Les épidémies, comme les aléas climatiques et autres « catastrophes », sont souvent présentées comme naturelles. Cela permet de fermer les yeux sur les causes et de se concentrer essentiellement sur les conséquences. Une telle représentation est bienvenue pour tous les systèmes de pouvoir qui se voient ainsi exonérés de toute responsabilité. Or, si les virus n’ont pas attendu le capitalisme, la façon dont le dernier en date a pu émerger et se répandre n’avait rien d’une fatalité.
Dans le cas du Covid-19, il est encore plus difficile de donner crédit à ce type de schéma. Pourtant, au-delà des courants religieux les plus fondamentalistes pointant une origine divine, la narration de l’épidémie comme « vengeance de la Nature » est étonnamment répandue [1].
Crise sanitaire et crise écologique
La pandémie de coronavirus constitue bien un événement dont l’origine est liée à la crise écologique.
C’était déjà le cas avec les virus Ebola et H1N1 par exemple. Ces derniers sont synonyme de destruction profonde des écosystèmes, d’une biodiversité de plus en plus restreinte et de déforestation sans oublier l’aberration des élevages industriels.
En ce qui concerne le covid-19, on peut dire pour les patient-e-s déjà atteint-e-s depuis des années de maladies respiratoires, que celles-ci sont liées à la pollution industrielle. On peut aussi estimer que ces maladies expliquent en grande partie les complications pour des malades qui ont dû être mis sous assistance respiratoire et qu’elles ont favorisé le décès d’une partie d’entre eux et elles. La mondialisation capitaliste a largement favorisé la propagation du virus. Dérégulation des échanges, absurdité dans la surproduction et la surcirculation avec des produits similaires se croisant, mobilité accrue des personnes et des marchandises avec fort impact environnemental, voilà ce qui caractérise celle-ci et explique la rapidité de la contagion.
Les solutions proposées pendant et après la crise seront tout aussi catastrophiques : relance économique agressive, tout va repartir de plus belle.
Aussi crise sanitaire et crise écologique sont intrinsèquement liées au système capitaliste.
Les capitalistes détruisent la planète
Le capitalisme est anti-écologique car il implique une augmentation croissante et sans limite de toutes les productions et pollutions, l’extraction de toujours plus de matières premières, une pression toujours plus forte sur les écosystèmes que ce soit par les émissions de gaz à effet de serre ou par la destruction des forêts tropicales et des autres écosystèmes.
Les capitalistes détruisent la planète. Il leur faut l’équivalent de plusieurs planètes pour que le processus d’expansion permanente des profits et de la production se poursuive, or nous n’en avons qu’une seule. En nous forçant à travailler pour eux et en stimulant la tendance à la surconsommation, les capitalistes nous poussent à détruire les écosystèmes de plus en plus rapidement.
Les capitalistes mettent en danger d’abord toute notre classe et plus largement l’humanité tout entière quoi qu’ils en pensent. Exploité.e.s, nous sommes à la merci des bouleversements écologiques provoqués par eux. Pour les capitalistes, la réalisation de profits sera toujours prioritaire sur tout le reste.
C’est si vrai qu’actuellement l’écologie et tout spécialement la question climatique sont reléguées au second plan. Les firmes capitalistes, aidées en cela par les états qui financent généreusement nombre d’entre elles sans contrepartie environnementale et sociale, ont comme priorité la relance économique et le retour à la croissance.
Transition écologique, Green New Deal, «retour des jours heureux» et «monde d’après» sont des fables et des farces qui cachent le fait qu’il s’agit avant tout de renouer avec les profits.
Une fois de plus il faut que tout change, pour que tout reste pareil.
Travaille, consomme et ferme ta gueule est le credo des capitalistes et de leurs fondés de pouvoir à la tête des états. Ces derniers, qu’ils soient autoritaires ou qu’ils osent se dire démocratiques, piétinent quotidiennement les libertés individuelles et collectives et reproduisent un système mortifère et criminel.
Le capitalisme est bien le problème et ne saurait donc être la solution, même si ses défenseurs cherchent à nous en persuader.
Construire une société écologique est une urgence et devrait figurer en tête de tout programme d’urgence digne de ce nom.
Avoir une telle ambition est toutefois un non-sens si on refuse de rompre avec le capitalisme.
Trois révolutions sont nécessaires
Écologie ou barbarie, telle est l’alternative pour les communistes libertaires. Pour y parvenir, nous estimons que trois révolutions sont nécessaires. [2]
- Une révolution des modes de production. La maîtrise de la production par les paysans et paysannes sera le fer de lance du combat contre les multinationales agroalimentaires : fin de la spécialisation agricole de régions entières; remise en cause de l’utilisation massive des pesticides et des engrais industriels; abolition des élevages industriels (à l’origine de nombre d’épidémies dans les dernières décennies), des abattages à la chaîne, de la pêche industrielle…
- Une révolution des modes de vie. Nous nous battons pour une société égalitaire dans laquelle les moyens de production seront socialisés. Un nouveau mode de vie pourra naître. L’organisation des villes, les équilibres entre villes et ruralité, l’organisation de nouveaux habitats – favorisant la mutualisation de biens et d’installations –, tout pourra être transformé. Une vie sociale riche, associant convivialité, culture, sciences, activités physiques, festives… pourra éclore et la possession de biens matériels n’aura plus une place centrale dans la vie humaine. Une société où l’être humain ne se considère plus comme supérieur aux autres espèces, maîtrise l’impact de ses implantations et de ses activités sur l’environnement, afin de vivre en harmonie avec le reste du monde vivant.
- Une révolution des échanges. Contre le libre-échange, nous défendons l’«autonomie productive». Chaque région du monde doit être en mesure de produire ce dont elle a besoin une fois débarrassée de la dépendance des multinationales. Cela ne signifie pas une autarcie, mais des circuits d’échange courts, et la limitation des échanges longs à ce qui ne peut être produit localement.
Depuis le début de la pandémie, des alliances ont pu se créer ou se renforcer (quand elles existaient déjà) entre producteurs, productrices et populations dominées des villes comme des campagnes. C’est ce qui a permis à celles et ceux ayant fait le choix d’une agriculture paysanne de développer la vente directe et de diffuser leurs produits après la fermeture des marchés de plein vent.
Ainsi cette réorganisation d’une partie des produits de distribution a permis à toute une partie de la population d’apprécier, voire de découvrir le fait qu’il est possible et souhaitable de construire une alternative à la grande distribution capitaliste aussi toxique sur le plan social qu’environnemental.
Libertaire, égalitaire, solidaire et écologique, une révolution reste à faire!
[1] «Non, «la nature» ne se venge pas», Alternative libertaire, mai 2020.
[2] Ces trois révolutions sont au cœur du Manifeste de l’UCL.