Le Liban connait depuis plusieurs années des mouvements de contestations, dénonçant une situation économique et politique des plus étouffantes. L’immobilisme et la corruption dans lesquelles se prélasse la classe dirigeante a conduit au drame de l’explosion du 5 août. Les Libanais·es occupent depuis lors les rues et les ministères, demandent des comptes, et mettent en pratique des solutions pour élargir leur expression face à la corruption et aux appétits des prédateurs aussi bien nationaux qu’impérialistes.
Une classe politique protégeant ses privilèges
Le 5 août une explosion dévastatrice a ravagé la ville de Beyrouth. L’origine directe de cette explosion est l’entreposage de tonnes de nitrate, sans mesures de sécurité, depuis plusieurs années. Bilan : plus de 158 morts, plusieurs milliers de blessé·es et plus de 300 000 personnes déplacées de leur foyer principal.
Comme pour toute catastrophe, l’origine de son déclenchement est moins un incident technique isolé qu’une succession de décisions, ou de non-décisions, qui conduisent silencieusement et sournoisement aux drames. Pour le cas du Liban, la situation est catastrophiques depuis plusieurs années. En cause, un système confessionnel [1]. à bout de souffle, où l’équilibre économico-politique, tenu par les forces politiques communautaires, est maintenu pour protéger les privilèges d’une partie et empêcher toute initiative politique au service de tout·es les citoyen·nes du Liban, y compris les réfugié·es [2].
Des impérialismes aux aguets
Tous les impérialismes, à la tête desquels se trouve la France, veulent garder leur part d’influence et de domination sur ce pays. Ce qui rend la tâche encore plus difficile aux Libanais·es pour sortir de cette impasse. Ils et elles doivent non seulement combattre l’ennemi de l’intérieur qu’est la classe politique dirigeante et ses supplétifs militaro-économiques, mais aussi les ennemis de l’extérieur que sont les puissances étrangères qui placent leurs pions, et jouent avec la vie des habitant·es.
La liste des pays qui ont déclaré leur soutien matériel et financier au Liban est aussi longue que les mensonges qui déguisent ce soutien intéressé. Citons-les pour éclairer l’hypocrisie : la France, les États-Unis, Israël, la Turquie, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, la Russie et l’Iran. La liste n’est pas exhaustive, mais les pays cités entretiennent tous actuellement des guerres dans d’autres pays de la région.
La France, fière de « son lien historique » néo-colonial avec le Liban, a envoyé, moins de 48h après l’explosion, son président à Beyrouth asséner des injonctions paternalistes au peuple libanais, en leur déclarant : « Il faut que des initiatives politiques fortes soient prises pour lutter contre la corruption, pour imposer la transparence, lutter aussi contre l’opacité du système bancaire […] ». De la part d’un pays qui a connu plusieurs présidents impliqués directement dans des affaires de corruptions notoires, sans jamais être jugés, ces « conseils » sont insultants. Garant du colonialisme et du capitalisme, Macron n’a surtout pas posé des questions comme : est-ce que le Liban, et plus généralement les pays étouffés par les dettes, peuvent ne pas tenir compte de leur déficit? Annuler leurs dettes? Faire tourner la planche à billet pour sauver leur économie? En finir enfin avec leur endettement? Rappelons que c’est en partie ce que se permettent les grandes puissances, dont la France, en cas de crises. La dernière crise sanitaire en est le parfait exemple.
Un peuple qui se bat pour ses droits
Cela fait des années que le peuple libanais manifeste sa colère face au système politico-économique du pays. En voici quelques dates : 1- Août 2015, mobilisations au départ contre l’accumulation des ordures dans les rues de plusieurs villes et la fuite des autorités sur une situation intenable. 2- Mars 2017, contestations contre la hausse des impôts pour palier les dysfonctionnements d’un Etat en faillite, gangréné par le clientélisme et la corruption. 3- Septembre 2017, manifestations des fonctionnaires notamment du corps enseignant, pour faire valoir leurs droits salariaux, menacés par les coupes budgétaires. 4- Octobre 2019, la goutte qui fait déborder le vase : alors que le pays est plongé dans une crise économique et politique aiguë, la classe dirigeante cherche « la solution » dans une taxe dite « Whatsapp » sur l’utilisation des messageries instantanées. Plusieurs dizaines de milliers de manifestant·es sortent dans les rues et lancent un mouvement de contestation inédit dans le pays. Ce mouvement pointe l’immobilisme du système politique, dénonce la corruption de l’économie, demande la fin des ingérences étrangères et met en place des initiatives pour élargir le champ de l’autonomie des habitant·es dans le pays.
Suite à l’explosion meurtrière, l’appel de la « Journée pour régler les comptes » est lancé pour une mobilisation généralisée. Depuis le 8 août, des milliers de manifestant·es, dont plusieurs arborent et taguent des noeuds coulant avec dessus des photos des hommes politiques libanais, sortent dans les rues, occupent des ministères et s’en prennent aux bâtiments officiels.
Initiatives populaires
D’une manière générale, face à la situation, les citoyen·nes dans le pays se sont mobilisé·es pour trouver des alternatives : recyclage des déchets, gestion des premiers secours face aux catastrophes, éducation populaire pour une autonomie alimentaire…
L’Union Communiste Libertaire, soutient le combat des citoyen·nes au Liban pour le respect de leurs droits à la justice sociale, à la dignité et à la liberté.
L’Union communiste libertaire, le 11 août 2020
[1] Le système politique libanais est dit confessionnel, car il a été mis en place au début du XXéme siècle pour garantir les équilibres démographiques dans un pays où chaque communauté tient à sa représentativité. Si théoriquement l’idée est censée permettre l’équilibre des communautés, sur le terrain il en fut tout autrement, amenant surtout le contrôle sur chacun des groupes par les classes politiques locales et leur instrumentalisation par les puissances étangères
[2] Les réfugié·es Palestinien·nes puis ces dernières années les syrien·nes, totalisent plus de 2 millions de personnes au Liban. En raison des enjeux politiques et démographiques communautaires, la cityonneté pleine et entière (camps toujours établis, refus d’accès à des métiers et aux services de soins, etc.) leur a toujours été refusée, d’abord aux palestinien·nes et maintenant aux syrien·nes également.