La réforme du droit du travail par ordonnances est l’une des premières étapes de la démolition sociale programmée par le gouvernement dans les prochains mois : fiscalité à l’avantage des plus riches, austérité sur les dépenses publiques, destruction du droit du travail, précarité et renforcement des inégalités sociales ! L’architecture générale du projet Macron, c’est l’attaque en un temps record de l’ensemble des dispositifs de protection sociale et des mécanismes de solidarité, d’abord le code du travail, puis les retraites, l’assurance chômage, la sécurité sociale, l’éducation… nous allons tout perdre sans une mobilisation d’ampleur !
La stratégie du gouvernement : imposer la nouvelle loi travail par ordonnances, en contournant les syndicats.
La stratégie du gouvernement, c’est de tout contrôler, en utilisant les techniques d’entreprise pour asseoir son pouvoir : information confisquée, rapidité des mesures, stratégies d’alliances et de division vis‑à‑vis des syndicats, réformes par ordonnances. Organisée dans le but d’éviter une confrontation réelle et un possible mouvement social, la « concertation » sur la réforme du travail n’aura été qu’un simulacre, auquel une partie des syndicats ont malheureusement joué le jeu.
En supprimant les débats au Parlement, le gouvernement a laissé très peu de temps aux syndicats engagés dans la lutte et aux collectifs pour expliquer les enjeux de la réforme, très peu de temps pour que la contestation sociale s’élargisse, et que la riposte s’organise à la hauteur de l’attaque !
La date du 12 septembre, premier appel à mobilisation, est pourtant essentielle pour pouvoir donner des suites et espérer changer le cours des choses. L’urgence est là !
Les ordonnances Macron : des salarié‑e‑s ultra précarisé‑e‑s, des riches mieux protégés, des syndicats muselés
Cette nouvelle loi travail vise à renforcer davantage l’inversion des normes entre les entreprises, les branches professionnelles et le code du travail, déjà entamée avec la loi El Khomri et d’autres lois libérales précédentes. Le patronat et l’État, main dans la main, veulent pouvoir imposer des baisses de rémunérations et des conditions de travail dégradées aux salarié‑e‑s dans chaque entreprise, où la pression qui s’exerce sur eux/elles est tellement forte qu’il est souvent difficile de résister au chantage (peur du licenciement, de la mise au placard, de pressions, de mauvaises évaluations, etc.). Pression qui sera d’autant plus accrue par la facilitation des licenciements et la réduction des moyens de défense. C’est la fin des protections et garanties collectives pour les travailleurs‑euses.
Austérité sur les dépenses publiques, budget et fiscalité à l’avantage des plus riches
Un plan d’austérité drastique s’annonce : suppression d’une partie des emplois aidés, baisse des dotations aux collectivités territoriales, diminution de l’aide personnalisée au logement (APL), gel de l’indice des fonctionnaires, et d’énormes coupes sur les dépenses publiques. Pour cette fin d’année 2017, c’est déjà 4,5 milliards d’euros d’économies qui sont prévus, et pour l’ensemble du quinquennat, ce sont 60 milliards d’euros !
Quant aux orientations fiscales du gouvernement, les premiers bénéficiaires en seront les entreprises et les détenteurs de capitaux. Dès le 1er janvier prochain s’amorcera une baisse de l’impôt sur les sociétés, qui diminuera de 33 % à 25 % d’ici 2022. La transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allègements pérennes des cotisations sociales (patronales) des entreprises est programmée pour 2019. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), permettra d’y soustraire notamment le capital en action ou obligation. Les revenus du capital mobilier (intérêts, dividendes, plus‑values…) ne seront soumis qu’à un prélèvement forfaitaire de 30 % (prélèvements sociaux inclus !), alors que les gros revenus peuvent être imposés jusqu’à 58,21 % actuellement.
Quant à l’exonération de 80 % des ménages de la taxe d’habitation (pour le moment, c’est seulement une réduction d’un tiers de la facture des ménages éligibles qui est envisagée pour 2018), cette mesure se traduira certainement par une baisse de ressources des collectivités territoriales, et donc par une réduction des services à la population qu’elles financent (actions sanitaires et sociales, crèches, équipements culturels, sportifs…). Rien que pour cette fin d’année 2017, ce sont 300 millions d’euros de leurs dotations par l’État que le gouvernement vient d’annuler.
Des riches mieux protégés
Vers une insécurité sociale permanente : attaques contre les allocations chômage et le système des retraites
Ces mesures fiscales vont de pair avec les réformes des retraites et des allocations chômage à venir.
Concernant le système des retraites, le but est de passer à un régime de type assurantiel, individualiste, où les pensions et les indemnités seront calculées en fonction de ce que chacun‑e aura pu cotiser et du nombre théorique d’années restant à vivre ! C’est la fin de la solidarité, la mise en concurrence de tou‑te‑s les travailleurs‑euses, et l’incertitude sur l’avenir.
Pour ce qui est des allocations‑chômage, Macron veut en durcir les conditions d’attribution : trois refus d’emploi dont le salaire n’est pas inférieur à 80 % conduiront à la suppression des allocations. Le but est d’obliger les chômeurs‑euses à accepter des salaires de plus en plus bas et des conditions de travail dégradées, et entraîner ainsi une pression à la baisse sur l’ensemble des salaires.
Ces réformes sont préparées par la hausse de la CSG de 1,7 point (de 7,5 % à 9,2 %), présentée comme une compensation de la suppression des cotisations sociales chômage (2,4 %), en janvier, et maladie (0,75 %), à l’automne 2018. Au‑delà des effets sur le pouvoir d’achat à court terme, c’est bien un changement de nature qui s’opère : les cotisations sociales, c’est du salaire socialisé et redistribué pour protéger les salarié‑e‑s en cas de maladie, chômage, etc. La CSG est un impôt sur les ménages (et non sur les entreprises), géré par l’État, et le gouvernement aura l’arbitrage pour la gestion de ses recettes ! Ces mesures présagent la faillite de l’assurance chômage, qui viendra justifier les baisses des allocations…
Des syndicats muselés
État des forces dans le mouvement social et la nécessité d’une rupture avec les logiques politiciennes
Depuis les années 1980, le code du travail a été attaqué 17 fois, au détriment de la protection de l’ensemble des travailleurs‑euses. Cela n’a en rien permis de réduire le chômage. Sans une contestation sociale de grande ampleur, nous n’aurons plus aucun des outils si maigres soient‑ils qui ont permis au peuple de défendre ses droits, et d’en obtenir de nouveaux. Les patrons ont tout à gagner à diviser les syndicats, à les transformer en coquilles vides. Il faut se battre pour des outils syndicaux et un syndicalisme de lutte, et non une cogestion de l’entreprise dont le but est d’éviter l’éclatement des conflits sociaux.
Un mouvement social peut faire reculer le pouvoir ! Ce fut le cas plusieurs fois, quand bien même l’État tentait d’imposer des régressions sociales par des passages en force : renoncement de Juppé à réformer les retraites publiques par ordonnances en 1995, abandon du CPE adopté via le 49‑3 en 2006 (jamais appliqué après sa promulgation). Il ne faut pas donc pas sombrer dans la fatalité !
Les jours de grève isolés ne suffiront pas pour gagner. Il nous faut préparer une riposte sociale d’ampleur, ce qui sera une tâche ardue car, à la précédente trahison de la CFDT (soutien à la loi El Khomri), vient de s’ajouter celle de la direction de FO. Mais les syndicalistes et les travailleurs‑euses, à la base, peuvent décider par elles‑mêmes et eux‑mêmes de défendre leurs intérêts. Les grèves sur la durée, les blocages économiques, en s’en prenant aux porte‑monnaie des patrons, pourront permettre de construire un réel rapport de force.
Des salarié‑e‑s ultra précarisé‑e‑s
Contre l’exploitation, la précarité et les inégalités sociales, c’est maintenant qu’il faut riposter et s’organiser pour changer de société
Austérité sur les dépenses publiques et réformes ultralibérales sont les deux jambes d’une même politique capitaliste. Les dirigeants, exploiteurs, détenteurs des capitaux, recherchent toujours à dégager plus de profits, et légifèrent en ce sens, quitte à s’engager dans une fuite en avant : crises à répétition, destructions écologiques, guerres, etc. en seront immanquablement les conséquences.
Contre l’exploitation, la précarité, et les inégalités sociales, c’est donc maintenant qu’il faut se mobiliser, faire face aux réformes libérales, lutter pour nos droits, et nous organiser pour construire une autre société. Ce sont le blocage de l’économie par la grève et les luttes collectives qui peuvent permettre d’établir un rapport de force en notre faveur ! L’État, structure de pouvoir confisqué par une minorité sur le plus grand nombre, par sa nature même, sera toujours au service des exploiteurs et des capitalistes.
En tant qu’anarchistes, nous sommes pour l’autogestion de la société, par la démocratie directe et le fédéralisme, et pour une économie socialisée et égalitaire. Aujourd’hui, nous devons nous battre pour empêcher que nos droits et systèmes de solidarité, tous obtenus grâce aux luttes sociales, ne soient anéantis ! En luttant ensemble organisons‑nous pour construire une autre société, égalitaire et autogérée, sans rien espérer des politiciens.
Pénalisation des femmes, renforcement des inégalités
La nouvelle loi travail, comme la loi El Khomri, vient encore accroître les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, déjà très fortes (26 % d’écart de salaire). En effet, les salarié‑e‑s les plus touché‑e‑s par la réforme sont ceux et celles en CDD ou travaillant dans des petites entreprises, deux catégories d’emplois où les femmes sont majoritaires. Avec l’inversion de la hiérarchie des normes, de nombreux droits, et notamment les droits familiaux (les congés enfants malades pris le plus souvent par les femmes, l’allongement du congé maternité et le maintien de la rémunération à 100%, l’allègement du temps de travail des femmes enceintes…) pourront être remis en cause par accord d’entreprise.
Alors qu’actuellement la loi prévoit une négociation annuelle « égalité professionnelle qualité de vie au travail », et oblige l’entreprise à fournir des données aux salarié‑e‑s sur les inégalités professionnelles femmes / hommes, les ordonnances permettront, par accord d’entreprise, de changer le contenu de la négociation, de choisir les données sur l’égalité à transmettre (ou non), voire de ne pas négocier du tout.
Les femmes, plus souvent à temps partiels, plus souvent précaires, assumant la plus grande partie des tâches parentales, seront particulièrement pénalisées par la possibilité d’imposer, toujours par accord d’entreprise, des clauses de mobilité (sans que la loi ne fixe de limite géographique ni d’obligation à prendre en compte la situation familiale des salarié‑e‑s), des modifications d’horaires et de temps de travail ou encore des baisses de salaires. Autres exemples, la disparition du CHSCT va affaiblir la prévention des violences sexuelles au travail, et le droit d’expertise dédié à l’égalité femmes / hommes à la charge de l’employeur est anéanti !