Les élections européennes approchent et se profilent avec elles un nouveau lot d’espoirs déçus, de promesses non tenues, de tripatouillages politiciens, d’abdications dans la volonté de prendre nos vies en main et de construire des luttes sociales d’envergure.
A travers toute l’Europe, la racaille capitaliste et étatique brise de plus en plus la vitrine de l’État-social, démantèle petit à petit tout ce qui reste de conquêtes sociales et ré-organise une nouvelle distribution vers les plus riches, alors que les opprimé-e-s s’appauvrissent et subissent leur violence quotidiennement. Tout ce qui reste du service public se vend, le chômage et la précarité montent en flèche, les conditions de vie des classes populaires se détériorent en même temps que les bénéfices de la bourgeoisie augmentent, les politicien-ne-s et leurs chiens de garde exercent de plus en plus de contrôle sur nos vies.
Ces mesures ne sont pas mises en place dans toute l’Europe par hasard. Elles constituent l’application des traités fondateurs du Super État européen construit par les États « nationaux » : Maastricht, Schengen, Amsterdam, Rome… Elles sont l’application de décisions du Conseil des ministres, de décisions « sociales » de la Cour de Justice des communautés européennes qui vont dans le sens de la défense de l’entreprise et contre le droit des salarié-e-s. Les droits des entreprises (en fait le droit des actionnaires et des patrons) s’apparentent, en droit européen, à des « libertés fondamentales » quand les droits des salarié-e-s sont du ressort de la compassion des États membres, à eux de choisir ce qui est bon pour leurs propres ressortissants… à condition que cela ne défrise pas la Cour de Justice des communautés européennes. La Commission Européenne, la Cour de Justice des communautés européennes, les conseils de ministres décident et exécutent, le Parlement européen cautionne. Aucune de ces instances n’est responsable devant le Parlement européen qui ne peut ni légiférer ni orienter des choix politiques. Y compris dans une logique « réformiste », la participation à ces élections est une véritable gageure, tant le Parlement européen a un pouvoir affaibli. La considération qu’ont les États de l’avis du peuple s’est encore mesurée dans le traitement des différents référendums organisés à travers l’Europe : soit ils réorganisent des votes (Danemark, Irlande) jusqu’à l’obtention de la réponse voulue, soit ils ne tiennent absolument pas compte du résultat du vote (comme ça été le cas pour le vote contre la constitution européenne en France).
La voie à trouver se situe donc exclusivement sur le terrain social. Des réactions sociales ont émergé à travers l’Europe, d’ Islande en Espagne, de la Grèce aux pays Baltes, et même au pays où « on a un des meilleurs systèmes sociaux au monde, ». Elles font peur au pouvoir et montrent bien que la population vivant en Europe n’est pas tout à fait consentante, ne reste pas soumise. Mais ces réactions restent insuffisantes : la crise que les patrons et les États veulent nous faire payer nécessite un mouvement social massif et revendicatif qui construira la grève générale et passera à l’offensive.
Dans les urnes on perd à tous les coups
Loin de cette perspective, ces élections européennes représentent d’abord pour les partis en France (comme ailleurs en Europe) un positionnement sur l’échiquier politique national et une course à la pompe à fric électorale; c’est la course à l’échalote pour toucher les subsides de l’État dont tous les partis sont dépendants.
L’UMP va essayer de limiter la casse à ces élections mais le gouvernement peut rester serein; contrairement aux discours des électoralistes, une supposée défaite du parti présidentiel ne modifierait en rien l’avalanche de mesures anti-sociales; les déculottées prises par ce parti au profit des socialistes aux dernières élections régionales et dans une moindre mesure aux municipales n’y a rien changé. Le principal argument de vote pour le P.S, toujours englué dans des batailles de pouvoir et qui assume pleinement la gestion du système capitaliste, ne tient donc pas la route. Le MODEM joue encore une fois sa survie : sans quelques postes, le chef auto-proclamé providentiel Bayrou risque de rester bien seul ….
Le F.N espère se refaire une santé grâce à ce scrutin à la proportionnelle (merci tonton) et attend le retour dans son giron des déçus du sarkozysme.
A gauche du P.S tout le monde se tire la bourre pour prendre la place laissée vacante par un P.C moribond.
Tous ceux et toutes celles qui rejettent dans les discours une Europe anti-sociale et anti-démocratique contre laquelle ils avaient appelé à voter NON, se précipitent dans la bataille pour gagner quelques postes de dirigeants de cette même Europe … Vraie contradiction.
Vraie contradiction aussi, d’appeler à l’unité contre le gouvernement et d’aller à la bataille dans la division la plus totale : le PC fait front avec le PDG (Parti de Gauche) pour sauver les meubles, les Verts bidouillent dans l’alliance hétéroclite «Europe Écologie » qui regroupent des alter mondialistes sauce Bové tout en draguant le chiraquien Nicolas Hulot, le NPA essaie de surfer sur la vague médiatique autour de sa fondation et de son leader charismatique. Les trotskystes assumés de Lutte Ouvrière suivent comme toujours leurs propres lignes.
Le N.P.A semble tenir la corde. Pourtant déjà à l’intérieur du parti, les pratiques autoritaires des aparatchiks de la LCR commencent à heurter ceux et celles qui plus ou moins naïvement sont tombé-e-s dans le panneau : les têtes de liste ont été attribuées aux liguards, et les prises de décisions internes font déjà polémiques . Bref le vernis libertaire ne résiste pas au centralisme démocratique.
Au-delà de leurs divisions, il n’y a rien à attendre d’une recomposition à gauche dès lors qu’elle s’inscrit sur le plan électoral. Elle répèterait les impasses du passé et ses renoncements avec la prise de pouvoir et la gestion du système, de Mitterrand à Lula, les résultats et les désillusions ont toujours été les mêmes. Toutes ces formations entretiennent la croyance que la couleur politique des élus peut jouer dans le sens de notre émancipation, dans l’amélioration de nos conditions de vie. Mais la politique n’est pas une question d’intention ou d’honnêteté, de discours plus ou moins radicaux. La couleur politique des gestionnaires des intérêts capitalistes a peu d’importance dès lors que ces intérêts fondamentaux ne sont pas remis en cause. Ils ne peuvent l’être de toute façon dans le cadre de l’Etat : cette institution n’a rien de neutre, elle est l’instrument de pouvoir au service d’une minorité contrôlant l’économie (les milliards raquettés par de les états au profit des banquiers le démontre encore!).
Il n’y a donc pas de temps à perdre avec dans les élections européennes pour tous ceux et celles qui veulent mettre un frein à la dégradation sociale et à la fascisation des esprits. Si les X millions de personnes qui votent à travers l’Europe contre la politique de leur gouvernement descendaient dans la rue, ils/elles pourraient bien plus certainement faire valoir leurs choix. Par contre, tous les votes, y compris ceux qui se qualifient de protestataires, légitiment la prise de pouvoir des gagnants et les mauvais coups qu’ils ne manqueront pas de porter, « élus démocratiquement ».
Passer de la grève d’expression à une grève de confrontation
Dans un contexte social où la construction de la grève générale est nécessaire, les élections européennes sont un frein à cette perspective. Les partis de gauche et d’extrême gauche ont plus intérêt à entretenir un climat de mécontentement larvé qu’ils espèrent capitaliser au moment des élections que d’oeuvrer à une confrontation sur le terrain social qu’ils ne maîtrisent pas. Ainsi malgré les discours et déclarations d’intention de certains de ces partis autour de la grève générale (le NPA notamment), des cadres syndicaux qui appartiennent à ces mêmes partis participent et accompagnent sans broncher la stratégie perdante des grèves de 24 h sans lendemain … Et l’énergie des militant-e-s va passer dans l’auto-promotion électorale et non dans la construction réelle du rapport de force social …
Nous devons passer des grèves et manifestations d’expression d’un mécontentement à des grèves de confrontation avec le pouvoir. Cela passe par une grève qui dure et fait mal au porte-monnaie des possédants; nous devons renouer avec des grèves actives qui emploient des méthodes comme les occupations des lieux de travail, les blocages des centres économiques névralgiques etc.
La radicalité qui s’est exprimée dans certaines actions de salariés contre leurs licenciements (séquestration de patrons et de cadres, sabotage ou réquisition des outils de production) nous montre la voie à suivre mais nécessite d’être étendue dans une confrontation large.
A nous aussi d’amener à une remise en question de l’organisation du travail et de la société actuelle.. Et bien sûr, à nous de faire que toutes ces luttes se fédèrent ensemble pour faire émerger un nouveau rapport de force social mais aussi un projet de société émancipateur, égalitaire et libertaire.
Giorgos et Gilles
groupe UAF de Montpellier