Un gouvernement aux abois et sourd à la colère populaire
Après de trop nombreuses années où l’État et le patronat se sont attachés à réduire nos droits sociaux, le mouvement des gilets jaunes constitue une tentative bienvenue pour y mettre un coup d’arrêt.
Le gouvernement, surpris et fragilisé par l’ampleur et la détermination de la mobilisation, tente tant bien que mal de trouver des portes de sortie qui casseraient cette dynamique, tout en veillant à ne pas toucher aux profits des entreprises et aux privilèges des plus riches. Le refus d’augmenter les salaires, les pensions de retraite et les allocations d’une part et le refus de rétablir l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) d’autre part confirment cette politique antisociale menée par l’État contre les plus pauvres d’entre nous.
Les divisions racistes, telles que le projet d’instaurer des « quotas pour l’immigration » évoqué par Macron, ont pour but de détourner la colère populaire contre des bouc-émissaires désignés et non contre le capitalisme qui organise notre exploitation. Le renforcement des contrôles contre les travailleuses et les travailleurs sans emploi participent également à nous diviser et à précariser les plus précaires d’entre nous.
Le Grand Débat national, bricolé et piloté de bout en bout par le gouvernement, ne dupera non plus personne : cette mascarade consultative est conçue pour accélérer le rythme des futures réformes (casse des services publics, remise en cause du principe de solidarité dans le système des retraites…) et canaliser, voire museler, toute contestation du pouvoir.
Un tournant autoritaire de l’État
La répression s’abat férocement sur le mouvement des gilets jaunes : plus de 6000 arrestations, gardes à vue, condamnations, plusieurs milliers de blessé-e-s graves en manifestations… L’État généralise les violences policières contre celles et ceux qui exercent leurs droits les plus élémentaires, dont le droit de manifester, et remercie gracieusement les policiers qui font cette basse besogne (augmentation générale des salaires des policiers obtenue au mois de décembre, alors que l’éducation et la santé subissent toujours l’austérité). Le maintien de l’ordre, de plus en plus militarisé avec le recours à des armes de plus en plus dangereuses, est donc plus que jamais au service de l’ordre social et politique inégalitaire.
L’État n’est donc pas le garant de nos libertés démocratiques conquises au fil des luttes et n’hésite pas à les remettre en question dès lors que son pouvoir semble menacé. Les annonces du premier ministre Edouard Philippe au début du mois de janvier concernant le fichage de manifestant-e-s portent une atteinte grave au droit de manifester. Cela inscrirait dans la loi une interdiction préventive de manifester déjà appliquée à de nombreuses reprises pendant ce mouvement. Depuis l’inscription des dispositions de l’état d’urgence dans la loi, la fuite en avant sécuritaire de l’État est sans limite et n’est pas prête de s’arrêter au vu des inégalités qui deviennent de moins en moins supportables pour une part toujours plus grande de la population.
Des gilets jaunes bientôt rouges ? Construisons la grève générale pour faire plier le gouvernement
L’occupation des ronds-points et certaines actions directes visant des grandes entreprises ont paralysé une partie de l’activité économique, mais l’État et le patronat sont encore très loin d’avoir baissé les armes. Nos revendications sociales ne pourront aboutir que si la contestation s’étend sur les lieux de travail, dans les entreprises et les services. Faire grève, c’est taper directement au portefeuille des patrons qui s’enrichissent sur notre dos, mais c’est aussi ouvrir le champ des possibles lorsqu’elle est reconduite et qu’elle se généralise en posant notamment la question de la reprise en main de notre outil de travail pour se libérer de la tyrannie des patrons. Il faut donc favoriser, partout où c’est possible, la convergence entre gilets jaunes et syndicats sur une base de classe.
Porter le conflit sur son lieu de travail, c’est aussi se prémunir contre une éventuelle récupération du patronat de la lutte qui a pu, ici et là, rendre visible certaines de ses revendications historiques (baisse/exonération des cotisations sociales et donc baisse des salaires, facilitation des licenciements, remise en question du code du travail et des libertés syndicales…).
Faire front contre l’extrême-droite et les actes racistes, sexistes, homophobes
La présence de l’extrême-droite organisée sur certains ronds points et dans certaines manifestations ne peut laisser indifférent-e-s toutes celles et ceux qui ont à cœur de construire un mouvement solidaire débarrassé du racisme, du sexisme, de l’homophobie… Les préoccupations d’égalité, de justice sociale et de démocratie d’une large partie des gilets jaunes se situent aux antipodes des l’extrême-droite. Elle profite cependant d’un mouvement peu structuré et socialement hétérogène pour faire progresser ses idées nauséabondes. Les propos racistes ou encore les actes contre les migrant-e-s doivent en particulier être dénoncées sans ambiguïté. L’action des militant-e-s fascistes doit être combattue sur le terrain par les idées et par les actes, en mettant en avant la solidarité plutôt que l’exclusion.
L’extrême-droite parlementaire et/ou fascisante tente aujourd’hui (comme hier) de diviser les travailleurs et les travailleuses, de nous monter les un-e-s contre les autres pour bâtir une société autoritaire et profondément inégalitaire. Le refus de Marine Le Pen d’approuver l’augmentation du SMIC est symptomatique d’une extrême-droite qui a toujours été proche du patronat en lui permettant de sauver ses profits en période de crise.
Décider à la base pour gagner ! Reprendre nos vies en main !
Nous sommes anarchistes et nos aspirations sont aussi démocratiques. Pour nous, ces aspirations ont une méthode, celle du communisme libertaire : c’est une organisation économique, politique et sociale basée sur la liberté, l’égalité et l’entraide.
Pour cela, il est nécessaire de donner le contrôle à la base, pour que les décisions soient prises par toutes et tous afin que les choix politiques soient réellement faits dans l’intérêt général.
Pour toutes ces raisons, nous ne pensons pas que le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) ou RIP, tout comme le salaire à vie de Friot, ou à la constituante de Chouard, soient des solutions. Les discours sur la nécessité de changer de république en adoptant la 6ème, ou ceux appelant à un processus de création d’une nouvelle constitution, restent dans le schéma où un changement radical de société ne semble même pas imaginable : la démocratie reste parlementaire (donc représentative), on continue à déléguer et à faire des chèques en blanc, l’économie reste capitaliste c’est à dire basée sur un système d’exploitation de notre force de travail, et la course au profit continue la destruction de la planète.
Pourtant, sans un changement radical de société, nous n’améliorerons pas nos conditions de vie, peut-être même ne pourrons-nous bientôt plus assouvir nos besoins vitaux. Il faut impérativement changer les façons de décider pour lutter contre le capitalisme et il faut impérativement lutter contre le capitalisme pour changer les façons de décider.