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Après sa traditionnelle fermeture estivale, la « Mauvaise Réputation » ré-ouvre ses portes ce samedi 9 septembre 2023. Tous les samedis entre 15 h et 19 h, vous pouvez venir emprunter ou acheter des livres, consulter des revues, lire la presse libertaire et discuter avec des militant-e-s de l’UCL pour parler des luttes menées ou à mener, refaire le monde et échanger pour construire un monde débarrassée de toutes les dominations … et il y a du pain sur la planche !
Le projet de loi «pour contrôler l’immigration» débattu en procédure rapide au Parlement peut se résumer en quelques mots : criminalisation des étranger·es, radicalisation des pratiques des préfectures, vision utilitariste des exilé·es. Rien n’est bon dans ce projet qui ne fait que renforcer un racisme systémique qui sent bon les relents abjects des périodes coloniales. L’État assume pleinement une politique raciste, sécuritaire et de contrôle des populations. La suite ici.
Le premier vendredi féministe de l’UCL de 2022 se tiendra ce vendredi 7 janvier à 19h30 à la librairie la Mauvaise Réputation (20 rue Terral, quartier St Anne).
There’s Something in the Water » est un film documentaire canadien de 2019, réalisé par Elliot Page et Ian Daniel (il tire son nom du livre d’Ingrid Waldron). Examen du racisme environnemental, le film explore l’effet disproportionné des dommages environnementaux sur les communautés noires canadiennes et des Premières nations en Nouvelle-Écosse.
A l’intersection du racisme environnemental, nous aimerions également questionner la place des femmes dans les luttes écologistes, et notamment pourquoi elles y sont majoritaires.
Venez-en discuter ! Masque obligatoire, jauge 30 personnes maximum.
Halte à l’acharnement judiciaire contre des jeunes qui en 2018 se sont opposés à la loi de sélection à l’université et à Parcoursup !
Début 2018, les étudiants se sont dressés contre la loi de sélection à l’université et son dispositif Parcoursup. L’objectif de cette loi : empêcher que tout bachelier puisse accéder à l’université dans la filière de son choix.
A Montpellier, la mobilisation était importante et le tabassage d’étudiants par des nervis d’extrême-droite le 22 mars 2018 dans un amphi de la Fac de Droit avait suscité émotion et réprobation avec un fort retentissement national. Quelques jours après, une immense assemblée générale réunissait des milliers d’étudiants, de lycéens et de personnels sur le campus de l’Université Paul Valéry (UPV).
Mais en dépit de la mobilisation, le gouvernement restait inflexible et jouait le pourrissement du mouvement. Et il pouvait compter à Montpellier, sur la présidence de l’UPV qui mettait en œuvre des examens en ligne, particulièrement inégalitaires, et qui depuis la pandémie sont quasiment devenus la norme. Le 11 avril, des serveurs informatiques de cette faculté étaient dégradés. Sous la pression du gouvernement et de la ministre Vidal, le procureur devait absolument trouver des coupables parmi les manifestants. Pour lui, la fin allait justifier tous les moyens.
C’est ainsi qu’un an et demi après les faits, le 5 novembre 2019, 4 jeunes encore couchés à leur domicile respectif, étaient confrontés au petit matin à des policiers en armes, perquisitionnés, arrêtés et placés en garde à vue pendant 24 ou 48h. Le procureur voulait prouver au gouvernement qu’il faisait le « job », peu importait que son dossier soit inconsistant avant les arrestations et totalement vide à leur issue. Ne pouvant rien reprocher à ces jeunes qu’il avait fait arrêter arbitrairement, il était contraint de renoncer à les poursuivre pour les faits qui avaient justifié leur arrestation. Pour échapper au fiasco total de son enquête, il lui restait un joker. Les poursuivre pour leur refus de donner, pendant leur garde à vue, leur code de téléphone ou leur ADN.
Toute l’enquête a prouvé que les mesures brutales (perquisitions, arrestations et gardes à vue) infligées à ces jeunes étaient totalement injustifiées. Et au lieu de leur présenter ses excuses, le procureur les poursuit pour des « délits » survenus au cours de cette garde à vue.
Ainsi deux ans (!) après, le procureur les cite à comparaître devant le tribunal correctionnel pour refus de communication de code téléphonique et/ou de prélèvement d’ADN. Avec à la clef, des peines encourues de 3 ans de prison et 270 000 euros d’amende pour le 1 er « délit », et d’un an de prison et 15 000 euros d’amende, pour le second.
Halte à l’acharnement judiciaire contre ces jeunes !
Nous exigeons que le procureur retire sans délai sa citation à comparaître ! Et à défaut, nous exigeons leur relaxe si le procès est maintenu !
Nous appelons à les soutenir le mercredi 15 décembre à partir de 14h au Palais de Justice de Montpellier (Place Pierre Flotte).
Le 09-12-2021 Communiqué de l’UNEF-Montpellier
Avec le soutien de : FSU34, Solidaires34, SNES34, SNUipp34 et 11, Sud éduc’34, CNT ESS34, SCUM, NPA34, 11 et 31, UCL Montpellier, AG contre les violences d’État.
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Le groupe de Montpellier de l’Union Communiste Libertaire a interviewé Victor, syndicaliste à Sud Education qui a participé à la lutte gagnante des personnels du collège des Escholiers de la Mosson qui se sont débarrassés de leur chef.
En tant que libertaires, c’est important pour nous dans la période un peu difficile que nous traversons de populariser :
– qu’il existe des luttes gagnantes, qu’il ne faut pas baisser les bras mais au contraire s’organiser ; et c’est valable dans tous les secteurs professionnels et de la société
– que les luttes autogérées et déterminées sont le meilleur moyen pour faire reculer l’arbitraire patronal et hiérarchique. Qu’un collectif ça se construit mais aussi que l’outil syndical, quand on se l’approprie et qu’il est au service de la lutte, est un appui déterminant qu’il faut faire vivre.
Merci donc à Victor de nous avoir livré les clefs de cette lutte qui finit bien.
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D’après l’État, personne ne serait responsable de la
crise sanitaire, personne ne pouvait prévoir cette pandémie. Pourtant,
en étudiant de plus près la chronologie des réformes successives qu’a
subit le service public de la santé, et les différents signaux d’alarmes
qui remontent à 2006 avec les alertes qui ont suivit la grippe A-H5N1,
le constat est sans équivoque. Ceux et celles au pouvoir depuis 15 ans
avaient les informations depuis longtemps et n’ont fait qu’empirer
l’état du système de santé en supprimant des milliers de lits et
appliquant leur logique comptable sur l’Hôpital.
Groupe de travail Sciences de l’UCL, le 16 avril 2020
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Depuis le début du confinement, les gadgets et outils numériques brandis comme « solutions » de crise déferlent. Des drones aux applications mobiles de « santé », tout est bon pour tester… et espérer prendre des parts de marchés. Loin d’être des outils proportionnés et uniquement calibrés pour la crise, ils définissent une vision « solutionniste » du capitalisme qui se veut l’ultime remède à tous les maux.
Les drones sont de sortie ! Toutes les options y sont : détection infrarouge, mégaphones embarqués qui somment les individus de rentrer chez eux, communication des positions des individus à la police, prise de température, etc. Les entreprises spécialisées dans la fabrication, le reconditionnement ou le traitement des données des drones n’ont pas loupé l’occasion pour faire du placement de produit auprès de la police et de gendarmerie [1]. Entre la collecte de données de terrain à grande échelle et les digues du respect de la loi qui ont sauté au nom de l’urgence sanitaire, chaque entreprise veut sa part du marché.
Prenons l’exemple des opérateurs téléphoniques. Comment sait-on que la capitale a été désertée par 12% de ses habitantes et habitants ? Ce chiffre ne tombe pas du ciel, mais des antennes relais des opérateurs téléphoniques : il suffit de comptabiliser les connexions sur les bornes. Si ces données sont certes agrégées et anonymisées, nous ne doutons pas des parts de marché très lucratives que leur vente représente [2].
Ces derniers jours, en prévision d’un éventuel déconfinement conditionné, l’idée qui monte en France est de lancer une application, StopCovid, sur l’exemple de TraceTogether développée par Singapour. Une fois installée sur son smartphone, StopCovid permettrait de signaler sa propre contamination au Covid-19 aux personnes côtoyées. La finalité, non garantie, de gagner du temps sur la propagation de la maladie, laisse des questions ouvertes : l’installation de l’application sera-t-elle consentie ou obligatoire ? Si le consentement est demandé, quelle est la garantie pour que la pression sociale et patronale n’en fasse pas une obligation ? Quid des personnes sans smartphone ? [3]
Inutile de lister les dangers de ces outils pour gérer notre vie
quotidienne. L’histoire nous montre bien que les mesures d’exception
deviennent la règle une fois la crise dépassée : loi Renseignement,
inscription de l’état d’urgence permanent dans la loi, fichage ADN, etc.
« Il n’y a pas besoin de disposition législative »
Les réponses combatives se font rares. Pis, le président de Reporters sans Frontières, Pierre Haski, est allé jusqu’à déclarer à la radio : « Les sociétés asiatiques se révèlent bien plus réactives que l’Europe pour adapter des technologies existantes à une nécessité urgente. Elles sont aussi plus tolérantes face à des technologies intrusives dans nos vies privées […]. Mais au milieu d’une pandémie comme le Covid-19, qui refusera qu’elles soient déployées si elles permettent d’en accélérer l’issue ? Il sera toujours temps de s’inquiéter après… » [4] La fin justifie les moyens ! À cela s’ajoute le « pragmatisme » de la Cnil, garde-fou des libertés numériques en France qui, à travers sa présidente Marie-Laure Denis, tente de nous rassurer : « Il faut aussi [que le suivi individualisé] respecte les principes de la protection des données : proportionnalité, durée de conservation, caractère provisoire, sécurité… Dans ce cas, il n’y a pas besoin de disposition législative » [5]. Difficile, même avec la langue de bois, de cacher que les lignes rouges seront franchies. Rappelons que la proportionnalité est une notion relative, laissant toute liberté au pouvoir de la définir à sa guise.
La rhétorique est bien huilée. À chaque état de crise impliquant la
sidération du plus grand nombre, la pensée dominante légitime la
nécessité de serrer encore la vis. Apparemment, nous aurions du mal à
comprendre que toute revendication de préserver nos libertés est au
mieux naïve, au pire criminelle.
« Dispersez-vous ! » Dans plusieurs villes, des drones de surveillance ont fait leur apparition au-dessus des rues vides…
Dénoncer c’est bien, agir c’est mieux
Avec un rouleau compresseur aussi puissant par sa pénétration dans
les esprits, il est tentant de baisser les bras et de concentrer son
énergie sur d’autres combats jugés plus aisés en période pandémique,
comme la solidarité directe. Mais, ce faisant, ne serions-nous pas
précisément en train de céder face à la propagande big-brotherienne, aux
injonctions incessantes à la responsabilité individuelle ?
Et si nous sommes déjà capables d’exprimer une telle résignation,
comment pouvons-nous être certains que toute personne un minimum
conscientisée refusera d’installer l’application pour tracer la
propagation du virus ? Mais alors, comment se battre ? Peut-être en rappelant qu’encore une fois, l’essentiel est ailleurs : dans la responsabilité collective.
Le code source de toute application de traçage doit être public
(logiciel libre), le consentement doit être débattu et réfléchi
collectivement afin de mieux peser le pour et le contre, les données
récoltées doivent être mises hors des mains de l’État et du secteur
privé, leur usage doit être limité dans le temps et décidé
collectivement.
Pour le pouvoir capitaliste de notre époque, la technologie doit pouvoir apporter une « solution » neutre et efficace à chaque problème de la société. Il faut refuser ce « solutionnisme » dépolitisant [6], car la technique n’est jamais neutre. Prendre le temps de faire ces rappels, d’en discuter avec nos proches, sans culpabilisation inquisitrice, permettra de déjouer le mécanisme d’intériorisation de la servitude volontaire.
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Alors que face à la crise sanitaire, nous sommes tou.te.s assigné.e.s à résidence, les rues de la ville ne sont plus que traversées par ceux et celles qui doivent aller bosser. Et puis il y à celleux qui sont confiné.e.s dehors, encore plus isolé.e.s et démuni.e.s qu’à l’ordinaire. Notre camarade, qui fait partie de ces travailleuses qui doivent sortir, cherche à capturer ces images, à témoigner de la situation, aux fil de ses déplacements, pour donner à voir les confiné.e.s du dehors au confiné.e.s du dedans.. Nous mettrons cette galerie à jour régulièrement
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Dans les gares, les sous-sols ou les dépôts, le niveau exceptionnel de mobilisation et d’implication des salarié·es balaie les habitudes. Même celles des syndicats les plus mous ! Piquets de grève, caisses de soutien, flicaille et festivités… un tour d’horizon de cette grève historique, depuis le dépôt bus de Pleyel, à Saint-Denis.
Quelle ambiance extraordinaire !
À des années-lumière du train-train quotidien. Mais également loin
au-dessus des précédentes grèves à la RATP. C’est le mouvement le plus
puissant dont on se souvienne depuis que la mémoire de Décembre 95 s’est
estompée. Il faudrait peut-être remonter à la grande grève des
chauffeurs de bus durant la canicule de l’été 1976 pour retrouver cela.
Le mouvement tient bon, en se maintenant au-dessus des 60% de
grévistes en moyenne sur l’ensemble de la RATP, avec des pointes à 85%
sur les temps forts du 5, du 10 et du 17 décembre. Sans surprise, au
sein de la régie (43.000 travailleuses et travailleurs), le secteur le
plus mobilisé est celui des conducteurs de métro et de RER, qui sont un
peu « l’aristocratie ouvrière » – jusqu’à 100 % de grévistes sur certaines lignes !
La maintenance, où l’esprit d’équipe est fort, marche bien aussi. Puis
viennent les chauffeuses et chauffeurs de bus, moins bien considéré·es.
Les moins présent·es sont les guichetières et guichetiers : atomisé·es
dans des centaines de gares sur l’Île-de-France, davantage pressuré·es
par les petits chefs, ils et elles sont moins touché·es par le
syndicalisme, même si on en voit aux AG, quand elles se tiennent dans la
gare où ils bossent. On a également un taux de grévistes pas
inintéressant chez les cadres, au siège de la régie, à Bercy. Il est
nul, en revanche, chez les agents de maîtrise, généralement de petits
chefs issus de la base, possédés par le démon de l’ascension
individuelle et indécrottables briseurs de grève.
Dépôt bus Pleyel : uni·es dans la lutte
cc Solidaires-RATP
Du bon usage de la grève perlée
Le chiffre de 60% de grévistes en moyenne ne rend d’ailleurs
qu’imparfaitement compte de la réalité. En effet, nombreuses sont celles
et ceux qui pratiquent la grève perlée. Tout en participant au
mouvement, ils et elles travaillent une journée par-ci par-là, pour
économiser leurs moyens. Par exemple, comme une journée de repos entre
deux journées de grève est considéré comme « gréviste »,
donc non payée, travailler la veille de la journée de repos permet de
conserver deux jours de salaire sans trop nuire au mouvement.
On est, en tout cas, sur des chiffres supérieurs à ceux de la forte grève d’octobre 2007 ; et évidemment supérieurs à ceux de la lutte contre les lois Travail (10-15% en moyenne)…
Mais ce n’est pas qu’une question de chiffres, c’est aussi une
question d’implication des travailleuses et des travailleurs dans leur
lutte, d’une redécouverte de l’auto-organisation, des plus vivifiantes.
Le piquet de grève, rendez-vous convivial
cc Solidaires-RATP
Blocage des dépôts de bus
Un exemple sur le dépôt de bus de Pleyel, à Saint-Denis (93), qui
compte à lui seul 900 salarié·es : en 2016-2017, les syndicalistes
combatifs devaient ramer pour convaincre les collègues de cesser le
travail, ramer pour amener une maigre assistance en AG, ramer pour
organiser de frêles piquets de grève à l’entrée du dépôt… Une réalité
souvent pesante, bien loin des fantasmes de certains groupes gauchistes
sur « les syndicats qui freinent la lutte ».
En 2019, rien à voir. On oublie les rames : c’est la vague qui nous
porte. Les AG sont bien fournies, dynamiques, les militantes et
militants n’ont pas besoin d’intervenir plus que ça, les choses avancent
toutes seules. On tient de vrais piquets de grève, pas juste pour
informer le personnel, mais pour bloquer les bus conduits par des
non-grévistes. La plupart, évidemment ne sont pas mécontents qu’on les
empêche de travailler ! Les rares vrais
jaunes et autres têtes de cons qui s’énervent et veulent absolument
bosser, on finit par les laisser passer : qu’ils y aillent, seuls au
volant sur une ligne sursaturée, avec des usagers horripilés… bonne
journée !
La caisse de grève ne peut suffire
Au 12e jour de grève, les flics –
jusque-là assez passifs – ont attaqué le piquet et ont arrêté 2
camarades, débloquant le dépôt pour la journée. Le piquet est néanmoins
réapparu dès le lendemain. On y reçoit pas mal de visites :
enseignant·es, infirmier·es, étudiant·es en lutte… Ce qui fait qu’on se
retrouve à des dizaines, on se sent forts. Cela a même beaucoup aidé à
la dimension conviviale de la lutte, avec l’organisation d’une fête de
soutien, puis un accueil triomphal des grévistes par les supporters du
Red Star, lors d’un match de foot le 13 décembre.
Le 17, les flics débloquent provisoirement.
cc Solidaires-RATP
Avec les supporters du Red Star, le 13 décembre.
À Pleyel, on a également créé une caisse de grève, mais elle a
surtout été un outil d’agitation : jamais elle ne suffira à couvrir les
salaires perdus. En huit jours, elle a récolté 1.200 euros : c’est pas
mal, mais loin des 280.000 euros de retenue sur salaire sur la même
période ! On a également songé à en lancer une sur le web, mais il faut y réfléchir à deux fois : qui la contrôlera ? Quelles seront les règles de répartition des fonds ? Ça sera des discussions serrées si on veut afficher une gestion impeccable.
Sans mythifier l’auto-organisation
Pour revenir sur un sujet qui intéresse particulièrement les
communistes libertaires : l’auto-organisation de la lutte. Il ne faut
pas la mythifier. Dans un contexte où les luttes sont rares, où les
anciennes et anciens de Décembre 95 ne sont plus là, où les syndicats
autogestionnaires comme Solidaires-RATP sont faibles, on est un peu
condamné à réinventer le fil à couper le beurre à chaque grande grève.
Cela donne des AG un peu bordéliques, pas clairement délimitées, où le contrôle démocratique est aléatoire ; on ne sait pas trop qui représente quoi ;
les temps et les tours de parole sont un peu à l’arrache… Une fois, les
grévistes de la ligne 13 nous ont rendu visite. Du coup, ils ont
participé à notre vote pour la reconduction de la grève – et ont voté la
leur en même temps. C’était un peu limite, et dans d’autres
circonstances, ça serait mal passé. Mais là, dans l’euphorie du moment,
personne n’a protesté. L’avantage c’est le décloisonnement : bus, métro,
tout le monde se croise.
cc Solidaires-RATP
À la RATP, les AG se tiennent là où c’est le plus pratique : les
agentes et agents du métro se réunissent dans les gares, les chauffeuses
et chauffeurs de bus dans les dépôts, les mécaniciens et la maintenance
dans les ateliers, etc. À Pleyel, on peut se retrouver à 80 en AG, ce
qui paraît peu sur un dépôt de 900, mais en fait c’est considérable, car
avec les bouchons c’est dur de venir ! Pour être en AG, certains se lèvent à 1 heure du matin !
Radicalisation de l’Unsa
Sur le plan syndical, pour finir. Il faut avoir à l’esprit que tous les repères habituels sont bouleversés depuis que l’Unsa a battu la CGT aux dernières élections [1]. La CFDT étant quasi absente à la RATP, l’Unsa y incarne le syndicalisme corporatiste, étroit, qui ne voit pas plus loin que le « dialogue social ». Or, le sentiment de s’être fait balader par le gouvernement les a rendu fous de rage ! Dans ces conditions, ils ont été au taquet lors de la forte grève du 13 septembre, puis ont surpris tout le monde en appelant à la grève reconductible le 5 décembre. Un truc inédit ! Avec une radicalisation verbale passablement inattendue. Est-ce que ça durera ?
En tout cas la CGT a pesté de se faire voler la vedette, mais n’a pu faire autrement que de rallier la date du 5 décembre. Évidemment, FO, SUD-RATP [2] et Solidaires-RATP ont fait même… mais aussi la CGC, et sans traîner les pieds ! Le groupe affinitaire – parfois caricaturé, à tort, comme « communautaire » – nommé Rassemblement syndical (RS), s’est également engagé. Dès lors, ça devenait prometteur. Second point positif : quand la lutte a démarré, l’ensemble des syndicats, mêmes les plus corpo (Unsa, SUD, FO, CGC) ont réclamé le retrait global du projet de réforme des retraites – et pas uniquement la défense du régime spécial de la RATP. Et ont refusé de suspendre la lutte pendant les fêtes de fin d’année !
Bref, on ne sait pas encore si on va gagner, mais d’ores et déjà, on
peut espérer que cette grève historique aura relevé le niveau de
conscience et de combativité des salarié·es au sein de la régie. Il y
aura un avant et un après.
Alexis (UCL Saint-Denis),
avec Guillaume (UCL Montreuil),
le 19 décembre 2019
[2] Après une dérive corporatiste, SUD-RATP a quitté l’Union syndicale Solidaires. C’est désormais Solidaires-RATP qui représente le courant syndical autogestionnaire à la régie.
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Situation militaire, sanitaire, état d’esprit des populations, résilience des institutions démocratiques, stratégie du commandement des FDS… Ces militants engagés dans le Bataillon international de libération nous donnent leur point de vue sur la période d’incertitude que vit actuellement le Rojava.
Au Kurdistan syrien, la situation politique a dramatiquement basculé depuis le mois d’octobre : offensive turque avec le feu vert états-unien, puis entrée en lice de l’armée russe et déploiement des troupes du régime de Damas. Un mois plus tard, l’Administration autonome du nord-est syrien vit une situation plus que précaire : outre le canton d’Afrîn, occupé depuis mars 2018, les villes frontalières de Tall Abyad et Serê Kaniyê sont tombées sous la coupe des supplétifs islamistes de l’armée turque. Et sur une bande de 5 kilomètres de profondeur sur la frontière syro-turque, la police militaire russe et l’armée turque patrouillent conjointement.Malgré tout, des accrochages armés se poursuivent dans certaines zones, comme Tell Tamer (Girê Xurma en kurde). Un groupe de camarades francophones impliqués dans ces combats, a répondu aux questions du mensuel Alternative libertaire. Tous agissent dans le cadre du Revolutionnary Antifascist Front (RAF), intégré au Bataillon international de libération (IFB) [1] des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Alternative libertaire : Bonjour camarades,
salutations de France et de Belgique. Pouvez-vous nous dire quelques
mots sur ce nouveau regroupement, le Revolutionnary Antifascist Front ?
Les francophones du RAF : Disons que nos
trajectoires révolutionnaires itinérantes se sont croisées au bon
endroit et au bon moment. Nous nous sommes retrouvés ensemble au sein du
Bataillon international de libération, puis nos affinités personnelles et
nos perspectives politiques communes ont logiquement donné naissance au
RAF. Nous avons combattu ensemble lors de la bataille de Serê Kaniyê
puis sur le front de Tell Tamer. Nous sommes beaucoup de militants
autonomes, autant de communistes que d’anarchistes. Parmi les
francophones, il y a de surcroît une certaine tendance
post-situationniste, mais ici ça n’a guère d’importance pour nous. Notre
présence au Rojava conduit nécessairement notre pensée politique à se
restructurer.
Le RAF a été fondé en novembre 2019, dans le cadre du Bataillon international de libération.
Malgré que le front soit « gelé », des accrochages persistent au sud de Serê Kaniyê. Qui s’oppose à qui ? Quelle est l’attitude des Russes et des Turcs par rapport à cela ?
Les francophones du RAF : Effectivement il y
a une stabilisation de la situation militaire. Les combats continuent
mais l’intensité est moindre. Ils opposent essentiellement les FDS à l’« Armée nationale syrienne »,
les supplétifs islamistes de l’armée turque, que cette dernière
soutient avec des frappes aériennes et des tirs d’obus. Les soldats du
régime de Damas font parfois mine d’appuyer les FDS à coups de tirs
d’artillerie, plus pour la forme qu’autre chose. Nos opérations sont
donc réduites, mais demeurent conséquentes. Hier soir encore, un de nos
amis de l’IFB a été blessé lors d’un assaut. Pendant ce temps, Russes et
Turcs construisent des bases militaires face à face, à quelques
kilomètres les unes des autres.
Les habitants du Rojava ont lancé des pierres sur la patrouille conjointe de l’armée turque et de la police militaire russe, ce vendredi matin à Girkê Legê.
On a pu voir des images d’intifada le long de la frontière,
avec des villageois caillassant les véhicules militaires turcs. Quel est
le sentiment qui domine dans la population ?
Les francophones du RAF : La population
enrage de voir ces patrouilles sur les routes. C’est l’ultime affront de
la part de l’État fasciste turc, qui décime la population et prétend
ensuite venir vérifier qu’elle ne s’arme pas pour se défendre. La
révolte des civils n’est d’ailleurs pas sans risques : il y a quelques
jours, les blindés turcs ont tiré sur la foule et des journalistes dans
le secteur de Kobanê. Le 18 novembre, dans la même zone, les blindés
turcs mais aussi russes ont vu les civils leur lancer des cocktails
Molotov.
On observe également un certaine appréhension, majoritairement dans
des villes comme Manbij, de voir le régime de Damas reprendre la main.
L’hostilité est moindre à Hassakê, où il avait conservé le contrôle d’un
quartier depuis son retrait en 2012.
Les soldats du régime se comportent en cow-boys, refusent de payer
les commerçants, et se mettent en scène comme les nouveaux sauveurs.
Hélas, ces sauveurs s’enfuient plus rapidement qu’ils n’arrivent sur les
champs de bataille. Il sont calamiteux, malgré leur puissance de feu
supérieure à la nôtre. Avec des « amis » pareils, pas besoin d’ennemis.
Le régime de Damas symbolise cette contradiction à laquelle tout
révolutionnaire se confronte un jour : celle du compromis. Entre survie
et anéantissement, les Kurdes ont fait le choix de la survie, et en tant
qu’internationalistes, nous le comprenons malgré notre dégoût pour le
clan Al Assad.
Mais globalement, l’hostilité prédomine à l’égard du régime de Damas.
D’une manière générale, il y a une assez bonne cohésion entre les
groupes ethno-confessionnels, et particulièrement entre Kurdes et
Assyriens. La propagande ennemie tente – en vain nous l’espérons – de
présenter cette guerre comme la reconquête légitime des terres
appartenant aux Arabes, et voudrait exacerber l’opposition entre Kurdes
et Arabes. Heureusement cela ne prend pas, ou peu. Même si, évidemment,
se dessine un début de guerre « religieuse » promue par l’État turc contre les Kurdes désignés comme « mécréants ».
Ce discours raciste est appuyé par des attentats orchestré en
collaboration étroite avec le MIT, les services secrets turcs, aussi
bien au nord qu’au sud de la frontière.
La police militaire russe s’est déployée le long de la frontière syro-turque.
Agence Tass
Et vis-à-vis des États-uniens qui stationnent autour des puits de pétrole, quel est le sentiment ?
Les francophones du RAF : Devinez. Pour
nous révolutionnaires, il n’y a aucune surprise par rapport à l’attitude
utilitariste qu’ont eu les États-Unis avec le mouvement kurde. Le
retrait du soutien américain n’a fait qu’accroître notre amertume quant
au rôle de la « communauté internationale ».
Pour la population civile en revanche, cela a été vécu comme une
trahison, et presque une mise à mort, puisque Trump a littéralement
abandonné les peuples du Rojava à une invasion certaine. Les blindés
américains aussi ont eu droit à leur lot de pierres et de légumes
pourris alors qu’ils partaient vers la frontière irakienne. Enfin, pour
ce qui est du commandement général des FDS, on a parfois l’impression
qu’il espère en vain une intervention salvatrice…
L’Administration autonome du nord-est de la Syrie [2] à présent. Cela vous paraît-il pertinent de dire qu’elle comprend trois pôles de pouvoirs principaux : le Tev-Dem et les assemblées élues [3] ; le PYD [4] ; les FDS [5] ? Ces pôles ont-ils une stratégie commune vis-à-vis de Moscou et de Damas, ou bien y a-t-il des tiraillements ?
Les francophones du RAF : Non cela ne nous
semble pas si pertinent. Le PYD a peu à peu fondu en donnant naissance à
de nouveaux partis plus petits et à des organisations locales, jusqu’à
en partie se confondre avec le Tev-Dem. Nous observons avant tout deux
pôles de pouvoir au sein de la société rojavi : un pôle militaire, avec
les FDS, et un pôle civil et politique avec en tête la représentation
diplomatique de Tev-Dem. Cette dernière s’acharne dramatiquement à
compter sur le secours des États impérialistes depuis… l’invasion
d’Afrîn. Une stratégie déplorable qui n’a de toute évidence guère porté
ses fruits, et sur laquelle les FDS ont aligné leur propre stratégie,
elle aussi déplorable. La représentation diplomatique du Tev-Dem est
l’une des premières responsables de la débâcle actuelle.
Damas et Moscou s’accordent pour priver progressivement le Rojava de
l’autonomie qu’il avait pu gagner. En revanche on s’étonne de la
passivité du régime de Damas face à l’agression turque contre « l’intégrité du territoire syrien »,
un thème pourtant redondant dans les discours d’Assad et des siens. Le
régime serait plus offensif si la Russie lui promettait un soutien
militaire probant, mais il semble que personne n’ose se mettre à dos
Ankara.
Des soldats
turques et leurs supplétifs islamistes de l’ANS (arborant le drapeau de
l’ASL), sur un bâtiment en ruine de Serê Kaniyê, le 23 octobre
Les institutions du Tev-Dem tiennent-elles pour l’instant ?
Les francophones du RAF : Elles tiennent,
et ne faillissent pas. Sauf pour la diplomatie, on l’a compris. Pour le
reste, elles continuent d’assurer avec brio l’organisation sociétale
malgré la guerre en cours. C’est là une des forces du mouvement kurde :
l’intelligence de l’adaptation aux situations les plus difficiles, la
survie coûte que coûte. Hors des zones de combat, la vie des civils
n’est pas altérée outre-mesure par la guerre. Les réfugié·es sont
relogé·es avec une certaine rapidité, malgré leur nombre effarant
(300 000 selon l’Administration autonome).
La Turquie a bombardé plusieurs silos à grain, la station hydraulique
qui assurait l’approvisionnement en eau de la moitié du canton de
Cizîrê, l’hôpital de Serê Kaniyê, etc. Bref, la Turquie applique une
logique de nettoyage ethnique. Et malgré cela, les services sanitaires
tiennent bon ; les infirmiers et infirmières travaillent vingt-quatre heures d’affilée ; le Tev-Dem tente de palier au manque d’approvisionnement en eau en multipliant les convois de camions citernes ;
les communes partagent des stocks de nourriture de première nécessité…
Ce sont les individus qui tiennent avant tout, plus que les
institutions.
Malgré toutes les critiques que l’on peut faire au mouvement kurde,
on ne peut pas ne pas admirer le dévouement de ses partisans pour
trouver des solutions malgré l’accumulation des obstacles. Pour un
territoire pauvre et en guerre, le Rojava s’illustre par une incroyable
résilience.
Abdulhamid El Mihbash et Bêrîvan Khalid, coprésidents de l’AANES, dénoncent sans relâche l’agression turque.
Que dit le régime de Damas ? L’Armée arabe syrienne (AAS) [6] souhaite-t-elle absorber les FDS ? Quelle est l’atmosphère au sein des milices, à ce sujet ?
Les francophones du RAF : Cette hypothèse a
été émise par le commandement des FDS il y a quelques semaines, mais il
s’agissait probablement d’un bluff pour accélérer le soutien militaire
du régime de Damas, et peut-être dissuader l’Otan et les États-Unis de
les abandonner totalement. Il n’en est à présent plus question et, très
franchement on ne veut pas, personne ne veut qu’une telle fusion se
fasse. Si cela devait effectivement arriver, ce serait l’existence même
de l’Administration autonome qui cesserait, car sans ses propres forces
d’autodéfense, le Rojava perdrait une grande partie de son identité
révolutionnaire. Les milices YPG-YPJ s’illustrent pour beaucoup,
précisément, par leur maturité éthique et politique. Elles sont parmi
les initiatrices des transformations sociales. Amputer la révolution de
ses organes vitaux lui serait fatal.
Propos recueillis le 21 novembre 2019 par Guillaume Davranche (UCL Montreuil)
[2] L’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES) est le nouveau nom de la Fédération démocratique de Syrie du nord, adopté en septembre 2018, et englobant sept régions administratives : Cizîrê, Euphrate (Kobanê et Tall Abyad), Afrîn (occupée par l’armée turque), Raqqa, Tabqa, Manbij, Deir ez-Zor.
[3] Le Mouvement pour une société démocratique (Tev-Dem), est la structure fédérant les organisations de base (comités locaux, communes) au Rojava depuis 2011.
[4] Le Parti de l’union démocratique (PYD), organisation-sœur du PKK en Syrie, fondée en septembre 2003, a joué un rôle essentiel dans le processus révolutionnaire au Rojava. Les milices YPG-YPJ lui sont liées.
[5] Les FDS incluent les YPG-YPJ, de nombreuses brigades arabes, dont plusieurs issues de l’Armée syrienne libre, le Conseil militaire syriaque, le Bataillon international de libération.
[6] L’armée de terre de Damas porte officiellement ce nom ethnique.