Lutte collective
Nous défendons la dimension collective de la lutte. Cela n’exclut pas les initiatives individuelles, mais cela signifie que nous mettons en avant la force collective que procure le fait de s’associer pour lutter, la force supplémentaire qu’amène la solidarité et l’entraide face au pouvoir.
Organisation
Nous défendons la nécessité de s’organiser pour lutter, ce qui découle directement de la nécessité de s’associer. S’organiser, cela veut dire se donner les moyens de prendre des décisions, collectives, mutualiser les moyens (notamment matériels) pour démultiplier nos capacités d’action. Selon la nécessité, l’organisation peut être ponctuelle ou s’inscrire dans la durée. Nous ne fétichisons pas les organisations en tant que structures, mais nous défendons la nécessité de s’organiser.
S’organiser avant, pendant, après la lutte
Nous défendons la nécessité de s’organiser avant, pendant, et après la lutte. Nous considérons que les luttes émergent d’une convergence entre une révolte ponctuelle et la diffusion préalable d’une autre manière de voir que celle du pouvoir. C’est pour cela que nous travaillons à l’insertion sociale de l’anarchisme, et que nous refusons une logique suiviste qui consisterait à ne participer aux luttes que lorsqu’elles sont à leur pic. Nous considérons qu’il est nécessaire de participer à la construction des luttes, car c’est à ce moment là que se joue le succès futur de celles-ci et la possibilité plus ou moins grande de développement de dynamiques d’auto-organisation.
Auto-organisation
Nous défendons comme mode d’organisation l’auto-organisation des exploité-e-s en lutte. Cela signifie que l’organisation, n’est pas imposée par une minorité dirigeante ou d’autres organisations, mais est un choix volontaire des participant-e-s de la lutte. Cela peut passer selon les cas par la constitution de comité de grèves, d’assemblées générales, de coordinations, d’assemblées populaires, mais cette dynamique passe aussi par la lutte pour la démocratie directe et le fédéralisme au sein des organisations pré-existantes à la lutte (syndicats, associations, collectifs).
Refus de la hiérarchie, décisions collectives
Pour nous, l’auto-organisation ne prend son sens réel que par le refus de la hiérarchie, de la division dirigeants/dirigés, ce qui suppose la prise de décision par la collectivité en lutte au moyen du vote décisionnel (et non de l’élection), et non par une avant-garde élue ou auto-proclamée. La mise en œuvre des décisions doit aussi être portée collectivement.
Organisation formelle
Nous défendons l’organisation formelle, que nous ne confondons pas avec le légalisme, parce que nous pensons que la formalisation de modes de décisions permet d’identifier les lieux et les rapports de pouvoirs, le décalage entre le fonctionnement souhaité et le fonctionnement réel, et donne ainsi la possibilité de rectifier les dysfonctionnements, de combattre les logiques de domination en les identifiant, de contrôler le pouvoir.
Fédéralisme et contrôle des mandats
Nous pensons que l’organisation ne peut se concevoir de manière localiste, sous peine de voir se maintenir les dynamiques dirigistes à l’échelle extra-locale (nationale, internationale). Pour coordonner les différents niveaux d’organisation sans reproduire la distinction dirigeants/dirigés et en maintenant le cadre de décisions collectives, nous défendons le fédéralisme, la pratique du mandatement contrôlable, révocable et de la rotation des mandats.
Complémentarité des tactiques
Nous défendons la complémentarité des tactiques, c’est à dire le souci permanent non d’opposer à priori les tactiques dès lors qu’elles s’inscrivent dans une volonté émancipatrice, mais de travailler à leur complémentarité réelle, c’est à dire qu’elles se renforcent mutuellement. Cela ne signifie pas une juxtaposition de tactiques sans prise en compte de celles des autres, qui n’est que source de conflit et de division, mais la construction d’une complémentarité entres tactiques différentes et la solidarité face à la répression. Par exemple, pour la lutte des sans-papiers, les investissements, qu’ils soient dans des collectifs locaux, dans une stratégie syndicale ou dans une approche plus globale contre les frontières, ne s’opposent pas mais se renforcent si ils se nourrissent les uns des autres et qu’ils sont tournés vers une perspective et des mots d’ordres communs.
Construction du rapport de force
Nous pensons que la lutte ne peut marquer des points que si elle développe le rapport de force. Pour nous ce rapport de force ne se situe pas pour l’essentiel dans « l’opinion publique », qui est une construction médiatique. Il se situe à la fois dans la diffusion des idées opposées à la domination auprès de nos collègues, nos voisins,… mais aussi et surtout dans le basculement de ceux-ci de la passivité à l’action collective de confrontation avec le pouvoir.
Cela signifie taper au portefeuille des patrons et actionnaires en s’en prenant à la bonne marche de la production par la grève, le blocage, l’occupation, le ralentissement de la production, etc.
Cela signifie aussi défendre l’idée que l’État n’est pas un partenaire, un interlocuteur neutre, mais un ennemi dans la lutte, au service de la bourgeoisie, et qu’il faut construire un rapport de force par rapport à celui-ci également.
Refus de la récupération bureaucratique et politicienne
Nous nous opposons aux velléités de récupérations par les bureaucraties (minorités dirigeantes d’organisations syndicales), et par les politiciens. Cela signifie défendre l’idée que la lutte ne voit pas son débouché dans les élections, mais dans ses succès propres, sur son propre terrain. Cela signifie refuser que la lutte soit le terrain de construction de carrières politiques, d’ambitions électorales.
Rupturisme
Nous défendons dans les luttes les revendications de rupture, c’est à dire celles qui mettent intrinsèquement en cause les systèmes de domination. Celles qui construisent les possibilités d’une remise en cause globale des systèmes de domination. Les revendications de rupture sont pour nous un moyen de dépasser l’opposition entre revendications immédiates et revendications révolutionnaires, conçues comme antagonistes, en développant des dynamiques qui relient ces deux revendications, l’une renforçant l’autre plutôt que l’affaiblissant.
Par exemple, la lutte concernant le logement oppose la possibilité pour toutes et tous de bénéficier d’un toit et le système capitaliste de propriété privée. Non seulement les gains de cette lutte permettent d’améliorer nos conditions de vie, mais ils permettent également d’attaquer les fondements idéologiques de la société capitaliste.
Éthique
La construction des luttes passe pour nous par le respect des autres personnes en lutte, ce qui signifie le refus du sectarisme (ce qui n’empêche pas la critique ferme et déterminée), des injures et de l’usage de la violence pour régler les conflits politiques internes aux mouvements de lutte émancipateurs.
Coordination des Groupes Anarchistes,
Motion adoptée lors du 4e Congrès, les 3, 4 et 5 avril 2010