Depuis l’horrible assassinat de Samuel Paty, enseignant de Conflans-Sainte-Honorine (78), les récupérations, les amalgames, le racisme se déchaînent. L’obscurantisme criminel qui a mené à ce meurtre doit trouver face à lui toutes les forces progressistes et ce racisme exacerbé est, au contraire, la pire réponse qui soit, en attisant la haine et la polarisation de la société. Le gouvernement et d’autres forces politiques ont sauté sur l’occasion, tels des charognards, pour faire avancer leur agenda. Nous ne les laisserons pas faire.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin propose de dissoudre le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Le CCIF est une association de défense juridique des musulmans, particulièrement utile puisque les actes islamophobes sont en augmentation. Dissoudre le CCIF, c’est d’une part empêcher les musulmans de se défendre face au racisme qu’ils subissent dans la société française (dégradation de lieux de cultes, insultes et agressions, incitations récurrentes à la haine raciale dans les médias, etc.). C’est d’autre part donner l’impression que cette association aurait un quelconque lien avec le meurtre de Samuel Paty, et ainsi formuler un amalgame inacceptable.
Aujourd’hui, les informations rendues publiques indiquent que ce sont des personnes liées à l’intégrisme islamiste, alliées de l’extrême droite fasciste même, qui sont impliquées dans les événements ayant conduit au meurtre de Samuel Paty. Le CCIF est une organisation antiraciste travaillant avec le mouvement social, il est détestable de les y assimiler.
Darmanin a également calomnié le syndicat SUD-Education comme le directeur de Mediapart en les rendant responsables «d’une ambiance, d’une température» ayant permis le passage à l’acte du meurtrier «en excusant tout». En plus d’être faux, c’est grave et inacceptable, car il s’agit là encore d’amalgamer aux terroristes islamistes celles et ceux qui défendent l’égalité des droits contre le racisme islamophobe.
Par ailleurs, le même ministre a lancé une série de perquisitions administratives au sein de ce qu’il appelle la «mouvance islamiste», y compris chez des personnes n’ayant aucun lien avec l’attaque du 16 octobre. Elles n’ont débouché que sur une seule arrestation, car elles ont pour but, en réalité, d’effrayer les musulmans. Ces perquisitions ordonnées par les préfets sans nécessiter l’accord d’un·e juge des libertés sont possibles depuis que certains éléments de l’état d’urgence sont entrés dans le droit commun en 2017. Déjà, suite aux attentats de novembre 2015, de nombreuses perquisitions avaient eu lieu dans des milieux musulmans et dans des milieux militants écologistes, sans aucun résultat. Le but était le même qu’aujourd’hui : effrayer, faire taire. C’est un exemple de plus du glissement autoritaire du régime.
D’autres personnalités politiques n’ont pas été en reste ces derniers jours quand il s’est agi de faire dans l’amalgame et le racisme. Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise, a ainsi affirmé qu’il y avait «un problème avec la communauté tchétchène en France». S’il a expliqué après coup avoir fait «une erreur» en utilisant cette expression, il est incroyablement irresponsable d’attiser ainsi, et dans le contexte actuel d’autant plus, le racisme envers les Tchétchènes.
On a pu ces dernières heures entendre de nombreux politiciens qui se parent pourtant de l’adjectif «républicains» entretenir l’amalgame odieux immigration = terrorisme; cette criminalisation des immigré·es est proprement abjecte.
Valérie Pécresse, la présidente (Les Républicains) de la région Ile-de-France, a pour sa part demandé de «fermer toute mosquée, et d’interdire toute association islamique, qui ne condamnerait pas publiquement et clairement ce crime abject». Ainsi les choses sont claires. Pour Pécresse, tout musulman et toute musulmane est d’office suspecté·e de complaisance avec le meurtrier de Samuel Paty! Toutes les paroles islamophobes sont désormais admises dans le débat public, peuvent être discutées comme n’importe quelle opinion!
Alors qu’une campagne islamophobe d’ampleur était lancée avec la projet de loi sur le «séparatisme», il nous faut refuser fermement ce racisme grandissant, chez les dirigeants et les politiciens comme ailleurs dans la société française. Il nous faut, et c’est la seule ligne possible, lutter à la fois contre les obscurantismes et contre les récupérations islamophobes. Dans un contexte de pouvoir de plus en plus autoritaire, c’est à une fascisation de la société que nous assistons. La riposte devra être à la hauteur.
Union communiste libertaire, le 22 octobre 2020