Voici un communiqué fédéral de la CGA paru en Février 2016 :
Jacqueline Sauvage a subi les violences, physiques, sexuelles et psychologiques de son mari, qui violait et battait également ses trois filles. En septembre 2012, le lendemain du suicide de son fils, elle tire sur son époux. Condamnée à 10 ans de prison ferme, elle vient d’obtenir une grâce présidentielle partielle. Cela lui permettra d’être libérée dans quelques mois, même si les étapes sont encore nombreuses (examen de dangerosité, avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, passer devant le tribunal d’application des peines, probable port d’un bracelet électronique).
Nous nous félicitons de cette décision qui est le résultat d’une mobilisation féministe importante et payante dont le signal est : les femmes vivant des violences sexistes sont légitimes à ne plus subir, à ne pas se laisser faire.
Cette décision n’efface pas pour autant les presque 50 années de vie de Jacqueline Sauvage et celle de ses enfants détruites par son mari. Ce qu’elle a subi au quotidien relève de la domination masculine qui s’exerce dans toute la société, opprime les femmes et démolit la vie de très nombreuses d’entre elles, que ce soit par leur exploitation, leur harcèlement, par toutes les violences physiques et psychologiques à leur encontre, par le viol, le meurtre. La société n’empêche pas les hommes de commettre ces crimes ; au contraire, elle en est responsable en véhiculant le système patriarcal caractérisé par le pouvoir que les hommes exercent sur les corps et les vies des femmes.
Cette décision n’efface pas la condamnation de la justice qui n’a pas pris en compte les sévices infligés par le mari-bourreau de Jacqueline Sauvage, suivant les fondations de ce système patriarcal. La condamnation à 10 ans de prison ferme, en infligeant une peine supplémentaire à une victime, vient légitimer cette violence et renforcer le système de domination masculine. À ce titre, au-delà du cas de Jacqueline Sauvage, nous dénonçons toute criminalisation de l’auto-défense des femmes face aux viols et aux violences.
Notre société, qui prétend avoir atteint l’égalité homme femme, démontre ainsi que derrière la belle vitrine des déclarations de principe se cache une réalité plus sordide, celle de la création d’agresseurs et de la complaisance à leur égard. Contrairement aux stéréotypes qui décrivent les violeurs comme principalement pauvres et étrangers (stéréotypes renforcés après les agressions de Cologne), le viol et les violences conjugales sont des phénomènes de masse dans la société, dont les auteurs appartiennent à tous les milieux, et à toutes les classes sociales.
Les auteurs de ces viols et violences, particulièrement quand ils sont blancs et bourgeois, bénéficient d’une complaisance et d’une tolérance massives qui sont le résultat d’une culture pro-viol dans laquelle les victimes sont désignées comme coupables, rendues responsables de leur agression en lieu et place de leur agresseur. Rien n’excuse le viol ni les violences conjugales, quels qu’en soient les auteurs. Il ne doit pas y avoir de complaisance avec les agresseurs.
Toutes les violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, doivent être pointées, dénoncées, et combattues, dans la sphère publique (rue, travail, transports, etc.) comme privée (famille, couple, relations, etc.). Pour ce faire, une riposte sociale contre le système de domination masculine doit être menée. Face au patriarcat, des mouvements de lutte féministes sont nécessaires contre l’exploitation et l’oppression des femmes. Leur auto-organisation, par exemple pour créer des espaces d’écoute, de soutien et de sécurité, pour s’entraider et se défendre face à toute agression, est un des moyens de lutte à développer et soutenir.
Ce sont par les luttes collectives que nous ferons reculer les inégalités et les violences, et avancerons vers plus de droits et l’émancipation.
Le 3 Février 2016, les Relations Extérieures de la Coordination des Groupes Anarchistes