La Coordination des Groupes Anarchistes (CGA) se dissout pour contribuer à la création de l’Union Communiste Libertaire.
La CGA, réunie conjointement avec Alternative libertaireau congrès de l’Allier de juin 2019, a pris la décision de prononcer son auto-dissolution marquant le terme d’un an et demi de processus de création conjoint de l’Union Communiste Libertaire (UCL) ayant pour objectif le rassemblement des communistes libertaires.
Notre organisation a été fondée en 2002 de la volonté de groupes ayant fait le choix de quitter la Fédération Anarchiste, notamment : Montpellier, Toulouse et Perpignan. Ces camarades ont ensuite été rejoints par d’autres groupes tels que Lyon ou Bordeaux. Dès ses débuts, les militant·e·s qui animaient la nouvelle organisation ont voulu lui donner deux facettes importantes :
♦ celle d’une organisation inscrite et active dans les luttes, faisant entendre sans sectarisme la voix des anarchistes dans les combats sociaux de notre époque ;
♦ celle, aussi, d’une organisation au fonctionnement fédéral exigeant, où il existe une cohérence entre nos pratiques organisationnelles et notre projet de société basé sur la solidarité entre les groupes, la démocratie directe, le fédéralisme, la culture du mandatement et de son contrôle.
En 2015, des désaccords idéologiques ont poussé des camarades (Perpignan, Toulouse, Carcassonne, Comminges) à poursuivre leur chemin de leur propre côté, au sein de l’Organisation Anarchiste, continuant d’éditer à ce jour le journalInfos&Analyses Libertaires, qui avait été celui de la CGA jusqu’en 2015, et que nous avons remplacé par Résistances Libertaires.
Durant nos 17 années d’existence, nos pratiques et nos idées se sont affinées. Les luttes contre les oppressions liées au patriarcat ou au racisme, sont devenues pour notre organisation des questions centrales, au même titre que le combat contre l’État et le capitalisme. L’adoption, en novembre 2011, de notre actuelle motion antipatriarcale, a constitué une étape importante dans le développement de notre vision du féminisme et des luttes LGBTI1. Nous avons également validé un processus d’exclusion spécifique aux agresseurs sexistes, considérant que ceux-ci bénéficiaient trop souvent d’une solidarité masculine qui devait être mise à bas par des outils organisationnels formels2. En 2015, nous avons également pu adopter notre analyse dusystème de domination raciste en France3, dans lequel nous avons repris le concept de minorités et de majorité nationale. Ces différentes étapes ont largement renforcé la notion de non-hiérarchie des luttes dans nos combats et dans notre théorie. Dans le même temps, nous avons continué à renforcer la formation de nos militant·e·s sur la question syndicale, refusant la facilité consistant au choix à refuser en bloc le syndicalisme, ou à opposer des bases fantasmées à des bureaucraties syndicales qui freineraient toute action. Sans nier l’existence de bureaucraties à l’intérieur des différentes confédérations, nous avons considéré qu’il était possible et nécessaire de faire valoir des positions offensives et autogestionnaires dans le syndicalisme4. Nous avons en effet eu à cœur que nos militant·e·s ne se limitent pas à un militantisme uniquement interne à la CGA, qu’on pourrait qualifier d’activisme, mais bien qu’ils puissent porter une forme de « double engagement », c’est-à-dire un engagement au sein de l’organisation politique (la CGA) mais également un engagement au sein d’une organisation sociale (collectifs de lutte, syndicat, association, éducation populaire, lieu autogéré..), dans le respect de son indépendance, permettant à nos pratiques et idées de toucher plus largement que si nous nous limitions à un militantisme exclusivement propagandiste ou culturel. Ce second engagement, on peut le qualifier « d’insertion sociale ». En cela, nous avons trouvé un écho et avons pu nous inspirer des pratiques dites « especifistes », sans toutefois nous en revendiquer pleinement. Courant majeur en Amérique Latine et notamment en Uruguay où il est né, l’especifisme est mis en pratique par des organisations telles que la Coordination Anarchiste Brésilienne ou la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro et de nombreuses autres organisations d’Amérique Latine qui ont été pour nous d’importantes références idéologiques au cours des dernières années.
Si nos positions ont évolué, nous pensons, positivement avec le temps, que nous avons tout de même rencontré de sérieux obstacles. La scission de 2015 nous a, par exemple, considérablement affaiblis alors même que la guerre de la bourgeoisie contre notre classe s’est intensifiée : l’état d’urgence en 2015, la loi travail en 2016, le face à face Le Pen – Macron en 2017…
A l’inverse, des réponses de notre camp (mobilisations contre la loi Travail, Nuit Debout, grèves dans le rail, la santé et l’éducation, marches et grèves pour le climat, mouvement MeToo ou plus récemment les gilets jaunes…) ont montré que beaucoup ne se sont pas résigné·e·s et remettent en cause le système politique, économique et social dans un contexte d’urgence écologique. Nos aspirations peuvent être partagées par d’autres, à condition d’avoir un outil organisationnel ayant une surface suffisante pour être audible. Malgré des investissements locaux souvent importants, nous n’y sommes pas parvenu·e·s. Ces difficultés nous ont poussé·e·s à regarder la réalité en face et à en tirer les conclusions qui nous paraissaient s’imposer. Notre organisation n’était pas à la hauteur des événements. En l’état, nous avons convenu qu’il ne servait à rien de maintenir la CGA à flot pour le simple plaisir d’exister. La nécessité de changer d’échelle, de s’élargir et de s’enrichir de la pratiques d’autres s’imposait au vu de l’urgence à populariser un projet social émancipateur et libertaire. C’est pourquoi nous avons décidé, conjointement avec Alternative Libertaire, de déclencher un processus de dépassement de nos deux organisations dans l’espoir de pouvoir créer en France un pôle communiste libertaire à même de peser dans le camp révolutionnaire. Ce processus a aujourd’hui abouti à la naissance de la présente Union Communiste Libertaire. Il met un terme à la très belle aventure collective qu’a représenté pour ses militants et ses militantes la Coordination des Groupes Anarchistes qui, malgré ses défauts, a aussi su être lieu d’expérimentation et école du militantisme pour beaucoup d’entre nous. Nous, militantes et militants de la CGA, sommes fièr·e·s du chemin parcouru ensemble. Nous continuerons celui-ci au sein de l’UCL, pour diffuser la pratique et la pensée anarchiste, et, nous l’espérons, créer une société meilleure libérée des oppressions et de l’injustice.
Salutations sororales et fraternelles à toutes celles et ceux qui luttent, à toutes celles et ceux au travers du monde qui souffrent de leur chaînes et aspirent à les détruire.
Ensemble, nous pouvons!
Vive l’Anarchie ! Vive le socialisme ! Vive la lutte de toutes et tous les opprimé·e·s !
Bellenaves,
10 juin 2019
1http://c-g-a.org/content/la-lutte-antipatriarcale
2https://www.c-g-a.org/content/pour-en-finir-avec-la-culture-du-viol
3https://www.c-g-a.org/content/le-systeme-de-domination-raciste-en-france
4Voir notre motion « Quelle est notre position sur les syndicats ? »