L’État des luttes est un bulletin public qui sera publié par l’Union communiste libertaire tout au long du mouvement. Il synthétise des informations sur la mobilisation et propose des éléments d’analyses. Fais passer !
Un week-end de transition
L’intersyndicale envoie des signaux positifs
Vendredi 6 décembre, l’intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU et
organisations de jeunesse) s’est réunie. Elle appelle à une journée de
grève et de mobilisation le mardi 10 décembre, et à reconduire la grève
d’ici-là. Il est historique qu’une intersyndicale large appelle à
reconduire la grève mais aussi à lui donner des suites rapides et
fortes. Ça doit nous encourager et on pourra s’appuyer sur cela pour
construire la confiance dans le mouvement, afin de reconduire toujours
plus massivement la grève dans les secteurs où elle est déjà forte, et
afin de permettre aux secteurs moins mobilisés de rejoindre la lutte.
En ce sens, la date du 10 décembre est une opportunité à attraper pour
les secteurs moins mobilisés. Pour la suite, il faudra cependant faire
attention à ne pas tomber dans le même piège que celui de la grève de
2010 : se contenter d ejournées saute-moutons. Même si elles sont
rapprochées, si elles ne servent pas à étendre et ancrer la grève
reconductible elles seront insuffisantes. Pire, elles risquent
d’épuiser les travailleurs et les travailleuses en grève reconductible,
pris-es au piège de la grève par procuration malgré elles et eux.
La balle est dans notre camp !
Des mobilisations contre la précarité
Ce samedi 7 décembre a vu plusieurs villes accueillir des
manifestations pour l’assurance chômage et contre la précarité. Ces
manifestations n’ont pas eu des succès phénoménaux, ayant sans doute été
trop peu préparées. Soulignons quand même l’importance de lier la
réforme des retraites et la réforme de l’assurance chômage : dans les
deux cas, elles visent à exploiter toujours plus les travailleuses et
les travailleurs. Nous refusons de passer notre vie à la gagner !
Un samedi GJ faible
Il n’y a pas eu d’imposant rebond des mobilisations des Gilets Jaunes
samedi 7 décembre, même si des actions de blocage et des manifestations
ont été réalisées en de nombreux endroits. Dans les lieux où des
collectifs GJ forts et progressistes existent toujours, le mouvement
syndical local ne peut faire l’économie de créer rapidement et
efficacement des liens. En effet, le mouvement des GJ a touché une
partie de la population souvent éloignée des organisations syndicales,
et l’unité de la classe exploitée dépend entre autres de ce type de
rapprochements.
Perspectives stratégiques
Pour inscrire le mouvement dans la durée, nous pourrons axer notre actions dans quelques directions spécifiques.
Être uni-es face à la répression
Si la répression semble s’établir pour le moment sur un niveau haut
mais habituel, une chose est à noter en particulier. Les cortèges
syndicaux semblent à présent être, en de nombreux endroits, tout autant
les cibles des charges policières et autres violences que le reste des
cortèges. Les Services d’ordres ne semblent pas non plus être épargnés.
Ceci rappelle la manifestation du 1er mai
2019 à Paris, où la police avait chargé le SO de la CGT, derrière
lequel se trouvait Philippe Martinez.
Ceci doit nous pousser à organiser la « Sérénité organisée », comme nous
disons à l’UCL, où au moins la sécurité des cortèges, de manière
toujours plus sérieuse et coordonnée.
Nul doute que le pouvoir cherchera à séparer les gentils manifestants
des « casseurs ». Il faudra, comme nous le faisons toujours, refuser
cette dichotomie. Mais ceci ne doit pas servir d’excuse pour éviter les
débats sur les stratégies de manifestation.
Rappelons enfin que les manifestations ne sont qu’un moment du mouvement
social. La construction de la grève dans les boîtes est bien plus
fondamentale et essentielle.
Continuer à virer l’extrême-droite
Dans plusieurs endroits, jeudi 5 et vendredi 6 décembre, différents
représentants de l’extrême-droite ont été virés de manifestations ou de
piquets de grève. Qu’il s’agisse du RN, de l’UPR ou d’autres composantes
fascisantes et/ou confusionnistes, il faudra continuer à être, dans la
mesure de nos moyens, intransigeant-es vis-à-vis de leur présence. Ces
entreprises de récupération sont insupportables car elle sont le fait
d’un mouvement qui veut diviser profondément la classe ouvrière, en
véhiculant un idéologie raciste, sexiste et homophobe. Ses pseudo
discours sociaux ne sont que de la poudre aux yeux, car l’extrême-droite
est, elle aussi, au service des capitalistes.
Articuler revendications sectorielles et revendications globales
La question des retraites est clairement la toile de fond du
mouvement social en cours. Les retraites ont toujours été un sujet
d’importance pour lequel les travailleuses et les travailleurs se sont
régulièrement mobilisé-es en masse. Mais dans plusieurs secteurs, des
revendications sectorielles, parfois très terre-à-terre, refont surface à
l’occasion de l’explosion sociale que l’on est en train de vivre.
Lister ces revendication sectorielles, au plus près des collègues et de
leurs préoccupations est une tâche centrale de la période. D’une part
car porter des revendications sectorielles pourra permettre d’avoir des
victoires partielles qui donneront de l’optimisme pour la suite. Mais
aussi parce que, articuler ces revendications du quotidien, avec celles
plus globales qui paraissent parfois plus abstraites, permet de
développer un discours sur les fondements de notre exploitation. C’est
par l’expérience de l’exploitation au quotidien, et ce qui permet de
commencer à s’en libérer, que l’on peut faire le lien avec le
fonctionnement global de la société capitaliste.
On pourra également mettre en avant des revendications propres à
certaines parties du prolétariat, comme les femmes. Les 23 novembre
contre les violences faites aux femmes fut un succès. Profitons-en pour
montrer que violences économiques et violences physiques contre les
femmes sont les deux faces d’une même pièce. Que, par exemple, la
réforme des retraites, qui va paupériser encore plus les femmes
retraitées, les rendra par là-même plus dépendantes de leurs maris, et
donc sujettes à des violences conjugales.
Construire un mouvement étudiant et lycéen
Le mouvement étudiant est faible, et presque tout est à construire.
Quelques facs ont commencé à se mobiliser, comme à Bordeaux, Rennes et
Saint-Denis. Les tâches militantes sont presque partout à l’information,
des les universités comme dans les lycées. Ici aussi, des
revendications spécifiques pourront ressortir, comme autour de la
précarité étudiante ou de la réforme du bac.
Animer des luttes autogérées, au plus près du terrain
Dans plusieurs secteurs qui sont pour le moment peu ou pas en lutte,
travailleuses et des travailleurs semblent pousser un certain nombre
d’équipes syndicales qui végètent. Quand la base se mobilise, même sans
équipe syndicale dynamique, c’est le signe d’une détermination profonde.
Mais bien sûr, la lutte est alors d’autant plus difficile à organiser,
surtout si on la veut autogestionnaire, c’est à dire appropriée par
chacune et chacun. Cette détermination doit donc être organisée, sinon
elle s’épuisera. Organiser une AG, même lors d’un débrayage d’une heure,
pour que les collègues décident ensemble des actions qu’ils ou elles
veulent mener, c’est la première étape pour entrer dans la mobilisation.
C’est ce qui permettra à chacune et chacun, non seulement de se sentir
faire partie d’un collectif, mais aussi d’être un individu indispensable
au collectif, et dont la voix porte. De plus en plus, on voit des
collectifs de travailleuses et de travailleurs communiquer via des
groupes WhatsApp. Il faut faire attention à ce qui est dit sur ces
groupes, pour des raisons de sécurité, mais c’est un moyen simple et
efficace de rester en contact avec ses collègues, hors temps d’AG. Pour
autant il faut insister pour que des contacts dématérialisés ne
remplacent pas des réunions physiques de grévistes, essentiels pour que
toutes et tous participent, échangent, « s’éduquent » ensemble à
l’auto-organisation.
Dans ce contexte, il faut faire attention à la taille des AG. Si des
AG à plusieurs centaines peuvent être impressionnantes et donner du
courage, elles se transforment aussi souvent en meetings des
représentant-es syndicaux. En effet les travailleuses et les
travailleurs qui ont moins l’habitude peuvent ne pas oser prendre la
parole. On peut préférer des AG par services, plus restreintes, où l’on
se connait mieux et où l’on prend la parole plus facilement.
Et maintenant, que se passe-t-il ?
La réussite de la journée du 10 décembre sera cruciale, et pour cela,
le lundi 9 décembre pourra être consacré, dans un maximum d’endroits, à
mobiliser un nombre de collègues toujours grandissant, à organiser la
remontée des revendications, à confectionner des banderoles, bref, tout
ce qui soude un collectif de travail en lutte. Et pour les grévistes qui
reconduisent déjà à faire des tournées d’atelier, de service dans sa
boîte ou son secteur.
Il faut observer que la temporalité du mouvement va être très serrée,
car nous ne pouvons savoir ce qu’il se passera au moment des fêtes de
fin d’année. Il reste donc deux semaines pour amplifier et ancrer le
mouvement au maximum. De ceci résulte un sentiment d’urgence, qui peut
également être mobilisateur. Profitons des 9 et 10 décembre pour
transmettre des outils d’auto-organisations pour que la lutte s’ancre
toujours plus profondément.
Pour aller plus loin
Quelques lectures pour aller plus loin dans l’analyse du mouvement :