L’examen de la proposition de loi « sécurité globale » ce 4 novembre s’inscrit dans un contexte où nos libertés et nos conquêtes sociales fondent pendant que les pouvoirs de police et les outils de contrôle et de surveillance des populations ne cessent d’augmenter. Nous appelons à une réaction contre le risque de bascule vers un régime autoritaire.
Depuis de nombreuses années le vernis démocratique de nos sociétés craque : les attentats du 11 septembre 2001 et le ralliement de la gauche parlementaire aux politiques sécuritaires ont constitué un premier tournant. Les attentats de ces dernières années ont créé une atmosphère favorable au pouvoir pour aggraver et enraciner le phénomène ; la mise en place de l’état d’urgence puis l’intégration de nombreuses mesures de celui-ci dans le droit commun donne à l’État un arsenal juridique lui permettant de suspendre les libertés démocratiques presque à sa guise. Pour prendre un exemple parlant, les interdictions de manifester, d’abord lors du mouvement des Gilets Jaunes, sont devenues régulières et à la faveur de la crise sanitaire se sont banalisées. Plus généralement la surveillance, le fichage, la limitation du droit d’expression, de réunion, les violences policières, le recours à une justice expéditive sont devenus courant. Ce sont pourtant des éléments fondamentaux qui différencient des sociétés démocratiques (avec toutes leurs limites) de régimes autoritaires ou fascistes.
Bascule vers un régime autoritaire ?
Dans ce contexte nous sommes très inquiet-e-s de l’exploitation faite par le gouvernement et une grande partie de la classe politique de l’horrible assassinat de Samuel Patty et des attentats de Nice : sans retenue, les discours islamophobes, racistes se sont multipliés, et le gouvernement a utilisé d’autres amalgames pour menacer d’interdiction ou disqualifier des associations, syndicats et organisations politiques https://www.unioncommunistelibertaire.org/?Nice-la-spirale-de-la-terreur-ne-brisera-pas-nos-solidarites . Le tout sur fond de couvre-feu (le choix de ce terme est loin d’être neutre) et de confinement où les mesures d’exception deviennent la règle. La proposition de loi « sécurité globale 1» examinées dans l’urgence par l’Assemblée Nationale ce 4 novembre augmente encore les pouvoirs de police et de contrôle. Nous alertons sur la tentation que le gouvernement peut avoir de basculer complètement vers un régime autoritaire : dépassé par la crise sanitaire, incapable de gérer une crise économique, écologique et sociale, discrédité dans de larges pans de la population, le gouvernement peut être tenté de ne pas rendre les libertés qu’il nous prend.
Nos libertés n’ont jamais été données par l’État, elles lui ont été arrachées
Il faut l’avoir en tête : l’État n’est pas le garant du fameux « intérêt collectif » ni celui des libertés démocratiques. L’État c’est au contraire l’organisation de la violence politique des classes dirigeantes qui s’impose à la base de la société. On peut faire un parallèle entre les conquêtes sociales et les libertés individuelles et collectives qui ont été arrachées par le mouvement ouvrier à l’État au cours du 20ème siècle dans un même mouvement. Nous devons renouer avec cette dynamique qui se situe sur le terrain social ; actuellement c’est à l’inverse que nous sommes confronté-e-s : nos libertés reculent en même temps nos conquêtes sociales sont laminées. Il est donc vain d’en appeler à l’ « État de droit » ; celui qui en toute l’égalité permet aux patrons qui font des bénéfices de licencier, qui envoie les flics contre les travailleuses et travailleurs en lutte, qui expulse des familles de leur logement, qui couvre les violences policières, racistes, patriarcales, qui permet aux entreprises de polluer et de nous empoisonner, qui interdit de manifester etc.
Solidaires entre victimes du sécuritaires
Nous devons tenter de lier les questions sécuritaires et sociales en construisant des luttes et des revendications communes entre salarié-e-s, chômeuses et chômeurs, habitant-e-s des quartiers populaires, victimes du racisme, des violences policières, patriarcales, militant-e-s et activistes de tout poil. Ça fait du monde … Et si nous sommes capables d’instaurer un rapport de forces, celui-ci aura une traduction dans les pratiques et sur le terrain législatif. Nous devons populariser l’idée que les mesures liberticides sont finalement une façon de gérer les violences d’une société foncièrement inégalitaire. Les dégâts produits sont maîtrisés en plaçant un couvercle répressif sur les comportements jugés antisociaux des plus pauvres ou sur les contestations plus construites.
C’est pour cela qu’il y a urgence à rompre avec le désordre capitaliste.
1https://www.laquadrature.net/2020/10/29/loi-securite-globale-surveillance-generalisee-des-manifestations/