Présentée mi-avril à l’Assemblée Nationale, la loi sur le renseignement a été définitivement approuvée par les députés le 24 juin 2015. Ne reste plus que l’avis du Conseil Constitutionnel qui sera rendu en cette fin de juillet. Cette loi, en gestation depuis presque un an, fait suite à celle « contre le terrorisme » promulguée en novembre 2014, dont nous avions déjà dénoncé le caractère liberticide et hautement répressif1.
C’est en s’appuyant sur la pseudo « union nationale » post-attentats de Paris que le gouvernement a pu renforcer son discours « anti-terroriste » et faire adopter cette nouvelle loi liberticide en procédure accélérée, faisant valoir sa légitimité au nom de la « sécurité ».
Mais de quelle sécurité parle-t-il ? Pas celle des salarié-e-s dont les droits sociaux sont toujours diminués ! Pas celle des migrant-e-s, matraqué-e-s et expulsé-e-s ! Pas celle des chômeur-se-s et de tou-te-s les précaires qui se font expulser de leurs logements ! Pas celles des syndicalistes et manifestant-e-s, arrêté-e-s et condamné-e-s ! Destruction du droit du travail (Loi Macron, loi Rebsamen), mesures économiques au profit des actionnaires et du patronat, expulsions des migrant-e-s, répression et criminalisation des mouvements sociaux : c’est bien pour la sécurité et les profits des capitalistes et des classes dirigeantes que l’État multiplie ses offensives sur tous les champs !
Surveillance généralisée et contrôle de masse
Avec cette nouvelle loi sécuritaire, l’État durcit et élargit son arsenal législatif, organisant le contrôle et la surveillance généralisée de la population dans le but inavoué de protéger ses intérêts politiques et économiques. Loin d’être exhaustif, voici un aperçu de quelques unes des nouvelles mesures particulièrement alarmantes :
- En dehors de toute enquête judiciaire, les agents des services de renseignement pourront désormais mettre sur écoute des véhicules, des habitations, des bureaux, y placer des caméras, poser des balises de géolocalisation, consulter le contenu des ordinateurs et des messageries sur Internet.
- De nouveaux moyens d’investigation seront mis en œuvre : droit à l’utilisation des Imsi-catchers, appareils qui permettent de capter toutes les communications téléphoniques dans un périmètre donné.
- Cette loi donnera la possibilité d’intercepter en temps réel les données informatiques, y compris celles concernant les conversations et les messages instantanés. Les entreprises gérant les réseaux sociaux et les moteurs de recherche sur Internet seront contraintes de garder et de livrer certaines données de leurs client-e-s.
- Les « boîtes noires », nouveaux dispositifs informatiques, seront installées par les services du renseignement chez les opérateurs de communications électroniques et fournisseurs de services afin de détecter, par un traitement automatique algorithmique, une succession suspecte de données de connexion.
- Ces nouvelles mesures s’appliqueront en dehors de tout contrôle effectif, la loi se bornant à créer une commission administrative à l’avis consultatif, dont les services de renseignement pourront de plus se passer en cas « d’urgence ». Pas de passage devant un juge, pas de recours possible, le pouvoir politique pourra décider seul de qui il veut surveiller.
Nous sommes toutes et tous concerné-e-s !
Ces méthodes pourront être utilisées dans un cadre très large, et nous pourrons tous et toutes en faire l’objet. C’est bien ce que révèlent les sept finalités inscrites dans le texte pour justifier la mise en place des dispositifs de surveillance :
- L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale.
- Les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère.
- Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France.
- La prévention du terrorisme.
- La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.
- La prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
- La prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous, des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.
Combinées, ces finalités peuvent couvrir l’ensemble du champ social, et viser tout mouvement de contestation, quelle que soit son ampleur.
Sur Montpellier, un collectif s’est mis en place avec la volonté d’informer de ces nouvelles mesures, de dénoncer l’ensemble des lois sécuritaires et liberticides et d’appeler à la mobilisation. Après avoir organisé un rassemblement, une conférence de presse, nous avons produit une affiche (ci-contre), ainsi qu’un 4 pages d’information disponible sur internet2. A l’échelle du territoire, de très nombreuses associations, organisations et des syndicats s’y sont opposés, et ont organisé différents rassemblements et événements, comme vous pourrez le voir en consultant les sites « https://sous-surveillance.fr/#/ » et « http://www.occupydgsi.com/ ». Malheureusement ces oppositions n’ont pas pu ou su agréger en nombre autour d’elles pour créer un réel rapport de force, seul à même de mettre en échec ces lois.
Toujours plus d’inégalités, toujours plus de lois sécuritaires
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, aux États-Unis puis dans de nombreux États du monde, en particulier en Europe, les lois dites « anti-terroristes » s’accumulent, prétendant répondre à un impératif de « lutte contre le terrorisme ». Elles approfondissent en réalité les politiques sécuritaires et répressives déjà existantes depuis plusieurs décennies, instaurant des législations toujours plus liberticides. Dans l’actualité la plus récente, la loi dite de « sécurité citoyenne », entrée en vigueur ce 1er juillet en Espagne, multiplie les restrictions concernant les manifestations et les réunions publiques. Surnommée « loi bâillon », elle vise clairement à museler toute contestation sociale. Dans toute l’Europe, dans un contexte de régression sociale, des lois sécuritaires sont ainsi adoptées afin de « réguler » les effets du désordre social capitaliste.
Ici comme ailleurs, nous sommes toutes et tous confronté-e-s à ces politiques qui poursuivent la même logique : renforcer les pouvoirs des États, protecteurs des classes dominantes et garants de leurs privilèges. En assurant les cadres de notre exploitation, en organisant la précarité généralisée et le creusement des inégalités sociales, ce sont bien les États et le capitalisme qui menacent tout d’abord notre sécurité. Ainsi, nous devons continuer à nous mobiliser pour le retrait du projet de loi sur le renseignement et de toutes les lois sécuritaires et liberticides ! Face à la surveillance, à la répression, et à la criminalisation des mouvements sociaux, organisons la résistance à toutes les échelles, en luttant sur nos lieux de vie, de travail, et en développant des liens de solidarité à l’échelle internationale.
1) http://www.c-g-a.org/motion/loi-anti-terroriste-la-chasse-lennemi-interieur
2) http://www.c-g-a.org/sites/default/files/4_pages_lsr.pdf