International

  • En première ligne, toujours du côté des exploité.es !

    03 Juil 2020

    Nous, les femmes, souffrons de la crise sociale et économique qui s’est déclenchée dans le monde entier après l’apparition du nouveau coronavirus et son expansion mondiale, mais en plus de cela, nous souffrons de la violence sexiste. Cette situation n’est pas nouvelle dans un système de domination patriarcale, mais elle a pris des formes particulières dans le contexte actuel, nous reléguant de plus en plus à la sphère privée et nous subordonnant de plus en plus à la figure masculine.

    Les violences sexistes ont augmenté avec le confinement. Privées de nos familles et de nos ami.es, nous, les femmes qui sommes obligées de vivre avec un agresseur, généralement notre partenaire, sommes piégées dans cette situation infernale. Les initiatives prises par les États ont été inefficaces et insuffisantes pour enrayer la violence domestique et le problème, loin de diminuer, elle s’est aggravée! Le confinement a empêché les femmes victimes de violences domestiques de quitter l’espace du foyer et de trouver un soutien à l’extérieur, car de nombreuses femmes ne peuvent appeler en présence de leur agresseur, qui reste au foyer.

    La montée du féminicide durant le confinement est une réalité en Amérique latine et ailleurs. Quant au harcèlement de rue, il n’a pas été confiné! Bien que les rues se soient vidées, l’enfermement n’a pas limité les agressions sexistes et sexuelles dans l’espace public et ouvert, bien au contraire. Avec ou sans masque, faire les courses, aller chez le médecin ou travailler sont devenus des obligations pour les femmes se présentant comme le terrain idéal dont les harceleurs ont pu tirer profit.

    Le travail gratuit que nous les femmes effectuons chaque jour s’est également accru avec l’enfermement. Outre le fait de s’assurer que les enfants sont bien nourri.es et font leurs devoirs, de nombreuses femmes ont dû faire du télétravail, ce qui a accru la charge mentale et émotionnelle pour toutes. Dans les pays où des mesures ont été adoptées pour permettre de rester chez soi sans avoir à aller travailler, ce sont encore les femmes qui gagnent des salaires inférieurs à ceux des hommes. Par conséquent, les hommes étant les « pourvoyeurs du foyer », la répartition des tâches domestiques a complètement disparu.

    Certaines femmes ont été plus touchées que d’autres par la crise et l’enfermement. La situation des femmes réfugiées, qui sont entassées dans des refuges ou des centres, est préoccupante, tout comme celle des femmes des quartiers populaires et des femmes racisées, car elles sont plus exposées à la pandémie. Ayant des emplois informels, elles ne peuvent pas rester chez elles et maintenir leur revenu, ni le maintenir en assumant les responsabilités du foyer. Parallèlement, la militarisation des espaces de vie nous a exposé à la répression policière ainsi que nos enfants.

    Le patriarcat et le capitalisme profitent du travail gratuit ou mal payé des femmes au nom de « l’unité nationale ». Nous sommes particulièrement vulnérables à la crise car nos emplois sont plus précaires que ceux des hommes et beaucoup d’entre travaillons dans des secteurs essentiels. Ainsi, de nombreuses travailleuses, comme celles d’entre nous qui travaillent dans les supermarchés, dans la santé et dans l’éducation, sont en première ligne de la pandémie, redoublant d’efforts pour l’arrêter. Ces secteurs du travail, où les femmes sont majoritaires, sont généralement mal payés, mais ce sont aussi des secteurs qui se distinguent historiquement par leur haut niveau de combativité pour de meilleurs salaires, contre les licenciements et la précarisation.

    Ce sont également nous, à travers nos organisations populaires, qui ont mis en pratique la solidarité et l’entraide. Les institutions de l’État n’ont pas été en mesure de répondre à la crise actuelle, c’est pourquoi ce sont les organisations populaires, composées en majorité de femmes, qui ont créé différentes stratégies pour atténuer la crise, à travers des cantines, des soupes populaires, des réseaux d’approvisionnement, tout comme le cas des couturières qui ont fabriqué des masques, parmi d’autres.

    A l’Etat, aux patrons, à la police, aux violences sexistes, aux racistes, aux LGBTIphobes, nous disons : nous n’abandonnerons pas et nous nous battrons toujours pour rendre nos luttes visibles, contre toutes les formes de domination. Nous ne sommes pas en première ligne avec les capitalistes, nous sommes en première ligne pour transformer la société!
    ¡¡Arriba las que luchan!!

    Signataires :

    ☆ Coordenação Anarquista Brasileira – CAB (BRÉSIL)
    ☆ Alternativa Libertaria – AL/fdca (ITALIE)
    ☆ Federación Anarquista Uruguaya – FAU (URUGUAY)
    ☆ Federación Anarquista Rosario – FAR (ARGENTINE)
    ☆ Organización Anarquista de Córdoba – OAC (ARGENTINE)
    ☆ Grupo Libertario Vía Libre (COLOMBIE)
    ☆ Union communiste libertaire (FRANCE)
    ☆ Workers Solidarity Movement – WSM (IRLANDE)
    ☆ Die Plattform – Anarchakommunistische Organisation (ALLEMAGNE)
    ☆ Organization Socialiste Libertaire – OSL (SUISSE)
    ☆ Libertaere Aktion (SUISSE)
    ☆ Melbourne Anarchist Communist Group – MACG (AUSTRALIE)
    ☆ Aotearoa Workers Solidarity Movement – AWSM (Aotearoa / NOUVELLE ZÉLANDE)
    ☆ Anarchist Unión of Afghanistan and Iran – AUAI (IRAN & AFGHANISTAN)


  • Manifestation de BDS interdite

    27 Juin 2020

    La préfecture de Montpellier a interdite la manifestation contre l’annexion de territoires palestiniens par Israël qui devait avoir lieu le 27 juin à 16h30. Nous étions signataires de l’appel à manifester, nous vous partageons le communiqué qui a été rédigé en réponse à cette décision.

    En interdisant la manifestation de BDS France Montpellier, la préfecture de Montpellier s’oppose à la décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) en matière de liberté d’expression.

    La Campagne BDS France Montpellier a déclaré en bonne et due forme une manifestation pour le 27 juin 2020 à 16h30 au départ de la place de la Comédie. L’objet de la manifestation mentionné dans la déclaration : « Stop à l’annexion de la Vallée du Jourdain et respect du droit international par Israël ». L’appel à cette manifestation est co-signée par : « AFPS 34 (Association France Palestine Solidarité), APLR (Association des palestiniens L.R), ATTAC Montpellier, BDS France Montpellier, CCIPPP34 (Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien), CIMADE, CNT ESS34, Ensemble 34, FUIQP (Front Uni des Quartiers Populaires et de l’Immigration),Libre Pensée Montpellier, MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente), NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), PG (Parti de gauche), UCL (Union Communiste Libertaire), UJFP (Union Juive Française pour la Paix) … »

    La Campagne BDS France Montpellier, mouvement antiraciste, non violent et populaire est l’objet d’un harcèlement constant depuis 2015 par la Ville de Montpellier et la préfecture. Plus d’une quinzaine de PV, plus d’une vingtaine d’auditions au commissariat, rappels à la loi (pour des faits non fondés), plainte pour diffamation (classée sans suite), deux procès au tribunal de police (deux relaxes !), destruction du chapiteau BDS (17/10/2015), confiscation du chapiteau et de 2 tables, non rendus à ce jour (7 mars 2020) – liste non exhaustive…

    La dénonciation de l’apartheid israélien, des violations du droit international et des droits humains et l’appel au boycott d’Israël sont la cause de ce harcèlement.

    Déjà la première interdiction de manifestation le 31 octobre 2015 reposait sur ce « considérant » principal : Extrait :

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    Nul ne saurait ignorer que le 11 juin 2020 la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a conclu que la condamnation de 11 militant.e.s pour leurs actions de campagne appelant au boycott des produits israéliens bafouait leur droit à la liberté d’expression. Elle a rétabli le droit d’appeler au boycott d’Israël et a condamné la France pour la violation de la liberté d’expression à verser plus de 7000€ par requérant.

    On aurait pu penser que les services de la Préfecture de l’Hérault seraient attentifs à ce verdict. Il n’en est rien puisque l’arrêté d’interdiction de la manifestation de samedi 27 juin 2020 mentionne comme « considérant » spécifique à BDS France Montpellier que celui-ci diffuse (…) des « informations contenant des slogans hostiles à l’État d’Israël générant des troubles à l’ordre public ».(…)

    La condamnation de militant.e.s qui ont mené des actions de boycott de produits israéliens dans un magasin a été sanctionnée d’atteinte à la liberté d’expression par la CEDH.

    Après avoir interdit la manifestation, la préfecture de l’Hérault va t-elle poursuivre les manifestant.e.s dont le slogan « hostile » est : « Stop à l’annexion de la Vallée du Jourdain et respect du droit international par Israël » ? Faut-il rappeler à la préfecture que l’annexion de la Vallée du Jourdain est unanimement condamnée par l’ONU, l’UE et la France.

    Dernière minute : La préfecture vient d’envoyer sa police notifier au domicile des 3 signataires de la déclaration de manifestation et à un militant habituellement ciblé ( !) l’interdiction de manifester en insistant sur les sanctions encourues (au pénal) en cas de transgression par toute personne présente sur les lieux. Dans ces conditions ne voulant exposer personne à la répression policière et judiciaire, BDS France Montpellier a décider d’annuler la manifestation ce samedi 27 juin et fixera la date d’une nouvelle manifestation très prochainement soyez-en assuré.e.s.

  • Non à l’annexion des territoires palestiniens!

    19 Juin 2020

    Nous vous relayons le dernier appel lancer par la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanction (BDS) qui appelle à marcher contre l’annexion des territoires palestiniens et que nous avons décidé de signer.

    Le gouvernement israélien de Netanyahou promet, avec le soutien de l’administration Trump et la complicité de l’Union européenne (UE), d’engager dès le 1er juillet l’annexion pure et simple d’une grande partie des territoires palestiniens occupés de Cisjordanie, en violation flagrante du droit international.

    Ces déclarations annexionnistes de 30% de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 53 ans, représentent un vol flagrant des terres palestiniennes et une nouvelle vague de nettoyage ethnique qu’opère le colonisateur israélien à l’encontre du peuple palestinien depuis 1948.

    Ce régime ouvertement colonialiste et raciste se sent d’autant plus encouragé dans cette voie criminelle qu’avec une actualité mondiale, marquée notamment par l’épidémie de coronavirus et ses conséquences, il espère détourner l’attention de ses propres crimes contre le peuple palestinien.

    C’est pourquoi les partis, organisations et associations soussignés, engagés dans la lutte contre le racisme, fondement du colonialisme, appellent à manifester à Montpellier samedi 27 juin à 16h00 Place de la comédie pour affirmer notre solidarité avec la Palestine et sa résistance.

    Premières organisations signataires : APLR (Association des palestiniens L.R), BDS France Montpellier, CCIPPP34 (Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien), FUIQP (Front Uni des Quartiers Populaires et de l’Immigration), MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente), NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) …

  • Le dernier combat de Maurice Rajsfus

    16 Juin 2020

    Nombre de militantes et de militants qui ont eu la chance de le côtoyer dans sa longue vie de luttes regretteront la générosité et la malice de Maurice Rajsfus, reconnaissable à son écharpe rouge, décédé le 13 juin 2020 à l’âge de 92 ans.

    Maurice nous a quitté·es le jour même de la manifestation à Paris, initiée par le Comité Adama. Le collectif Vies volées, collectif de familles victimes de crimes policiers, a d’ailleurs rendu hommage à ce «pionnier de la lutte contre les violences policières». Ses enfants, Michelle et Marc Plocki, témoignent : «Nous avons pu, lors de ses derniers jours de lucidité lui dire ce qui se passait à Paris et dans le monde entier, contre les violences policières et le racisme policier. Il est paradoxal qu’il soit parti alors que le combat qu’il a mené souvent seul, en éclaireur, sur ces questions, durant des dizaines d’années, prend aujourd’hui des dimensions à la hauteur de ces violences systémiques inacceptables et de leur déni par leurs auteurs et leurs donneurs d’ordre».

    Rescapé du Vel d’Hiv en 1942

    Maurice a vécu dans sa chair les crimes de la police puisqu’il était rescapé, à 14 ans, avec sa sœur Jenny Plocki, de la rafle antisémite du Vel’d’Hiv du 16 juillet 1942 opérée par les policiers français. Leur père Mushim Plocki et leur mère Rywka Rajsfus (qui fut en Pologne militante du Bund, parti ouvrier juif révolutionnaire), émigré·es Juifs polonais «ayant fui autant l’antisémitisme que le carcan étouffant de la religion» furent déporté·es et disparurent dans le camp nazi d’Auschwitz. «J’en veux profondément à la police de ce pays, plus qu’aux Allemands; sans cette police, les nazis n’auraient pas pu faire autant de dégâts.»

    Maurice Rajsfus a écrit de nombreux livres sur cette période, particulièrement sur Vichy et sur la politique de déportation, défrichant et éclairant certaines zones d’ombre jusqu’alors peu explorées par les historiennes et historiens.

    Maurice devint militant à 16 ans, après la Libération de Paris en août 1944. Son parcours, depuis son engagement dans le mouvement des Auberges de jeunesse et sa participation active à la lutte anticolonialiste contre la guerre d’Algérie, démontre qu’il resta toujours un esprit libre et un «contestataire irréductible».

    L’Observatoire des libertés publiques

    C’est après Mai 68 qu’il constitue patiemment, jusqu’en 2014, un fonds unique d’environ 10.000 fiches sur les violences policières, qui lui servit de source pour de nombreux ouvrages sur le sujet. Puis il crée en mai 1994, avec Jean-Michel Mension (alias Alexis Violet, qui fut l’un des auteurs de l’inscription «Ici on noie les Algériens», sur les quais de la Seine au lendemain du massacre du 17 octobre 1961), l’Observatoire des libertés publiques (OLP). L’OLP publiera régulièrement le bulletin Que fait la police? jusqu’en 2014.

    Au lendemain de l’ignoble profanation du cimetière juif de Carpentras en 1990, dans un contexte de forte montée du FN, il fut l’initiateur de l’«Appel des 250», d’où devait sortir le réseau antifasciste Ras l’front. Il en fut le président jusqu’en 1999, tout en poursuivant un compagnonnage avec le réseau No Pasaran et avec la revue REFLEXes. «C’est cet héritage de persécuté qui a fait de moi un révolté, mais surtout un militant viscéralement opposé aux tenants de l’Ordre nouveau et de la politique d’exclusion. Fugitif, Juif errant malgré moi pendant mon adolescence, je faisais partie de ceux que l’on rejette, que l’on expulse, que l’on assassine à l’occasion.» (Chaque pierre a son histoire, Ginkgo, 2012)

    Ses enfants, Michelle et Marc Plocki, témoignent qu’il leur a «appris l’esprit critique et l’insoumission à l’air du temps. Il n’a jamais recherché le confort des majorités, dont il se méfiait. Passé par plusieurs partis politiques, il a fini par choisir une voie personnelle, tout en continuant de “cousiner”, comme il aimait à le dire, avec les uns et les autres, à gauche de la gauche».

    Le meilleur hommage à rendre à Maurice Rajsfus est de poursuivre et d’amplifier son combat de toujours contre le fascisme, l’idéologie sécuritaire et la répression.

    Ses archives personnelles devraient être hébergées par la Contemporaine (anciennement Bibliothèque de documentation internationale contemporaine) à Nanterre.

    Salut et fraternité, Maurice!

    Sébastien (UCL Nantes)

    A lire également :


  • Pourquoi l’armée française doit quitter le Sahel

    14 Juin 2020

    Additionner sans fin les «scalps» de djihadistes, cela aide-t-il l’Afrique de l’ouest à aller vers une solution politique et sociale aux conflits qui la déchirent? Non. En revanche, l’opération Barkhane sécurise l’uranium nigérien et conforte la tutelle de la France sur des gouvernements vassalisés et discrédités.

    Depuis 2013, la France mène une «guerre sans fin» au Sahel, principalement au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Officiellement, c’est une «guerre contre le terrorisme», formule magique simplifiant trompeusement la complexité des conflits dans la région : insoumission de minorités (touarègues ou peules) stigmatisées, concurrence foncière entre cultivateurs et éleveurs, ­crise économique et narcotrafic [1]…

    A l’époque, l’armée malienne s’est effondrée face à l’offensive rebelle. Sa corruption structurelle était de notoriété publique – une place de sous-officier ou de soldat s’y achetait 250.000 à 500.000 francs CFA [2] – et bien des militaires ont été au front presque sans équipement, parce que leurs officiers l’avaient vendu en contrebande… Quant aux pays voisins, que l’Onu avait mandatés pour secourir le Mali, ils tardaient à bouger, et pressaient plutôt Bamako d’appeler Paris à l’aide…

    Dans le sud du Mali, on s’est mis à espérer une intervention française, qui sera largement applaudie. Même des intellectuels anti-impérialistes comme Samir Amin y ont alors vu le moindre mal et l’ont appuyée [3].

    En réalité, réclamer une intervention française revenait à s’enchaîner «au char néocolonial» pour «longtemps encore», écrivait alors Alternative libertaire [4]. Mais à l’époque, il était difficile de faire entendre cette critique, et la diaspora malienne en France boycotta l’un des seuls rassemblement de protestation contre Serval, convoqué devant le siège d’Areva par AL, LO et le NPA.

    Sept ans plus tard, le climat est tout autre. Les opinions africaines sont de plus en plus hostiles à l’intervention française, tandis que les autres Occidentaux font tout pour s’en tenir à distance.L’opération Barkhane au premier semestre 2020. Cliquer pour agrandir Source : ministère français de la Défense

    Pour sensibiliser l’opinion ­française à la question, il y a au moins cinq bonnes raisons de réclamer le retrait des troupes tricolores du Sahel.

    1. Parce que c’est une guerre sans fin

    Des groupes armés rustiques qui frappent et disparaissent, pas de ligne de front, pas d’objectif militaire clair, encore moins d’objectif politique, des populations civiles prises entre deux feux et suspectées de part et d’autre de collaborer avec «l’ennemi»… Autant de caractéristiques d’une guerre contre-insurrectionnelle devenue un «bourbier». Comme les États-Unis au Vietnam, comme l’URSS puis les États-Unis en Afghanistan, l’État français sait qu’il est engagé dans une guerre ingagnable. Seulement, comme ses prédécesseurs, il ne sait comment en sortir.

    Quitter le Sahel dans ces conditions, c’est avouer sept ans de guerre «pour rien». Y rester, c’est perpétuer une routine macabre, où l’état-major se donne l’impression de remplir sa mission en faisant du chiffre – ou «du scalp» comme il le dit avec dérision : ici, 20 combattants tués dans une frappe de drone, là, 30 autres pulvérisés par un Mirage 2000. Ils seront vite remplacés [5].Les chefs djihadistes lors de la fondation du GSIM, en mars 2017. Au centre, la figure tutélaire : Iyad ag Ghali, formé par le régime libyen, puis chef rebelle touareg, puis homme de gouvernement à Bamako, puis rebelle djihadiste. A gauche : le prédicateur peul Ahmadou Koufa.

    2. Parce qu’elle retarde une solution politique

    Le retrait piteux des troupes françaises interviendra tôt ou tard mais, en attendant, leur présence empêche que d’autres options que la «guerre au terrorisme» soient explorées. C’est le souhait d’une partie de la société malienne, qui pense que le djihad n’est que le paravent d’une rébellion dont les ressorts sont en réalité sociaux et politiques, et qu’il faut négocier pendant qu’il est encore temps, c’est-à-dire avant que des djihadistes internationaux, rescapés de Syrie par exemple, viennent faire leur trou au Sahel et rendent tout dialogue impossible [6].

    Ainsi quand, en avril 2017 au Mali, une Conférence d’entente nationale a préconisé l’ouverture de négociations avec les deux principaux chefs islamistes, Ahmadou Koufa et Iyad Ag Ghali, Paris a aussitôt interdit au gouvernement malien d’aller dans ce sens [7].

    Rebe­lote début 2020, quand la force Barkhane a affirmé qu’elle ne tiendrait aucun compte d’éventuelles négociations, et continuerait à frapper les terroristes [8]. La tutelle française empêche donc la recherche d’une solution politique par les Maliennes et Maliens eux-mêmes.Paris ferme les yeux sur les atrocités commises contre les populations civiles par ses alliés au nom de l’antiterrorisme. Photo : état-major des armées.

    3. Parce qu’elle aggrave sans doute la situation

    La routine meurtrière de Barkhane alimente le désir de vengeance. Et celui-ci progressera avec les victimes «collatérales» qui ne peuvent qu’augmenter depuis qu’en décembre 2019, Barkhane a armé ses drones de missiles. On l’a vu dans une autre «guerre sans fin», celle menée par Obama contre Al-Qaeda au Pakistan et au Yémen entre 2008 et 2016 : sur 3.800 morts dans 542 «attaques ciblées» de drones, 8% étaient des civils tués par accident [9].

    Les motivations de jeunes sans-le-sou, au Sahel, pour rejoindre l’islamisme armé sont diverses : l’appât du gain (rapines et trafics), du pouvoir, la défense d’une minorité (touarègue ou peule) maltraitée par un État raciste et ses militaires… La référence intégriste à l’islam fournit un habillage vertueux à cet engagement. Mais avec la présence française, on peut y ajouter un autre motif, prestigieux : le combat anticolonial contre les «croisés».Zones d’attaques djihadistes et bases militaires (2015-2018). Cliquer pour agrandir Source : IHS Markit

    En mars 2017, face à l’adversaire, quatre groupes djihadistes jusque là concurrents – Ansar Dine, AQMI-Sahel, Al-Mourabitoune et la Katiba Macina – se sont ainsi unifiés au sein du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaeda). L’une des craintes de certains observateurs est que le GSIM «monte en gamme» et devienne capable de se projeter au-delà de sa zone d’action traditionnelle, par exemple en planifiant des attentats de représailles dans l’Hexagone [10]. Pour la population française, qui se soucie peu de l’opération Barkhane, le réveil serait violent.



    4. Parce qu’elle conforte un système criminel

    Pour bien des régimes discré­dités et corrompus, la «guerre contre le terrorisme» est un alibi pour obtenir la bénédiction occidentale. Or la définition du «terrorisme» peut être, comme souvent, floue et mâtinée de racisme. Les minorités touarègue et peule, accusées de sympathie pour les djihadistes, en sont particulièrement victimes. Au Mali et au Burkina, depuis 2016, les populations civiles ne sont en réalité pas seulement victimes des djiha­distes, mais aussi de l’armée régulière et de milices qui lui sont inféodées. Leurs crimes, exécutions sommaires et massacres collectifs se chiffrent en centaines de morts [11]. Parce qu’il émane ­d’États alliés, le gouvernement français ferme les yeux sur ce genre-là de… terrorisme.

    De façon générale, le quadril­lage du continent par l’armée tricolore – plus de 8.000 militaires dans 9 pays, en mars 2020 – conforte l’impunité. Qu’on pense au triste doyen des autocrates africains, le Came­rounais Paul Biya (au pouvoir depuis… 1982!), ou au Tchadien Idriss Deby (au pouvoir depuis 1990). En février 2019, Paris lui a sauvé la mise pour la énième fois, quand Barkhane a dévié de sa mission pour bombarder, au Tchad, une colonne de rebelles qui n’étaient pourtant pas des djihadistes! [12]

    5. Parce qu’il s’agit d’une intervention impérialiste

    Depuis les indépendances, la France a voulu conserver son influence en Afrique. Fondamentalement, l’armée française est calibrée moins pour la «défense», que pour être «projetée» sur des théâtres lointains, au gré des intérêts de l’État et du capitalisme national. En mars 2020, selon les chiffres de l’état-major, 41% des effectifs déployés l’étaient à ­l’étranger [13]. C’est une armée d’«opérations extérieures», c’est-à-dire une armée impérialiste.

    Comme la Russie actuellement en Syrie ou les États-Unis au Vietnam jadis, la France se prévaut d’être une «puissance invitée» au Sahel par des gouvernements amis qui l’ont appelée à l’aide. Cette rhétorique masque mal sa motivation impérialiste. D’une part, il lui faut sécuriser ses approvisionnement en uranium nigérien. D’autre part, il lui faut confirmer qu’elle est une tutrice fiable, avec laquelle il faut compter. C’est une clef déterminante pour conserver, face à la concurrence états-unienne et chinoise, des concessions et des marchés publics en Afrique.

    Pourtant, l’État français, qui prétend rétablir l’ordre au Sahel a une responsabilité importante dans la situation actuelle. En 2011, il ne pouvait ignorer – puisque c’était la grande crainte du Tchad, du Niger, du Mali ou de l’Algérie – que la destruction du régime du colonel Kadhafi, en Libye, risquait d’entraîner une dissémination d’armements et de «soldats perdus» au Sahel, où Kadhafi avait tiré les ficelles des rébellions pendant plus de vingt ans.En mars 2020, 41% des effectifs déployés par l’armée française l’étaient à ­l’étranger. Photo : état-major des armées.

    Démystification

    Au Sahel, l’État français se présente en sauveur. La réalité est qu’il ne sauve pas la population et ne réduit pas la violence. Il ne sauve que les mines d’uranium et son statut d’État suzerain vis-à-vis de ­gouvernements vassalisés. Sa présence armée enferme l’Afrique de l’ouest dans la dépendance, la maintient parfois sous la férule de dictateurs démoné­tisés, éloigne la possibilité de négociations de paix et, globalement, prolonge et aggrave une guerre sans fin.

    Guillaume Davranche (UCL Montreuil)

    [1] Eros Sana, «Mali : les véritables causes de la guerre», Bastamag, 4 février 2013.

    [2] Aminata Traoré, Boubacar Boris Diop, La Gloire des imposteurs, Philippe Rey, 2014.

    [3] Aminata Traoré, Boubacar Boris Diop, La Gloire des imposteurs, Philippe Rey, 2014.

    [4] Alternative libertaire, «Mali : Areva vaut bien une guerre», 16 janvier 2013.

    [5] «“Barkhane” dit éliminer au Sahel une centaine de combattants par mois», Le Monde, 11 mars 2020.

    [6] Ce qui est en train d’advenir, avec la montée actuelle d’un concurrent du GSIM, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS)

    [7] Moussa Bolly, «Paris interdit à Bamako de négocier avec Iyad», Maliactu.net, 14 avril 2017.

    [8] Le Monde, 11 mars 2020.

    [9] «Obama’s Final Drone Strike Data», sur Cfr.org.

    [10] Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Une guerre perdue. La France au Sahel, JC Lattès, 2020.

    [11] Human Rights Watch, «Les atrocités commises au Burkina Faso au nom de la sécurité risquent de grossir les rangs des terroristes», 12 juin 2019 ; Rapport HRW sur les «atrocités commises contre des civils dans le centre du Mali», février 2020; «La Minusma accuse l’armée malienne d’avoir perpétré 101 exécutions extrajudiciaires», Malijet.com, 4 mai 2020, etc.

    [12] Thomas Noirot, «Tchad : L’armée française hors de contrôle», Survie, 25 février 2019.

    [13] Infographie, ministère de la Défense, mars 2020.


  • I CAN’T BREATHE – JE NE PEUX PAS RESPIRER IL N’Y A PAS DE BONNE POLICE

    14 Juin 2020

    Si Christophe Castaner affirme que la France ce n’est pas les Etats-Unis et se permet de condamner l’assassinat de Georges Floyd par la police, c’est qu’il a la mémoire sélective. Environ 15 personnes sont tuées chaque année par l’action de la police en France. Les violences, humiliations, et assassinats ont augmenté ces dernières années d’après le dernier rapport du défenseur des droits. En mai, le compteur était déjà à 12 morts. Chez ce ministre, le cynisme le dispute à l’incompétence – Il vient ainsi annoncer remplacer la très dangereuse prise d’étranglement par l’encore plus dangereux tazer, responsable de nombreux décès par arrêt cardiaque…

    Partout, la police exprime le racisme d’état


    Castaner a déclaré en réaction à l’assassinat de Georges Floyd : « il n’y a pas d’institution raciste ou de violences ciblées. Il n’y a qu’une police républicaine au reflet de la société ». Il n’y a effectivement qu’une police républicaine et elle est intrinsèquement raciste. La république française est née dans le sang de la colonisation et porte en elle l’impérialisme et le racisme qui en découle. Les colonies que la France a conservées sont d’ailleurs toujours le laboratoire du pire en matière de maintien de l’ordre (Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Guyane…)


    Ce n’est pas un hasard, si la liste des morts par la main de la police comporte autant de personnes nonblanches. Ce n’est pas un hasard non plus si les méthodes actuelles de la police française, exportées largement à l’international, sont nées dans le contexte de la guerre d’Algérie.

    Que ce soit aux Etats-Unis, où le racisme est également ancré historiquement dans les structures sociales ou en France où le racisme d’Etat s’exprime de manière très décomplexée depuis plusieurs années, à travers les lois anti-voile ou les propos assumés des gouvernants stigmatisant spécifiquement les personnes musulmanes, le racisme des policiers n’est pas un racisme d’individu. C’est bel et bien un racisme institutionnel. Les scandales ponctuels mettant en cause des propos racistes et sexistes de policiers ne sont que la face émergée de l’iceberg et il est évident que l’ensemble de l’institution est gangrénée par un racisme révélant le vrai visage de l’Etat.


    Partout, la police est garante des inégalités

    De manière institutionnelle, la police est le bras armé de l’Etat. Le rôle de la police n’est pas de protéger la population, mais les intérêts des gouvernants.

    Ainsi, lorsque la population s’oppose à des décisions du gouvernement, la police ne protège pas les manifestants, mais les réprime, pour protéger les décisions du gouvernement, comme l’illustrent parfaitement ces trois dernières années de violente répression des mouvements sociaux des Gilets Jaunes, contre la loi travail, contre la réforme des retraites.


    L’Etat comme forme d’organisation sociale permet à l’économie capitaliste de prospérer, elle qui est fondée sur le principe d’exploitation de la majorité par une minorité. L’Etat est ainsi garant des inégalités que portent en lui le système capitaliste. Ses institutions, dont la police, sont nécessairement garantes de ces mêmes inégalités. C’est ainsi qu’on ne verra jamais un riche patron en garde à vue pour ne pas avoir assuré la sécurité de ses salariés, mais qu’on voit en revanche régulièrement les policiers sévir dans les quartiers les plus pauvres, harceler ses habitants pour rien.


    L’un des objectifs de l’Etat c’est d’assurer aux plus riches et puissants, un ordre social pacifié, dans lequel les exploité-es et les laissé-es pour compte du système ne vont pas protester. De manière systémique, la police aura alors pour fonction d’humilier, d’intimider, de réprimer, les populations considérées comme mettant en péril cet ordre social pacifié, cet ordre public. Ainsi, nous devons craindre la police dès notre plus jeune âge pour nous dissuader de nous opposer à cet ordre public pacifié, et nous devons aussi savoir que la police peut tuer si elle le souhaite. D’ailleurs, les policiers mis en cause dans des affaires de violences et de meurtre, dans le cadre de leurs fonctions, ne sont, sauf quelques très rares exceptions, jamais sanctionnés, ni vaguement inquiétés.


    Quelques soient les pays, les usages, les méthodes employés ou bien les armes utilisés, la police aura toujours ce rôle social de garant des inégalités et de protection des gouvernants.

    Une bonne police n’existe pas, un bon Etat n’existe pas, un bon capitalisme n’existe pas.

    Luttons pour la rupture et pour une autre société.

  • Solidarité avec la lutte du peuple nord-américain !

    09 Juin 2020

    « La coordination des organisations proches ou faisant partie du réseau Anarkismo tient à montrer toute sa solidarité au peuple Nord-Américain en lutte. Nous condamnons le meurtre de George Floyd par la police de Minneapolis, marquant un acte raciste de plus au sein de la première puissance impérialiste mondiale. »

    Cet acte vient s’ajouter aux innombrables meurtres dans la population noire aux États-Unis, qui ont été perpétrés depuis l’époque de l’esclavage et n’ont pas cessé jusqu’à ce jour. Sous l’administration Obama, des dizaines de meurtres de jeunes femmes et de jeunes homme noires ont rappelé les événements similaires des années 1950 et 1960. La réponse a été une éruption rapide du mouvement noir dans tout le pays, de la même manière qu’en ce moment même se déroulent de vastes manifestations qui montrent que la population en a assez de la violence et de l’impunité policière.

    Le quartier général de la police à Minneapolis a été incendié par les manifestantes et les manifestants et plusieurs véhicules ont été attaqués, des actions directes sont menées dans plusieurs villes avec des affrontements avec la police, Trump a même donné l’ordre à l’armée de descendre dans la rue. Le racisme, élément structurel de la société capitaliste, en particulier dans la société américaine, est malheureusement intact, mais la résistance et la lutte des Noir·es et des pauvres du nord l’est aussi.

    Trump accuse aussi les anarchistes et militant–es antifascistes d’être les instigatrices et instigateurs des émeutes. Ce mouvement est un mouvement de révolte populaire, les dizaines de milliers de personnes qui participent ne sont pas ou ne se revendiquent pas appartenir à un courant politique, mais comme toujours les sphères du pouvoir tentent de trouver des responsable à accuser, pour ne pas mettre en cause les questions structurelles et conclure que l’État raciste, patriarcal et capitaliste qui opprime et tue les classes populaires est bien le seul instigateur des révoltes.

    Le racisme sera enterré en même temps que le capitalisme.

    Tout notre soutien et notre solidarité au peuple américain qui lutte contre la violence et les exactions de la police.

    Nous adressons aussi tout notre soutien à nos camarades anarchistes nord-américain·es!

    VIVE CELLES ET CEUX QUI LUTTENT!

    Signataires :

    ☆ Coordenação Anarquista Brasileira – CAB (BRÉSIL)
    ☆ Alternativa Libertaria – AL/fdca (ITALIE)
    ☆ Federación Anarquista Uruguaya – FAU (URUGUAY)
    ☆ Federación Anarquista Rosario – FAR (ARGENTINE)
    ☆ Organización Anarquista de Córdoba – OAC (ARGENTINE)
    ☆ Federación Anarquista Santiago – FAS (CHILI)
    ☆ Grupo Libertario Vía Libre (COLOMBIE)
    ☆ Union Communiste Libertaire (FRANCE)
    ☆ Embat – Organización Anarquista (CATALOGNE)
    ☆ Die Plattform – Anarchakommunistische Organisation (ALLEMAGNE)
    ☆ Devrimci Anarşist Faaliyet – DAF (TURQUIE)
    ☆ Organization Socialiste Libertaire – OSL (SUISSE)
    ☆ Libertaere Aktion (SUISSE)
    ☆ Melbourne Anarchist Communist Group – MACG (AUSTRALIE)
    ☆ Aotearoa Workers Solidarity Movement – AWSM (Aotearoa / NOUVELLE ZÉLANDE)
    ☆ Anarchist Unión of Afghanistan and Iran – AUAI (IRAN & AFGHANISTAN)
    ☆ Manifesto (GRÈCE)
    ☆ Zabalaza Anarchist Communist Front – ZACF (AFRIQUE DU SUD)


  • L’Amérique Latine nouveau centre de la pandémie

    31 Mai 2020

    L’épidémie de coronavirus a fait plus de 40 000 mort-e-s en Amérique du Sud et aux Caraïbes depuis son commencement selon les derniers décomptes, plaçant l’Amérique Latine comme nouvel épicentre de l’épidémie du Covid-19. Certaines mesures obtenue par la lutte dès les débuts de la crise, comme la mise en place de minimas sociaux, ont aidé à ralentir un peu la propagation de l’épidémie, permettant aux classes populaires d’être un peu moins exposés. Mais jamais elles n’ont été réellement suffisantes, et sans aucunes réponses conséquentes face aux problèmes sanitaires et sociaux des quartiers populaires, ce sont une fois de plus celles et ceux d’en bas qui vont souffrir et être les premières et premier concerné-e-s par les pertes dû au virus. »

    « Avec plus de 25 000 mort-e-s et au moins 400 000 cas confirmés, le Brésil est de loin le pays le plus touché dans la région et en passe de devenir le plus touché au monde. Le Chili a enregistré lundi un nouveau record de contaminations avec 4895 nouvelles infections en 24 heures, l’Argentine voit les chiffres augmenter de manière très inquiétante de jour en jour depuis que l’épidémie touche les quartiers les plus défavorisés. Avec plus de 100 000 contaminations, le Pérou est le deuxième pays le plus touché du continent, le gouvernement traînant à mettre en place des mesures sociales pour les classes populaires, des foyers de contaminations se sont développés partout dans le pays et comme ailleurs la faim les a obligées à sortir malgré la quarantaine.

    Comme l’on pouvait le pressentir, la situation empire de manière vive et violente et déjà, alors que le continent paraît encore loin d’atteindre le supposé « pique épidémique » qui laisserait entrevoir la vague descendante, les différents systèmes de santé publique sont déjà dans l’incapacité d’absorber les besoins en ventilateurs et lits de réanimation. Dans les quartiers populaires la faim se fait omniprésente, pour les classes populaires les possibilités d’y faire face s’amenuisent à mesure que se durcissent les décisions gouvernementales. La répression se met en place et s’abat sur celles et ceux qui se révoltent pour exiger de vraies décisions et politiques sociales. Au Chili des émeutes ont explosé dans plusieurs quartiers, des habitantes et habitants exigeant le minimum vitale, comment rester chez soi quand l’on a rien à manger? « Nos vies comptent »

    La réponse, c’est une répression violente, qui fait écho à celles qui ont marqué l’énorme mouvement social de la fin d’année dernière, le pays est toujours dans un climat extrêmement tendu et la gestion de la pandémie par le gouvernement patriarcal, raciste et assassin de Piñera ne fait qu’accentuer les tensions sociales. À Buenos Aires, capital de l’Argentine, la situation empire un peu plus chaque jour dans les quartiers populaires qui représente environ 10 Millions des habitantes et d’habitants de la mégalopole, on craint une contamination qui pourrait s’étendre à prêt de 70% de la population.

    Les « Villas » (bidonvilles) sont les plus touchées, dû à la surpopulation et aux conditions sanitaires notamment le manque, voir l’absence, d’eau courante. Les péronistes au pouvoir ont fait le choix de la ségrégation en déclenchant un plan d’isolement total pour les quartiers où s’étendrait fortement le virus. La « Villa Azul » fait depuis ce début de semaine office de test en la matière, des militaires sont placé-e-s à toutes les entrées/sorties empêchant tout mouvement. Depuis le début de l’épidémie, les militantes et militants des organisations populaires font face et se retrouvent exposé-e-s au tout premier plan, en grande partie pour assurer le maintien des comedor, les cantines populaires, et déjà beaucoup d’entre elles et eux sont touchés par le covid. Deux en sont décédé-e-s, Ramona militante de « La garganta Poderosa » et Agustin Navarro de l’organisation « Barrios de Pie ». « Non à la militarisation dans les quartiers populaires et des bidonvilles! Nous voulons à manger pour une quarantaine sans faim! Des tests et une vigilance sanitaire! Non à la militarisation! De la nourriture et de l’eau potable! »

    Au Pérou les infirmières et les infirmiers déplorent une catastrophe digne de film d’horreur, les patient-e-s mourant dans les couloirs des hôpitaux sans possibilités de les prendre en charge tant les hôpitaux sont dépassés par les événements. Le Brésil subit de plein fouet les affres du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, résolu à tout faire pour empêcher la mise en place de politiques de protection sociales et sanitaires conséquentes sous couvert de « protection économique », traînant le pays au second rang mondial en terme de contamination. Le ministre de la santé a démissionné, dénonçant les tentatives d’intimidations visant à le forcer lui et son ministère à reconnaître la chloroquine et l’hydroxychloroquine comme étant des traitements sûr face au virus. La semaine passée le Brésil, avec plus de 1100 décès en moyenne a été le pays à déplorer le plus grand nombre de mort-e-s par jours, dans un pays où près de 40% des lits de réanimations se trouvent dans des cliniques privées, les hôpitaux publiques sont bien incapables d’encaisser le choc. L’aide d’urgence de 600 R$ (100€ – Un peu moins de la moitié du salaire minimum) que doit débloquer le gouvernement pour les travailleuses et travailleurs informel-le-s pourrait concerner au plus fort de la crise jusqu’à 59% de la population. « #LuiJamais »

    Dans ce contexte, ce ne sont pas moins de 27 demandes de destitution contre Bolsonaro qui ont été déposées devant le parlement par l’opposition, malgré tout il n’est pas pour autant en péril, et au contraire c’est plutôt le soutien dont il bénéficie chez les militaires faisant partie intégrantes de son gouvernement qui est à surveiller, faisant planer l’ombre d’un coup d’état. Les grandes puissances impérialistes comme à leur habitudes tournent le dos aux pays du Sud et la situation économique que connaissent les pays Latino-Américain dépend en partie de l’attitude et des politiques de ceux-ci, impactant la détérioration des systèmes de santé et le manque de moyen pour mettre en place des politiques publiques. Dans ce contexte nous, communistes libertaires, nous devons mettre en avant les luttes de nos camarades afin de les rendre encore plus visibles, la solidarité internationaliste est aujourd’hui comme hier primordiale et a crucialement besoin de se faire concrète. L’UCL par le biais de la commission des relations internationales ne cessent d’accentuer et de renforcer ses liens avec les différentes organisations sociales et politiques de notre camp. « Racisme et terrorisme d’État dans les favelas »


  • Le faux dilemme du protectionnisme et du libre-échange

    23 Mai 2020

    Le faux dilemme du « libre-échange » et du « protectionnisme ». L’absurdité de la mesure internationale du chômage illustrée par les derniers chiffres français. Le soutien de l’Etat au secteur touristique. Voilà le programme de cette nouvelle note du Groupe de Travail Economie de l’UCL!

    Contre le faux dilemme «libre-échange / protectionnisme» : l’autonomie productive

    La crise économique qui frappe le monde entier a ravivé les débats interminables entre partisans du protectionnisme (qu’il soit «intelligent», «solidaire», ou «européen») et défenseurs du libre-échange. Que penser de ces débats? La gauche «radicale», communiste ou social-démocrate se prononce volontiers en faveur d’une forme ou une autre de protectionnisme contre le mondialisme libéral. On serait donc tentés de penser que le protectionnisme est la solution favorable aux intérêts populaires quand le libre-échange sert les intérêts bourgeois. Mais est-ce si simple?

    En réalité, ces deux types de politiques commerciales sont alternées fréquemment par les États bourgeois depuis les débuts du capitalisme, et même auparavant. Le «mercantilisme», grosso modo l’ancienne forme du protectionnisme, est mis en place dès le règne de Louis XIV par Colbert afin de soutenir les exportations et d’accroître la richesse nationale. On ne peut pourtant pas dire que Colbert fut un socialiste… Mais il est aussi vrai que le XIXe siècle a été marqué par une ouverture généralisée des frontières commerciales, de même que la fin du XXe siècle, après des décennies de protectionnisme. Ce protectionnisme est d’ailleurs appliqué de manière hétérogène selon les secteurs : la Politique Agricole Commune (PAC) applique un fort protectionnisme européen pour le domaine agricole, contrairement à la plupart des autres secteurs soumis aux fluctuations du commerce international.

    Quels intérêts ces politiques servent-elles? A y regarder près, elles défendent essentiellement une fraction à chaque fois différente des intérêts bourgeois : le libre-échange soutient le grand capital industrialo-financier, largement déraciné. Mais le protectionnisme porte les intérêts de la bourgeoisie industrielle nationale la moins intégrée à la mondialisation. Quand il s’applique à la production agricole, il défend aussi les intérêts des grands propriétaires terriens.

    On pourrait penser que se rallier à la bourgeoisie la moins dominante, celle qui n’est peu ou pas intégrée au grand commerce mondial, est plus conforme aux intérêts du peuple. Après tout, ne sommes-nous pas dans le même bateau? Mais le recentrage sur une bourgeoisie nationale plus liée aux intérêts étatiques ne nous fera passer que d’un bout à l’autre du même bourbier. Nous, travailleurs et travailleuses, serions exposé.es à la guerre économique permanente que se livrent les États capitalistes. Le protectionnisme pourrait certes permettre quelques relocalisations et réduire légèrement la pression de la concurrence internationale à court-terme, mais il est aussi l’instrument de politiques exportatrices agressives menées contre les autres pays et de probables surenchères impérialistes comme celle qui se déroule en ce moment entre les États-Unis et la Chine. De sorte qu’un protectionnisme mené en France pourrait très rapidement se retourner contre nous. Enfin, les multinationales n’exploitent pas nécessairement davantage leurs salariés, à échelle d’un pays, que les entreprises locales…

    Il nous faut lutter contre la totalité des politiques qui mettent en concurrence chaque peuple travailleur avec les autres. Protectionnistes ou libre-échangistes, elles ne sont jamais que deux faces de la médaille en toc de la classe dominante. Toutes ces politiques nourrissent les rivalités impériales et le nationalisme, faisant planer au-dessus de nous la menace permanente de la guerre. Nous n’avons pas à prendre parti pour une fraction ou une autre de nos exploiteurs. Le bien de notre peuple ne peut pas et ne doit pas se réaliser au détriment de celui des autres. Si nous voulons réellement le défendre, alors il nous faut organiser la solidarité. Il faut produire à échelle locale tout ce qui peut l’être raisonnablement, dans une perspective socio-économique et écologique. Mais en parallèle, il faut coopérer systématiquement avec les autres peuples pour produire à grande échelle les biens qui ne peuvent l’être localement, et organiser des échanges utiles et apaisés. Ce projet porte un nom : l’autonomie productive. Défendons là pour défendre notre classe et refusons les faux dilemmes des parasites qui nous gouvernent.

    Pour aller plus loin : https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Contre-le-libre-echange-l-autonomie-productive-5148

    Les chiffres troublants du chômage

    La publication des chiffres du chômage pour le premier trimestre en France, qui montre une baisse du nombre des demandeur.se.s d’emplois de catégorie A, a beaucoup fait réagir tant elle ne semble pas représentative de la période actuelle. Nous savons en effet que le mois de mars a été marqué par une augmentation historique du chômage. La crise sanitaire et économique a mis fin aux missions d’intérim et vu la conjoncture, les CDD n’ont clairement pas été renouvelés. Au niveau des embauches, il y a un ralentissement de 29% des personnes quittant les fichiers de demandeurs d’empois de pôle emploi. Les déclarations d’embauche ont quant à elles diminué de 22.6%. [1]

    D’ici fin juin, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) s’attend à ce que la France comptabilise 600.000 chômeur.se.s en plus. Ces chiffres sont fondés sur la définition internationale qui qualifie de chômeur.se.s toute personne qui n’a pas travaillé au cours des semaines précédentes, qui est en recherche active d’emploi et qui est disponible pour prendre un nouveau travail dans les deux semaines à venir. La définition la plus répandue du chômage est donc réductrice. Dans la période actuelle, de nombreuses personnes ne sont tout simplement par en mesure de chercher activement du travail et ne sont donc pas considérées comme étant au chômage. [2] L’indicateur international du chômage est déjà hautement problématique en temps normal, parce qu’il conduit à sous-estimer la part du travail à temps partiel contraint et de la précarité en général. Mais il devient, dans la présente crise, purement et simplement absurde.

    Ces chiffres impressionnants sont néanmoins faibles au regard de ce que l’on peut voir aux États-Unis, où on dénombre 3 millions de privé.e.s d’emplois en plus chaque semaine. En France, le dispositif de chômage partiel agit comme tampon. Mais depuis quelques semaines, le gouvernement pousse pour faire baisser le nombre de personnes en chômage partiel. Le nombre de salarié.es au chômage partiel est passé de 12,4 millions la semaine dernière à 11 millions de salariés aujourd’hui. [3] La crise est pourtant loin d’être derrière nous. On ne sait quand et sous quelles conditions les secteurs les plus touchés comme l’hôtellerie ou encore la restauration vont pouvoir se relancer. La décision gouvernementale d’autoriser les français.ses à partir en vacances cet été est bien une décision visant à limiter la crise économique et non une décision logique d’un point de vue sanitaire. Selon Eric Heyer, économiste à l’OFCE : «On sera à un taux de chômage de l’ordre de 10% en juin et peut-être au-delà de 12% à la fin de l’année». Rien de très rassurant…

    Contre la crise économique, quelles politiques se profilent?

    Partout, les contours de la crise économique se précisent. Tous les pays, à mesure de leurs capacités, adoptent des régimes de soutien à leurs économies nationales. Souvent, ces plans s’accompagnent d’une volonté affichée du retour à une forme de «relocalisation», qui pourrait déboucher à terme sur des politiques protectionnistes en chaîne. Les États s’endettent, et à plus ou moins court terme, tout laisse présager que de nouvelles mesures d’austérité vont s’abattre sur les populations. L’Union Européenne serait en passe de trouver un accord commun sur un plan de relance. Cette tentative est appuyée par le duo gouvernemental franco-allemand, qui propose de le faire monter à 500 milliards d’euros. [4] Une somme pour le moins élevée au regard du budget de l’union (1% du PIB européen) mais aussi très faible du point de vue de la richesse totale de l’UE et des plans de relance annoncés séparément par chaque État. [5] Ce plan serait financé par un emprunt effectué directement par l’UE sur les marchés financiers, et le remboursement serait assurée par l’UE elle-même et non par les États membres. Le renversement de la position allemande, jusque là hostile à toute mutualisation des dettes au niveau européen, est emblématique du risque d’implosion de l’UE si elle est incapable de trouver un terrain d’entente entre ses différentes composantes. Elle constitue une réaction au jugement anti-Banque Centrale Européenne émis récemment par la cour de Karlsruhe. [6] Plusieurs pays d’Europe du Nord se sont déjà explicitement opposés à cette proposition, dont il est difficile de croire qu’elle aboutira en l’état. [7]

    En France, c’est autour du tourisme que les annonces se sont densifiées cette semaine. Ce secteur, qui représente 7% du PIB et 2 millions d’emplois est en effet à l’arrêt quasi-complet depuis deux mois. L’inquiétude grandit chez les professionnels quant à la crainte d’une prolongation du confinement cet été, ce qui signerait tout simplement l’écroulement de milliers d’entreprises parmi les 62000 que compte le secteur, et dont bon nombre sont déjà condamnées. Le gouvernement a déclaré ce secteur «priorité nationale» et lui consacre un plan de 18 milliards d’Euros… sans contrepartie sociale pour le patronat, alors que le tourisme, dont les effets environnement néfastes sont avérés, repose en grande partie sur une main d’œuvre saisonnière souvent sur-exploitée et sous-payée. La question de l’emploi est d’ailleurs dans les préoccupations principales en cas de réouverture, le patronat s’inquiétant de la possibilité de mouvements sociaux. L’idée d’une plate-forme gouvernementale de volontaires fait son chemin… en dépit de l’échec flagrant de celle mise en place pour l’agriculture! Après son opération ratée, l’État français tend à s’aligner sur ses voisins européens, en facilitant l’arrivée d’une main d’œuvre immigrée à bas coût venant d’Europe de l’Est. [8] En parallèle, Le recours abusif aux CDD et Intérims va être facilité par la signature de conventions dérogatoires au niveau des entreprises. Quant aux CSE, ils pourront puiser jusqu’à 50% de leur budget de fonctionnement pour financer des activités sociales : autant de moyen retirés pour leur action de défense des salariés.

    Cette note a été réalisée par le Groupe de Travail Économie de l’UCL, visant à synthétiser les données essentielles sur la situation économique que nous traversons avec la crise du coronavirus. Elle a évolué sous une forme de bulletin, structuré en plusieurs articles de tailles diverses. Elle est aussi sourcée et factuelle que possible, et vise à mettre en lien les principales données sur la conjoncture économique avec des analyses politiques et sociales plus générales. Elle a néanmoins été réalisée par des militants qui ne sont pas des professionnels de l’économie. N’hésitez pas à faire tout retour constructif.

    [1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/28/hausse-historique-du-chomage-au-mois-de-mars_6037997_823448.html

    [2] https://www.lefigaro.fr/conjoncture/baisse-en-trompe-l-oeil-du-taux-de-chomage-au-premier-trimestre-20200514

    [3] https://www.liberation.fr/france/2020/05/15/avec-11-millions-de-salaries-concernes-le-recours-au-chomage-partiel-amorce-sa-decrue_1788442

    [4] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/18/la-france-et-l-allemagne-proposent-un-plan-de-relance-europeen-de-500-milliards-d-euros_6040040_3234.html

    [5] https://www.lefigaro.fr/vox/politique/accord-franco-allemand-500-milliards-ne-suffiront-pas-a-reequilibrer-le-budget-de-l-union-europeenne-20200521

    [6] https://www.franceculture.fr/economie/cour-de-karlsruhe-contre-bce-un-combat-politique-plus-que-monetaire

    [7] https://www.ouest-france.fr/europe/ue/europe-pourquoi-le-plan-macron-merkel-de-500-milliards-d-euros-n-est-pas-encore-arrive-bon-port-6839983

    [8] http://cqfd-journal.org/CQFD-no167-juillet-aout-2018


  • Enregistrement du « Savoir est une arme » sur « Politiques sanitaires et répressives, l’exemple de la variole »

    05 Mai 2020

    L’édition du savoir est une arme du 23 avril, que nous avons donné sur le Discord du Barricade a été enregistrée et l’audio est désormais en ligne, sur le site de nos camarades du Poing.

    Vous le trouverez ici bonne écoute !


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