur de partir dans des contrées lointaines considérées peu sûres au niveau sanitaire par les personnes qui en auraient les moyens. Airfrance, par exemple n’assure plus que 10% de son trafic et les compagnies aériennes, seules clientes d’Airbus, risquent le dépôt de bilan à cause de la crise économique qui découle de celle du Covid-19. Même après la pandémie, il y a de fortes chance que les avions produits ne trouvent donc pas d’acheteurs et Airbus aura donc risqué la vie de ses salarié·e·s pour rien ! Pire, alors qu’airbus annonce s’être procuré 20 000 masques de protection pour ses salariées, les soignants manquent de protection dans les hôpitaux ! On voit quelles sont les priorités pour les capitalistes.

    DOUBLE DISCOURS DE L’ÉTAT POUR DÉDOUANER LES PATRONS

    Alors que le gouvernement vient d’augmenter l’arsenal répressif pour faire appliquer le confinement qu’il a également rallongé de deux semaines, alors que l’épidémie n’en est qu’à ses débuts, alors que les personnels de l’hôpital public (soignants, agents d’entretien, administratifs…) sont déjà à bout et tirent toutes les alarmes possibles, les grandes entreprises comme Airbus nous envoient un message clair : produire plutôt que guérir, risquer plutôt que soigner, souffrir pour leur profit ! L’État est en partie responsable de cette prise de décision. En pratiquant un double discours visant d’un côté à faire respecter des mesures de confinement pour ralentir l’épidémie et de l’autre à inciter les entreprises à maintenir l’économie en chute libre, le gouvernement fait risquer leurs vies aux travailleurs et travailleuses les plus susceptibles de contracter la maladie et donc de la propager.

    NOS VIES VALENT PLUS QUE LEURS PROFITS !

    Pour l’Union Communiste Libertaire Toulouse et alentours, les patrons n’ont pas à imposer leur loi au détriment de la santé de salarié.e.s et de la population. Nous appelons les travailleurs et travailleuses d’Airbus et de ses sous-traitants à faire valoir leur droit de retrait ou à se mettre massivement en grève, face à cette absurdité et au cynisme morbide de la direction.

    Union Communiste Libertaire Toulouse et alentours le 27 mars 2020

    [1] https://reporterre.net/Airbus-force-la-reprise-du-travail-chez-ses-sous-traitant-denonce-la-CGT

    [2] http://rojoynegro.info/articulo/acci%C3%B3n-sindical/cgt-anuncia-huelga-indefinida-airbus-las-medidas-empresariales-durante-la-c


  • Le travail social sous coronavirus, un miroir grossissant d’un secteur en démolition.

    26 Mar 2020

    Le cercueil dehors, la télé dedans, le pétage de plomb pour tous

    Bien loin des classes sociales les plus aisées, les plus connectées, les plus à l’aise dans des appartements ou des maisons spacieuses, la situation des personnes que j’accompagne, dans le cadre de mon travail d’éducatrice relève de la triple peine :
    l’enfermement spatial dans des logements souvent minuscules, dans des foyers où depuis le 16 mars, toute sortie et toute visite sont interdites,
    l’enfermement social, renforcé par le confinement mais que beaucoup de personnes connaissent déjà dans leur vie de stigmatisées ; le travail d’accompagnement consistant justement à tenter de sortir ces personnes de la relégation à laquelle elles se sont habituées et dans laquelle elles ont trouvé parfois un refuge,
    l’enfermement dans la culture des mass medias par un confinement devant la télévision ; celle-ci étant souvent le seul remède contre la solitude, le bruit de fond qui accompagne dans le silence de l’ennui.

    De ces « usagers » dont on parle peu et de ces professionnels « usés » par le démantèlement du secteur, qu’en est-il aujourd’hui ? Au niveau de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, (adultes et enfants,) certaines structures (IME, IMPRO,1 etc.) ont fermé et demandé aux familles de récupérer leurs enfants. Les adultes travaillant en ESAT2, accueillis en ATO3, en hôpital de jour, dans les GEM4, sont désormais chez eux. Pour l’instant, c’est le plus souvent un suivi téléphonique qui est proposé. Au fil des semaines, il sera sans doute bien insuffisant, tant la situation est préoccupante et les mesures liberticides mises en place (présence policière, militaire, contrôles, verbalisations, arrestations, couvre-feux) sont anxiogènes. Une partie des adultes contactés par téléphone nous disent « rester dedans », « faire du ménage », « regarder la télé », « tourner en rond », « dormir ». Pour certains habitués à travailler en ESAT, ou à venir tous les jours au GEM, la solitude du domicile est souvent décrite comme quelque chose d’insupportable, pouvant conduire à demander une ré-hospitalisation. Que va-t-il se passer pour ces personnes pour qui les consultations à l’hôpital, auprès de médecins, de psychologues, se sont arrêtées depuis le 16 mars, ou sont très fortement réduites ?

    D’autres structures étant les lieux de vie des personnes, adultes et enfants sont en quarantaine collective. D’autres destinées à accueillir uniquement des personnes atteintes du covid-19 vont ouvrir très prochainement.
    Voici le témoignage d’une jeune en formation d’éducatrice spécialisée par voie d’apprentissage, en poste dans un foyer logement pour adultes :
    « Notre emploi du temps a été aménagé de sorte à ce qu’il n’y ait pas plus de 2 éducs en poste et nous nous relayons afin qu’il y ait une présence jusqu’à 22h, y compris le samedi et le dimanche.
    Les symptômes des pathologies se sont multipliés par 2 avec ce qui se passe et il est difficile de les confiner. Beaucoup décompensent, délirent et font monter le groupe… impossible d’hospitaliser les résidents qui peuvent se mettre en danger ou mettre en danger les autres tant qu’il n’y a pas un passage à l’acte… je vous laisse imaginer… en étant 2 pour 31 résidents angoissés qui ne cessent de nous solliciter et que nous empêchons par tous les moyens de sortir… »
    « Depuis le confinement je n’ai plus le temps de bosser mes écrits, ce qui me panique énormément. J’ai demandé un aménagement de mon temps de travail, mais la direction l’a refusé à mon chef de service, car c’était hors cadre ».
    « Nous sommes plus que surexposés au virus car nous sommes en rupture de stock de masques, et en collectif il est compliqué de nous protéger. Nous gardons nos masques quelques jours mais bon… »

    Comme dans la plupart des secteurs professionnels, les conditions de sécurité ne sont encore pas garanties. Les directions utilisent au maximum les jeunes recrues en formation, donc prêtes à s’investir, souvent sans connaissance du droit du travail, et n’ayant pas d’enfants à garder. La première semaine du confinement étant passée, elles demandent au personnel jusqu’ici en arrêt pour garder leurs enfants, de trouver une solution via l’école pour pouvoir venir en renfort.

    « Soyez convaincus que nous mettrons tous les moyens nécessaires pour que ces unités fonctionnent dans des conditions sanitaires et médico-sociales optimales et nous saurons valoriser l’engagement personnel de chacun. […] Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Nous devons y répondre par des mesures exceptionnelles. Nous devons, tous, être exceptionnels. » Extrait d’une note à l’attention des salariés

    Des enfants livrés à eux-mêmes ou les failles d’un système mises au grand jour

    Pour les structures accueillant des enfants placés, la situation est explosive depuis plusieurs années. Le secteur est en souffrance professionnelle, pour les mêmes raisons qu’ailleurs : une gestion managériale ultra-libérale depuis une quinzaine d’années demandant aux salariés de faire mieux avec moins. La multiplication des statuts précaires, du bénévolat, la casse des solidarités d’équipe, d’un côté et la multiplication des cadres intermédiaires et des procédures de contrôle de l’autre ont créé un climat délétère dans la plupart des structures.

    En raison du personnel absent, le Conseil Général a réquisitionné des professionnels du secteur pour aller bosser dans les foyers où il manque du personnel. Sans l’école et les services d’accompagnement qui jalonnent d’ordinaire la vie de ces jeunes, les équipes doivent assurer un accompagnement non stop, 7 jours sur 7, 24h sur 24. Il est évident que le nombre de passages à l’acte, (comme les fugues, déjà très fréquentes en MECS et en Foyer) va augmenter puisque les étayages médicaux, familiaux (visites dans les familles suspendues), les espaces de socialisation comme l’école, les clubs de loisirs, ou tout simplement la rue, vont faire défaut et cela va créer plus de tensions.
    Pour répondre aux besoins urgents de personnel, le secrétaire d’État a assuré sur France inter le 21 mars qu’une nouvelle organisation était en réflexion : « Nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer notamment pour mobiliser d’autres éducateurs aujourd’hui en arrêt de travail forcé comme les professeurs d’EPS. Ils pourraient venir renforcer l’encadrement dans des foyers et proposer des activités sportives et culturelles. »

    Voici le témoignage d’une jeune en apprentissage dans un lieu de vie :
    « Au sein de ma structure, tous les jeunes sont en confinement, nous avons entre guillemets la chance d’avoir une maison avec un extérieur, où les enfants peuvent décompresser. Cependant au niveau des règles d’hygiène on n’a pas de directive concrète. Nous désinfectons régulièrement les poignées de porte, le sol, sanitaires…
    Pour les jeunes qui sont en fugue nous avons eu la directive de ne pas les accueillir suite à leur retour pour ne pas mettre le reste du groupe en danger. De plus nous ne disposons pas d’espace pour les mettre en quarantaine, à l’écart du groupe. Ce qui reste bien sûr questionnant pour nous d’un point de vue éthique. »

    Le traitement de ces jeunes au parcours de vie cabossé risque d’être, à l’aune du coronavirus, un abandon par les services de protection sociale avec la conséquence logique d’un basculement vers un traitement pénal renforcé. Cette tendance est d’ailleurs déjà en cours depuis plusieurs années.
    Aujourd’hui, l’exclusion est dehors, partout
    En l’espace de 20 ans, les moyens alloués aux structures accueillant des personnes dépendantes d’autrui, n’ont fait que baisser. Il faut plusieurs années aux familles d’enfants en situation de handicap pour obtenir une place en IME, ou une place en foyer.
    Sur Montpellier, c’est 2 à 3 ans d’attente pour un adulte en situation de handicap. Dans les hôpitaux, il manque en moyenne un psy sur trois. Les politiques sociales n’ont cessé de miner le terrain pour le faire aller vers du social « low cost », déqualifié et maltraitant. L’urgence sociale et l’aide aux personnes à la rue sont déléguées aux associations humanitaires. Ce sont des bénévoles qui se retrouvent de plus en plus, en première ligne pour gérer la misère et aujourd’hui risquer leur vie.

    S’engager pour quoi ? Pour qui ?
    La crise actuelle n’est finalement que le révélateur d’une crise plus profonde nourrie par la logique capitaliste. Comment se pose alors pour chacun l’engagement ? Quelle est la fonction sociale des structures d’accueil, d’insertion, de soins, d’éducation, d’apprentissage ? Entre solidarité et cache-misère d’un pan de la société « incasable », les corps en trop sont de plus en plus nombreux et les fantassins du social sont épuisés. Les burn-out dans le secteur du travail social qui, selon une étude de la CPAM de 2018, fait partie des 3 secteurs d’activités les plus touchés, ont explosé.
    Dans cette engrenage d’un système fou, il faut se poser la question de notre engagement. Jusqu’où allons-nous nous user à essuyer les plaies ? Pour qui ou quoi voulons nous vraiment nous engager ? car nous savons qu’après les masques, les primes, les honneurs viendront les heures imposées, les congés refusés, la poursuite de la course à la rentabilité.

    Il faut s’appuyer sur cette situation exceptionnelle pour exiger que les services sociaux et de santé soient pourvus en postes qualifiés, en places, en structures d’accueil, mais il faut surtout panser le travail social en le repolitisant. C’est un secteur où le taux de syndicalisme est très bas.
    En l’imaginant dans une société différente, non validiste, le travail d’accompagnement pourrait exister différemment. Les relations pyramidales seraient remplacées par des formes de décisions collectives, et l’engagement pourrait à nouveau se déployer. C’est tout un imaginaire du « vivre avec » (terme employé dans les années 70, 80 et passé aux oubliettes de l’histoire de nos métiers) et de la relation d’aide qui deviendrait à nouveau possible. Nous avons besoin d’imaginer que tout est à nouveau possible.

    Cécile, éducatrice spécialisée, salariée dans un GEM

    1Institut Médico-Educatif, Institut-Médico-Professionnel
    2Etablissement Spécialisé d’Aide au Travail
    3Atelier de Travail Occupationnel
    4Groupe d’Entraide Mutuelle

  • Amazon : Épidémie de droits de retrait à Lauwin-Planque

    25 Mar 2020

    L’ambiance est à couteaux tirés sur le site du Nord. Les syndicats appellent au « droit de retrait général », et l’absentéisme dépasse déjà les 50 %. Mais la direction sanctionne pour retenir les salarié·es dans les entrepôts. Son but : profiter le plus longtemps possible de l’effet d’aubaine que représente le coronavirus pour la vente en ligne.

    Les dirigeantes et dirigeants du site Amazon de Lauwin-Planque (Nord) se voient sans doute comme d’indispensables capitaines qui doivent garder la tête froide et conduire l’entreprise à travers la tempête du coronavirus, malgré que la machine est de plus en plus grippée, et que la moitié des salarié·es ont déjà fait défection… La moitié qui restent ? On va à la fois les bercer de bobards rassurants, et les tancer parce qu’ils manquent de prudence. Les « gestes barrières » bon sang ! Les distances de sécurité nom de nom ! S’ils tombent malades ? Bin ce sera de leur faute… La seule chose qui compte pour eux et elles, qui leur vaudra une médaille de Jeff Bezos, ç’aura été d’avoir traité le maximum de commandes pendant qu’il était encore temps, et d’avoir rentré le maximum de fric avant que le virus ait mis tout le monde sur le flanc.

    Au début de la pandémie, en février, les syndicats SUD et CGT d’Amazon avaient alerté la direction du site en lui demandant quelles mesures elle pensait prendre si le virus atteignait la France. À l’époque, ils et elles nous ont ri au nez : « aucun risque »…

    Il a fallu attendre l’annonce de la fermeture des écoles, le 12 mars, pour que nous obtenions une réunion extraordinaire. Mais toujours les mêmes réponses. Circulez, y a rien à voir. Le 14 mars, Édouard Philippe annonce la fermeture de tous les commerces non essentiels… L’aubaine du siècle pour la vente par correspondance ! Amazon s’en lèche les babines. Quelques jours plus tard on apprendra que la multinationale veut embaucher 100 000 personnes pour faire face à la demande.

    Sur le site, il n’y a pas de masques, et si peu de gel hydroalcoolique qu’il faut aller en quémander dans le bureau du chef de secteur ! © Aimée Thirion, 2017

    La direction distribue des « absence injustifiée »

    Le 16 mars, l’intersyndicale d’Amazon Lauwin-Planque se réunit avec SUD, CGT, CFDT et FO. Même l’USID et la CAT, qui se moquaient de nous quelques jours auparavant, sont là. Il faut dire qu’ils sont à présent débordés par l’inquiétude qui monte de toute part chez les salarié·es. De cette réunion sort une adresse très modérée à la direction, réclamant des mesures de protection, mais pas encore la réduction drastique de l’activité. Le soir même, Macron annonce un semi-confinement, sauf pour les secteurs essentiels… Sans sourciller, Amazon va considérer qu’elle est une entreprise essentielle, qui va sauver la France !

    Donc le soir même, nous envoyons un mail pour pointer une situation de « danger grave et imminent (DGI) » afin que les salarié·es puissent user de leur droit de retrait. Nous devons l’inscrire sans délai dans le « registre spécial de DGI », un livre obligatoire dans toutes les entreprises, que la direction doit tenir à disposition du CSE à tout moment. Il nous faudra attendre deux jours pour l’obtenir, parce que la direction « ne le retrouve pas »…

    Selon la direction, les produits « essentiels » (hygiéniques par exemple) représenteraient 10% à 20% du catalogue d’Amazon. © Aimée Thirion, 2017

    Après cela, les collègues se mettent les uns après les autres en droit de retrait, car il n’y quasiment pas de gel, pas de nettoyage systématique des outils de travail, pas de masques, et que le respect des « 1 mètre » est quasi impossible avec 2 500 travailleuses et travailleurs sur le site. Mais la direction refuse de reconnaître le droit de retrait et distribue des « absence injustifiée »… A présent, SUD-Amazon va attaquer aux prud’hommes pour faire reconnaître le DGI et faire annuler toutes les sanctions prises par la direction.

    Quémande du gel à ton chef

    La direction organise ensuite un simulacre de réunion extraordinaire pour le DGI, où elle explique les mesures qu’elle met en place… mais c’est bien trop tard ! Ce sont les mesures modérées que nous réclamions une semaine plus tôt, et elles sont inapplicables : il n’y a pas de masques, et si peu de gel hydroalcoolique qu’il faut aller en quémander dans le bureau du chef de secteur !

    Les syndicalistes, eux, sont déjà à l’étape suivante : nous faisons chaque jour le tour du site pour inciter les collègues à ne pas venir par tous les moyens (droit de retrait, arrêt maladie…). Et ça marche : nous en sommes à 50% d’absentéisme, jusqu’à 65 % dans certains services. Mais même ainsi, il est impossible de faire respecter la distance de 1 mètre.



    Pour nous, la seule solution pour éviter le pire est de fermer au minimum quinze jours. Lors d’une réunion récente, la direction a admis qu’il fallait limiter l’activité à l’expédition de produits « essentiels » (hygiéniques par exemple), qui représenteraient 10% à 20% du catalogue d’Amazon. Nous avons sauté sur l’occasion : alors ça veut dire qu’il faut mettre en chômage technique au moins 80% du personnel ! Réponse embarrassée de la direction : ah oui mais non, pas du tout, ça ne marche pas comme ça, il faut que les gens viennent travailler quand même…

    Leur ambition reste donc bien de continuer à expédier des jouets, des livres, des DVD, des câbles, des boules à facettes tant qu’ils le peuvent… Une telle hypocrisie est écœurante, et elle laissera des traces, même auprès des salarié·es les moins revendicatifs.

    Jérôme (UCL Douai)


    BOOM DES COMMANDES, DÉSERTION DES SALARIÉ·ES

    Le 19 mars, la CGT Amazon rendait publique dans un tract son compte rendu d’une réunion téléphonique avec Ronan Bolé, président d’Amazon France Logistique.


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