APPEL DU BUREAU DE St GELY EN FIN D’ARTICLE
En ce début d’année 2015, des velléités de luttes semblent pointer à La Poste. Mercredi 25 février, 80% des factrices et facteurs du bureau de St Gély du Fesc, qui couvre toute la zone du nord de Montpellier, étaient en grève pour réclamer des emplois et des conditions de travail dignes. Un mois plus tôt ce sont les agents des bureaux de distributions de Montpellier qui organisaient une conférence de presse à destination des usagers pour alerter sur les conditions catastrophiques de la distribution du courrier sur la ville et sur leurs conditions de travail.
Une dégradation qui vient de loin
La situation dégradée d’aujourd’hui, tant sur le plan du service rendu aux usagers que sur celui des conditions dans lesquelles travaillent les postier-es, n’est pas arrivée en un jour. C’est en fait trente ans de reculs continus qui en sont la cause. Tout ces reculs trouvent leurs source dans la volonté politique de dérégulation libérale pensée dès les années 70, mais dont la traduction concrète dans le secteur des communications en France démarre au tout début des années 90 lors du deuxième mandat de Mitterrand. Ce fut la fin des PTT avec la création de deux entreprises distinctes, France Télécom et La Poste, la modification du statut des entreprises passant d’administrations publiques en entreprises publiques et le recrutement de contractuels de droit privé qui ont ouvert une brèche qui n’a cessé de s’élargir depuis. La privation de FT à la fin des années 90, puis celle de la Poste en 2009, avec en parallèle la libéralisation totale du marché à l’échelle européenne ont donné un grand coup d’accélérateur à la mise en place des appétits capitalistes sur ce marché. La logique de profit devient première passant de très loin avant celle de service public. On assiste depuis lors à une politique de baisse de la masse salariale d’un coté, et parallèlement, soit à une baisse des services rendus soit à l’augmentation des prix de ces services. A La Poste, ce sont près de 80000 emplois qui ont été supprimés depuis 2002 à grands coups de réorganisations du travail, au rythme d’une tous les 18 mois. Plus d’un centre de tri sur deux a été fermé, des milliers de bureaux de poste ont été fermés ou transformés en agences « municipales » à la charge des communes. De leur coté, les postier-es surchargés de travail et désorientés connaissent à l’instar de France Télécom une vague de suicides en 2010 et 2011. Pour ce qui est des bénéfices qui peinaient à être positifs jusqu’au milieu des années 90, ils affichent tous les ans, depuis une dizaine d’année, un résultat excédentaire autour des 500 millions d’euros.
Une situation devenue invivable
La vague de suicides de 2010-2011 et son début de médiatisation a conduit la direction du groupe La Poste à geler les réorganisations pendant un peu plus d’un an. Mais la trêve est finie et les réorganisations et les suppressions d’emplois sont reparties de plus belle pour rattraper le temps perdu. Cela se traduit concrètement par des conditions de travail déplorables. A la distribution, de suppressions d’emplois en suppressions de tournées, les tournées s’allongent, la charge et le poids augmentent, le temps alloué à chaque opération est réduit de façon artificielle, et les organisations de travail atypiques, souvent ubuesques mais appelées innovantes par la direction, deviennent la norme. Dans l’Hérault, comme dans de nombreux départements, la direction a les deux pieds sur le frein en matière d’embauche, produisant de nombreuses situations où il y a un écart important entre l’effectif théorique et l’effectif réel. Pour Montpellier, c’est pas moins de 20 facteurs qui manquent à l’effectif annoncé par la direction. Pour pallier à cela, La Poste a recours massivement a des CDDs, des intérimaires et aux heures supplémentaires.
Dans ces conditions, les factrices et les facteurs n’arrivent plus à faire leur tournée dans les temps ou correctement, ils ne sont pas toujours remplacés les jours où ils ne travaillent pas, et l’épuisement physique, la perte de sens du boulot et l’épuisement psychologique s’installent. Le mépris et/ou l’autoritarisme managérial se rajoutent aux difficultés quotidiennes. Cerise sur le gâteau, la stratégie de la direction donne le signe qu’elle mise sur la fin du courrier, en tentant de transformer le métier de facteur, en un boulot précaire multi-service, et ce dans le chaos le plus complet.
Une riposte nécessaire
Comme dans l’ensemble du monde du travail, le manque de victoire sociale pèse sur la capacité à se mobiliser. Les grandes grèves nationales des années 70 et 80 sont devenues des histoires que racontent les vieux postiers encore en activité. Depuis, c’est au mieux des luttes parcellaires, bureau par bureau, au rythme des réorganisations pensées intelligemment par les directions de la poste pour éviter des mouvements d’ensemble. Et encore, le plus souvent, comme partout c’est le chacun pour soi, la débrouille individuelle, le sauve qui peut ou la résignation qui dominent.
Cependant, la situation est devenue tellement intenable, que pour une partie des personnels, c’est quasiment devenue une question de survie. Des luttes émergent ces derniers mois, certaines à l’échelle de plusieurs bureaux ou d’un département, comme en Normandie ou dans l’Isère. L’accélération des transformations, l’atteinte de point des limites supportables en sont probablement la raison. Toutes ces luttes qui permettent de relever la tête sont importantes, particulièrement dans cette période difficile pour les luttes, et doivent être soutenues.
Ici et maintenant, c’est le bureau de distribution de St Gely qui se mobilise. Après une grève de 24H très suivie le 25 février, les personnels de ce bureau partiront en grève illimitée à partir du mardi 3 mars. L’enjeu est comme toujours d’élargir le rapport de force pour obtenir des victoires. A cette fin, ils lancent un appel à la population à les soutenir le mercredi 4 mars à 10H30 devant le bureau de St Gély. Parallèlement, des discussions et des AG ont lieu dans d’autres bureaux du département qui vivent les mêmes difficultés. Cela pourrait conduire à un conflit plus important, qui serait plus en capacité de s’opposer au rouleau compresseur des patrons.