Emmanuel Macron vient d’être élu avec 66,1 % des suffrages exprimés. Mais ce chiffre qui peut paraître élevé masque une autre réalité. Plus de 16 millions d’inscrit-e-s ont refusé de donner leur légitimité aux deux candidats du deuxième tour par des votes blancs, nuls ou en s’abstenant. L’abstention a même atteint un niveau record depuis 1969 (25,38 %, soit 12,1 millions de personnes). Et ce alors que l’enjeu était de faire barrage au FN, que les médias de masse et une grosse partie de l’échiquier politique ont relayé les injonctions à voter contre Marine Le Pen.
Si on ajoute à ces 16 millions les quelque 3 millions d’adultes qui ne sont pas inscrit-e-s sur les listes électorales, les 20,7 millions de voix réunies par Macron ne pèsent pas très lourd. D’autant qu’une part de son électorat, estimée à plus de 40 %, a voté sans adhérer à son projet mais bel et bien contre Marine Le Pen.
En tant qu’anti-électoralistes, nous voyons d’un bon œil la défiance accrue envers un système qui ne nous représente pas ; le refus de beaucoup de donner de la légitimité au nouveau président affaiblit de fait son statut.
Mais nous savons aussi que, si on les laisse faire, les gouvernants ne s’embarrassent pas de légitimité pour mener leurs projets de casse sociale. Notre position anti-électoraliste a pour corollaire la nécessité de s’investir sur le terrain social, de lutter ici et maintenant pour défendre et conquérir de nouveaux droits et d’œuvrer à un projet autogestionnaire et anticapitaliste. La défiance envers les capitalistes et les politiciens doit se concrétiser dans la pratique par des luttes sociales.
Et il y a réellement urgence à le faire. Car l’arrivée de Macron à la présidence, c’est l’assurance de l’amplification des politiques d’austérité, avec notamment la casse définitive du code du travail, la mise à mal des services publics, l’ubérisation de la société, le mal-logement, l’aggravation des politiques sécuritaires, la poursuite des politiques anti-immigré-e-s, la non prise en compte des questions environnementales, le renforcement du patriarcat, etc. C’est aussi, à coup sûr, continuer à fournir le terreau sur lequel prospère le Front National et plus généralement le poison raciste et xénophobe qui gagne toujours plus de têtes.
Aux valeurs de concurrence entre tous et toutes, de compétitivité, de patriotisme et d’union sacrée, opposons une culture et des valeurs de classe. De Mélenchon à Le Pen, on nous bassine avec la nation, la patrie, l’intérêt général, le bien commun. Or les capitalistes et les États qui les soutiennent n’ont pas les mêmes intérêts que nous ! C’est eux contre nous, nous contre eux, quand ils gagnent, nous perdons et inversement.
Les élections maintiennent justement cette fable de l’égalité des citoyen-ne-s dans l’isoloir, gomment et annihilent les résistances de classe. Le réel enjeu, même à court terme, ne se situe donc pas dans le soutien à tel ou tel politicien lors des prochaines législatives. Il est au contraire à la préparation d’une riposte sociale de grande envergure. Pour cela, nous devons, il nous semble, renforcer les organisations de résistance de notre classe, au premier rang desquelles les organisations syndicales et les collectifs de lutte. Nous savons que cela exige des efforts et qu’il est plus facile d’attendre des promesses politiciennes de victoires faciles, mais elles ne nous conduisent qu’à l’impuissance et aux reculs sociaux. Nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à ne plus en être dupes, alors organisons-nous pour mener la contre-offensive !
Le 15 mai 2017,
les Relations Extérieures de la CGA