Du 12 au 14 septembre dernier, Joseph Ratzinger, qui se fait appeler Sa Sainteté le pape Benoît XVI, est venu honorer la France de sa présence (1). Occasion pour les anarchistes de renouveler leur anticléricalisme et leur athéisme, plus que jamais d’actualité. Au delà du seul catholicisme et de son chef, ce sont non seulement toutes les religions, mais aussi toutes les croyances que nous fustigeons.
Des religions en progression dans le monde
Durant le règne de Jean-Paul II, le nombre de personnes se déclarant catholiques a chuté de 25%, tandis que seulement 4,5% de français-e-s sont considéré-es pratiquant-es, c’est à dire allant une fois par semaine à la messe (2). Raison de plus pour raviver la flamme sacrée là où les impies ne sont que trop nombreux ! Si le christianisme traditionnel n’est plus en odeur de sainteté en France, il augmente considérablement en Amérique latine et les déçus du protestantisme à l’américaine se tournent désormais vers d’autres sectes, tout aussi dangereuses, tels les mormons, les adventistes, etc. L’Afrique, que les missionnaires européens se sont échinés à faire sortir de l’obscurantisme (sic) qu’est l’animisme, ne reconnaît plus les siens puisque ses habitants se tournent désormais massivement vers un islam importé du Moyen-Orient. L’Asie, reste partagée entre un hindouisme régisseur d’une société ultra-inégalitaire, un islam ici aussi en progression et un bouddhisme superstitieux. Ce même bouddhisme est en vogue sur l’ensemble du vieux continent, tant pour son aspect extérieur « non-religieux » que pour son mysticisme pourvoyeur de bonheur pour cadres stressés.
Les religions, outils de domination et prête-noms de la barbarie
Les trois religions abrahamiques (3) se basent sur une application des préceptes divins, curieusement ajoutés par divers humains dirigeants au cours des siècles. Il n’empêche que lorsque certains écrits sont incompatibles avec leurs fins, les garants du dogme s’arrangent avec les textes pour fournir « la » lecture juste. Les commandements originels (4) affirmant que l’on ne doit pas tuer ou se prosterner devant une représentation de Dieu sont relativement peu appliqués. Ainsi, l’Inquisition s’est fort bien accommodée des 10 commandements en considérant les hérétiques comme des créatures sataniques non-humaines. Les religieux éclairés balaient, souvent à juste titre dans le monde moderne, les accusations portant sur le bellicisme des religions, qu’ils attribuent aux politiciens instrumentalisant leur culte. En effet, de tous temps, les chefs politiques se servent de la religion soit pour parvenir au pouvoir soit pour s’y maintenir. Ainsi, les guerres dites de religion, dont la majorité concerne aujourd’hui les branches de l’islam issues du premier schisme musulman (sunnisme et chiisme), ne sont que l’utilisation de divergences anciennes (5) pour asseoir une domination sur une population.
Les religions, systèmes hiérarchisés
« Mais pourquoi êtes-vous encore contre les religions, la république est laïque désormais?! » Tout d’abord, la laïcité, tout au moins l’un des points de la loi de 1905 affirmant que l’Etat ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte, n’est assurément pas respectée. Cette loi prévoit l’exception d’un financement pour permettre le libre exercice du culte dans les écoles, collèges, lycées. Or, seuls les catholiques bénéficient réellement de cette disposition, ce qui revient à la reconnaissance d’un culte premier, contradictoire avec l’article 2 de ladite loi. Ensuite, les présidents de la Vème république, tous catholiques, ont affiché clairement leur pratique religieuse et l’ont relié à leur fonction de chef d’état. D’une part en acceptant le titre de chanoine d’honneur (6) de la basilique Saint-Paul de Latran à Rome, d’autre part en se rendant publiquement à l’église. La réception courante des papes, Benoît XVI étant le dernier en date, entretient le flou, même s’il est chef d’état, chef des armées vaticanes, etc.
Dans un second temps, l’opposition des anarchistes aux religions réside dans son refus catégorique de la hiérarchie et de l’autorité, piliers des religions. Si chaque religion a un fonctionnement différent n’incluant pas forcément un chef suprême, l’allégeance à une entité supérieure est systématique. Elle se base clairement sur l’obéissance à Dieu (ou aux dieux), dont on craint soit la sanction terrestre, soit la sanction dans la vie dite « de l’au-delà ». Les trois religions du livre sont ainsi fondées sur l’Ancien Testament, lequel relate le courroux d’un Dieu destructeur n’hésitant pas à tuer ou faire tuer ceux qui le conspuent. Ainsi, lorsque David terrasse le géant Goliath(7), c’est le bras armé de Dieu qui punit les païens ne reconnaissaient pas l’unicité du Dieu d’Israël. Le bouddhisme est bien une religion avec ses superstitions et son obéissance, au Dalaï-Lama, dans le cas de la branche tibétaine.
Les croyances, liberté de conscience ?
Toujours dans la loi de 1905, l’Etat accorde la liberté de conscience à ses sujets. Bien. De fait chacun-e peut penser comme bon lui semble. Cela n’empêche nullement de combattre les idées qui nous semblent incompatibles avec une société égalitaire. Beaucoup de personnes se déclarent croyantes mais ne souhaitent appartenir à aucune religion. Même sans hiérarchie institutionnelle, une entité supérieure est bien présente pour diriger leur vie. Le concept de l’existence d’un être créateur tout-puissant (Dieu), au-delà de son incohérence structurelle, permet d’expliquer beaucoup de choses, par le prisme du divin. Ainsi, le handicap, la pauvreté et autres maux sont le fait de Dieu, soit par punition d’une mauvaise action, soit par une mise à l’épreuve. L’homme beau, riche, intelligent, avec du pouvoir n’est pas gêné par celui qui est en bas de l’échelle sociale, puisque c’est la volonté divine. Croire, c’est donc s’en remettre à une puissance pour la conduite de sa propre vie. On observe aussi des croyants qui militent et dont la croyance est justement l’origine du militantisme. Par charité, ils ont investi la sphère de l’aide, louable bien qu’elle ne remette nullement en cause l’ordre établi. Par exemple, les cathos de gauche peuvent prendre fait et cause pour les sans-papiers, en les aidant mais ne vont pas s’attaquer à l’origine de l’inégalité : l’existence de frontières.
Soyons ouverts et tolérants : combattons aussi l’islam et le judaïsme !
En France, l’extrême-gauche et les libertaires sont souvent prompts à critiquer le christianisme au détriment des autres religions. Si le culte de la croix est celui que nous connaissons le mieux, il n’en demeure pas moins dommageable de ne pas opposer la même virulence envers l’islam, le judaïsme ou le bouddhisme, pour ne citer qu’eux.
La critique du judaïsme est ardue suite aux atrocités commises par le régime nazi. Pourtant, la notion de peuple élu, légitimant le sionisme et la conquête d’Israël sont forts contestables. Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le judaïsme est inégalitaire, sexiste, obscurantiste, de même que l’islam. Au nom de la liberté de culte, légitime en soi, ou de la tolérance, des militants ont souvent tendance à défendre les pratiques de l’islam, ou tout du moins à ne pas s’insurger contre elles. Oui, imposer 5 prières par jour, le voile, le ramadan et autres pèlerinages est liberticide, et ne favorise pas l’émancipation. Il n’y a pas de religion à visage humain.
Benoît Guerrée, groupe de Montpellier
1 Au jour où nous rédigeons cet article, la visite n’a pas encore eu lieu.
2 Source : sondage IFOP pour La Croix, Le catholicisme en France en 2006, juillet 2006
3 Christianisme, judaïsme et islam se réclament issus d’un patriarche originel commun: Abraham
4 Ceux délivrés par Dieu à Moïse dans l’Ancien Testament, affirmant que la représentation de Dieu est interdite
5 Le premier schisme de l’islam est issu d’une guerre de succession à la mort de Mahomet.
6 Pratique remontant à 1604 sous le règne d’Henri IV, fraîchement (re)converti au catholicisme.
7 La Bible de Jérusalem, 1 Samuel, chapitre 17